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III. CHAPITRE 3 : Discussion

1. Principaux résultats et validation de l’hypothèse

En étudiant l’aphasie chez la personne âgée hospitalisée en service de post-AVC, nous avons émis l’hypothèse qu’un outil de renseignement sur l’autonomie de communication du patient manquait au dossier infirmier. En effet, le comportement langagier d’un patient aphasique est un phénomène très complexe et sa symptomatologie reste encore très mal connue. Il nous a alors paru utile de créer un outil de sensibilisation sur les capacités et incapacités du malade sur le plan de la communication.

Loin d’avoir un tableau clinique typique, l’aphasie s’exprime sous multiples facettes : silence, ou au contraire jargon, troubles massifs de la compréhension, ou bien légers troubles qui s’accentuent lorsque plusieurs personnes parlent en même temps… L’expression de l’aphasie est très variée et peut évoquer d’autres tableaux clinques tels que la démence, le syndrome de « glissement », ou la maladie d’Alzheimer, surtout dans un service dédiée à la gériatrie où ces pathologies sont fréquemment rencontrées.

Il nous a ainsi paru fondamental que le personnel soignant puisse se référer à un

document relatant les capacités et incapacités de communication du patient aphasique, et ce afin de mieux cerner le profil du patient quant à son autonomie langagière, et ainsi de mettre en évidence les moyens d’adaptations possibles avec chaque patient.

En effet, contrairement à l’autonomie motrice qui a un document qui lui est dédié

dans le dossier infirmier (l’index de BARTHEL), l’autonomie de communication quant à elle n’est pas renseignée. Néanmoins, il ne semble pas qu’il y ait de primauté des capacités motrices sur les capacités de communication, les deux facultés sont essentielles à tout individu.

C’est pourquoi nous avons souhaité, à travers ce mémoire d’orthophonie, créer une échelle permettant d’identifier les capacités et incapacités des patients sur le plan de la communication, à travers les items suivants : Compréhension du patient, Expression

du patient, Possibilités de communication non verbale, Efficacité du message transmis, Comportement dans la communication.

L’ACPAA a donc été présentée au service de post-AVC gériatrique de l’hôpital de Cimiez, qui a bien accueilli le projet. Après quelques mois de passation, nous avons pu recueillir 15 échelles dans le but de réaliser une étude des résultats.

Pour savoir si l’échelle est sensible à la population aphasique et non à une population lambda, nous avons réuni un groupe témoin de 25 personnes âgées n’ayant aucune pathologie connue.

Pour savoir si la terminologie des items était utilisable par tous, mais aussi pour voir si une différence de cotation existait entre un observateur non spécialisé dans le langage et un orthophoniste, nous avons fait remplir une deuxième ACPAA pour chaque patient par des orthophonistes du service.

Les résultats présentés dans les pages précédentes indiquent que l’ACPAA est, comme nous l’attendions, sensible à l’aphasie. En effet, les scores à l’échelle n’atteignent jamais 10/10 pour un patient aphasique. Les cotations faites par les aides- soignants vont de 0/10 à 7/10, et les cotations des orthophonistes de 0/10 à 8/10.

Pour corroborer cette sensibilité à l’aphasie, nous avons constaté que la population saine qui nous a servi de population témoin plafonne au score maximal de 10/10 dans 24 cas sur 25.

Une personne de l’étude seulement a reçu un score moindre, de 7/10. Parmi les hypothèses quant à cette exception, nous avons émis celle du repli de cet homme veuf très assisté au quotidien, et qui plus est a un caractère un peu « rustre » d’après son entourage.

Les items altérés concernent la compréhension, en effet l’observateur note que

l’homme a besoin d’étayage pour comprendre ce qu’on lui dit ; les possibilités de

communication non verbales ne semblent pas être utilisées de manière spontanée ; son comportement dans la communication montre que cet homme a besoin d’être sollicité

pour être dans l’échange, il ne le fait pas de façon autonome.

Aussi surprenant soit-il, nous n’avons pas eu connaissance d’une quelconque pathologie le concernant. Il aurait été intéressant de proposer un bilan complet de langage à ce monsieur, afin de voir si les troubles détectés par l’ACPAA se retrouvent dans un bilan de langage. En dépit d’une meilleure hypothèse, nous avons donc retenu celle du repli sur soi et du désengagement dans l’échange avec autrui, ou cela peut tout simplement être dû une déficience auditive (presbyacousie).

Malgré tout, ces résultats majoritairement élevés parmi la population témoin montrent la pertinence de l’échelle quant à ce qu’elle analyse. Nous pouvons affirmer que l’ACPAA est sensible à l’aphasie grâce à ces comparaisons de populations.

Au sujet des différences de cotation entre les observateurs, nous avons mis en évidence le fait qu’aides-soignants et orthophonistes n’ont dans 53,3% des cas pas la même façon de coter les items.

Nous avons constaté que lorsque les items sont cotés différemment par les observateurs, dans 46,6% des cas c’est l’item Compréhension du patient qui suscite des points de vue divergents. La question des capacités d’une personne aphasique à comprendre le message de l’interlocuteur soulève presque une fois sur deux des questions.

Et ceci paraît justifié dans la mesure où même lorsqu’il s’agit d’une aphasie d’expression, de type Broca, avec a priori une compréhension conservée dans l’ensemble, il peut survenir de légers troubles à l’occasion de situations particulières comme l’échange dans le bruit, une conversation à plusieurs, un langage trop abstrait ou un discours trop long.

De plus, il arrive parfois qu’une personne aphasique semble comprendre ce que

l’interlocuteur lui dit parce qu’en réponse elle acquiesce, mais l’on n’est jamais véritablement sûrs de la valeur de cet acquiescement, en outre est-ce que la réponse par

oui/non est un gage de compréhension ?

Les items Possibilité de communication non verbale et Comportement dans la

communication suscitent des divergences dans 20% des cas. L’hypothèse expliquant cet

écart de cotation serait qu’aide-soignant et orthophonistes n’appréhendent pas les comportements des personnes aphasiques de la même façon. Nous développerons cette hypothèse plus loin.

L’item Expression du patient engendre des différences dans seulement 13,3% des cas. Nous pouvons déduire que, de manière générale, aides-soignants et orthophonistes arrivent à identifier les capacités d’expression d’un patient aphasique. Et qu’ils usent également de stratégies d’adaptations nécessaires à l’amélioration de celles-ci, et savent avec quelles aides un patient peut augmenter ses capacités d’expression orale.

Enfin, l’item Efficacité du message transmis, qui a priori est un item important renseignant sur la capacité du patient aphasique à se faire comprendre du service, n’est jamais coté différemment par les deux observateurs.

Au vu des résultats, il semble que l’ACPAA est sensible au changement d’observateur, cependant le score ne diffère pas d’un grand nombre de points.

Qui plus est, ce ne sont pas les scores chiffrés qu’il faut mettre en avant dans cette échelle mais les capacités et incapacités de communication identifiées pour chaque patient aphasique. L’enjeu capital est de déterminer si le patient peut communiquer ou non, et identifier de quelle façon il y parvient et quelles sont les stratégies facilitatrices qui fonctionnent.