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Chapitre 4 : Variations contextuelles de la propension à vivre dans un ménage en

I. Principaux résultats

Le premier chapitre de cette thèse porte sur les aspects théoriques. Il ressort que les principales théories qui supportent la recherche sur les personnes âgées dans le monde en développement sont la théorie de la modernisation et la théorie socioculturelle. Des études plus récentes sont réalisées sur la base de la théorie de la réciprocité et celle de la mortalité adulte due au VIH/SIDA. Toutefois, cette dernière n’est valable que dans les pays à forte prévalence de VIH/SIDA. En plus, les recherches réalisées montrent que la mortalité due au VIH/SIDA n’explique pas à elle seule la vie dans un ménage à génération coupée (Merli et Palloni, 2002 ; Zimme et Dayto, 2005 ; Zimmer, 2009). Les résultats de ces études et le contexte de la mortalité au Niger, nous amènent à élargir ces considérations théoriques au placement des enfants qui est une pratique traditionnelle en Afrique Subsaharienne et à la mortalité adulte due aux autres causes telles que le plaudisme et la tuberculose. Mais la vérification de toutes ces théories est pour l’heure quasi-impossible à cause de l’absence de données empiriques.

Dans le second chapitre, nous avons fait le point des études réalisées (et auxquelles nous avons eu accès) sur tous les thèmes liés au vieillissement et aux personnes âgées en Afrique Subsaharienne ainsi que des données qu’elles ont utilisées. Il ressort que les études sur les personnes âgées sont encore rares en Afrique Subsaharienne. Cette situation est surtout caractéristique de la partie francophone du continent. Pourtant les

principales justifications des études sur les personnes âgées en Afrique Subsaharienne que sont l’épidémie du VIH/SIDA et la pauvreté n’épargnent pas cette partie. Comme certains auteurs, nous avons estimé que l’absence d’enquêtes spécifiques aux personnes âgées et l’inaccessibilité des données existantes étaient des causes réelles de ce manque d’études. Toutefois, elles ne sauraient être des obstacles absolus, même si cela a été vécu dans la réalisation de la présente thèse. En effet, la volonté des décideurs, des chercheurs et surtout de ceux qui financent la recherche peut permettre de surmonter ces obstacles et travailler avec ce qui est disponible avant d’obtenir ce qui est souhaitable. Parmi les études répertoriées, rares sont celles qui sont comparatives entre les pays.

Les principales études comparatives amènent à des conclusions assez générales sur les conditions de vie des personnes âgées (Bongaarts et Zimmer, 2002 ; United Nations, 2005 ; Zimmer et Dayton, 2005 ; Zimmer, 2009). Les thèmes traités ne sont pas très variés et tournent autour des conditions de vie des personnes âgées et de la cohabitation intergénérationnelle surtout dans les contextes de VIH/SIDA et de pauvreté. Les interactions entre la cohabitation et la santé, puis entre la santé et la pauvreté chez les personnes âgées ne sont pas étudiées à cause de l’absence de données spécifiques. Malgré ce constat, il faut souligner l’existence de sources de données pouvant permettre de combler ces insuffisances en matière de recherche en Afrique Subsaharienne. Il s’agit globalement des enquêtes démographiques et de Santé, des enquêtes auprès des ménages de la Banque Mondiale, des recensements et des observatoires démographiques. Les deux premières sources sont internationales et faciles d’accès, alors que les recensements offrent plus d’effectifs et de caractéristiques des personnes âgées que les autres enquêtes. L’importance de l’effectif des personnes âgées explique d’ailleurs notre choix porté sur les recensements pour réaliser l’étude de cas sur le Niger présentée dans les deux derniers chapitres. Quant aux observatoires démographiques, leur principal atout est l’aspect longitudinal de leurs informations, mais ils produisent des données difficilement comparables entre les pays.

Le chapitre 3 présente les déterminants individuels de la vie en l’absence d’un jeune adulte et dans un ménage à génération coupée. Dans la plupart des études, le ménage à génération coupée est composé d’une personne âgée de 60 ans et plus (ou 65 ans et plus) et au moins un de ses petits enfants (généralement de moins de 15 ans), en l’absence du parent adulte de ce dernier. Dans le contexte particulier du Niger, nous avons retenu comme ménage à génération coupée celui dans lequel vivent au moins une personne âgée de 55 ans et plus et au moins un enfant de moins de 18 ans non marié, en l’absence de tout adulte, peu importe leurs liens avec le ou les enfants. Presque toutes les études sur la vie dans un ménage à génération coupée est généralement motivée par la forte prévalence du VIH/SIDA et ses conséquences dans certaines régions. Au Niger, où cette prévalence est faible, la formation d’un ménage à génération coupée dépendrait de la mortalité adulte due aux autres causes de mortalité et au placement des enfants.

Les résultats obtenus montrent l’importance des facteurs sociodémographiques dans l’explication de la vie dans un ménage à génération coupée au Niger. Il n’est pas surprenant de trouver que les différences hommes-femmes soient influencées par le statut matrimonial. Au Niger, le mariage, organisé et vécu sous contrôle social donne assez d’avantages relatifs à l’homme à cause d’un écart d’âges favorable et de la pratique de la polygamie. Par contre, les règles relieuses et traditionnelles d’accès à un ménage ne facilitent pas la vie à un homme non marié. C’est donc sans surprise que le veuvage et le divorce plongent l’homme âgé dans l’isolement alors qu’ils rapprochent la femme âgée des adultes. Ce résultat ouvre un débat sur les discriminations envers les personnes âgées. Ce résultat montre que les hommes peuvent être vulnérables dès qu’ils perdent leur soutien qu’est la femme.

Le second résultat important dans ce chapitre, c’est la diversité des effets observés à travers les autres facteurs. Le milieu de résidence influence le fait de vivre en l’absence d’un jeune adulte en général, mais pas pour la vie dans un ménage à génération coupée. L’aspect socioculturel que nous avions privilégié (l’ethnie) influence très peu le fait de vivre dans un ménage à génération coupée. C’est au contraire la région de résidence, qui véhicule l’environnement climatique, qui explique la différence dans la vie dans un

ménage à génération coupée au Niger. Ainsi, les personnes âgées vivant dans les zones les plus désertiques ont plus de chances de vivre dans un ménage à génération coupée que celles qui habitent les régions non désertiques. On voit ici l’importance de l’exode rural au Niger qui est plus fréquent dans les zones désertiques du pays et qui explique en partie la vie dans un ménage à génération coupée. L’autre partie s’expliquerait par le placement d’enfants dont les parents vivent non loin des personnes âgées et par la mortalité adulte due au paludisme, à la tuberculose et autres infections. L’une des insuffisances de notre étude est de ne pas avoir pu prendre en compte ces principaux facteurs dans notre modèle analytique à cause de l’absence des données.

Le chapitre 4 nous a permis d’approfondir l’aspect régional en tentant d’identifier les facteurs contextuels qui expliqueraient la probabilité pour une personne âgée de vivre en l’absence d’un jeune adulte et dans un ménage à génération coupée. Les résultats montrent que seuls les contextes socioéconomiques influencent significativement ces deux phénomènes. En effet, le degré d’urbanisation d’une commune augmente les chances de vivre en l’absence d’un jeune adule et de vivre dans un ménage à génération coupée, tandis que le niveau de pauvreté les diminue. Ce résultat montre que les difficultés économiques d’un contexte entrainent une plus grande solidarité intergénérationnelle qui n’apparait pas au niveau individuel. Il ressort aussi logiquement que les contextes dans lesquels la disponibilité familiale est grande sont plus favorables à cohabitation entre personnes âgées et adultes au Niger. L’interaction entre le contexte urbain et le sexe de la personne âgée montre la nécessité de prendre en compte le milieu de résidence comme variable contextuelle plutôt qu’individuelle.