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II. CHAPITRE 2 : Qu’est-ce que communiquer ?

4. L’importance de la communication non verbale

Il a fallu attendre la deuxième moitié du XXème siècle pour admettre l’importance

de ce type de communication, et surtout pour en commencer l’étude scientifique. Les langages naturels humains ne sont qu’une forme de communication et toutes les communications ne sont pas des langages. [6]

« On entend par communication non verbale l’ensemble des moyens de

communication existant entre les individus vivants n’usant pas du langage humain ou de

ses dérivés non sonores (écrits, langage des sourds-muets)» 22. [6]

Mais il ne faut pas voir la communication non verbale comme un échange qui n’émet pas de son, « une communication non verbale peut être sonore et il faut se garder

de l’expression langage silencieux pour qualifier la communication non verbale ».23 [6]

On applique en effet le terme de communication non verbale à des gestes, des postures, des orientations du corps, ou encore à des singularités somatiques naturelles ou artificielles, et enfin à des rapports de distance entre les individus.

CORRAZE affirme que si un comportement doit son existence à la transmission d’informations, il a des caractères d’un système orienté vers l’actualisation d’un but, et de ce fait il peut alors être identifié à une communication. [6]

MEHRABIAN (1972) affirme que 93% de l’information transmise d’une personne à une autre est de nature non verbale.

Dans ce sens, BLURTON JONES (cité par CORRAZE [6]), ajoute que si un adulte ne répond pas à un enfant dans l’impossibilité de se mouvoir, ses appels vont augmenter en intensité, devenir plus aigus, son visage va se modifier, les lèvres supérieures vont s’écarter et ses sourcils vont prendre une position oblique.

Intuitivement, nous accordons rarement notre confiance aux seuls mots. Nous décodons constamment les messages non verbaux que nous recevons, tels que le contact visuel, le déplacement de l’axe du corps, les mouvements des mains, les expressions du visage, l’espace mis entre les interlocuteurs, l’apparence physique, et comparons ces indices non verbaux aux mots prononcés : s’additionnent-ils ou sont-ils en contradiction avec le message verbal ? [20]

21 [30], NESPOULOUS 22 [6], CORRAZE, 2001 23 Ibid.

Le comportement non verbal a plusieurs fonctions. De façon usuelle, il soutient et illustre le comportement verbal et le sujet habile à communiquer est normalement capable d’intégrer les réponses verbales et non verbales de façon efficace.

Il apporte aussi des données qui contribuent à la régulation de la parole et de l’écoute. Ainsi de subtiles réponses non verbales indiquent le changement de locuteur, c'est-à-dire la fin de la prise de parole d’un interlocuteur, ou bien le désir d’un autre de prendre la parole.

Le comportement non verbal informe aussi des intentions du sujet, de son intérêt, de son accord ou de son approbation, et sert souvent de révélateur à ses réactions sous- jacentes, mettant au jour ses traits de personnalité et ses sentiments. Le comportement non verbal joue donc un rôle important pour favoriser comme pour soutenir la communication. [20]

RUSTIN et KUHR catégorisent la communication non verbale en « modifications

rapides du comportement », en « aspects relativement permanents du comportement », en « apparence physique », en « environnement » et en « éléments paralinguistiques ».

Les modifications rapides du comportement :

Les contacts corporels : quand on entre en contact par le toucher, cela sert généralement à établir ou maintenir la relation avec autrui. Selon la situation, nous allons faire varier le type de contact mais aussi sa fréquence et son intensité. Il existe un large éventail d’émotions qui peuvent être transmises par le toucher. Cela peut être de la sympathie, de l’attachement, de l’affection, de l’amour ou bien dans la dimension opposée de l’agressivité, de l’angoisse, un désir de frapper, de battre.

Les expressions du visage : c’est le plus important des moyens de communication non verbale. En effet, de façon générale lorsqu’on communique avec quelqu’un on le regarde dans les yeux, ou du moins on regarde en direction de son visage pour établir la communication. Le visage peut exprimer des états émotionnels allant d’un grand bonheur à une profonde tristesse. Même quand la personne cherche à dissimuler ce qu’elle ressent, son visage trahit presque toujours son état d’esprit : le front, les sourcils, le menton, le nez, la bouche, les joues en disent long…

Le contact visuel : un regard mutuel est le signe de l’attention des interlocuteurs. Le contact visuel sert à assurer le début et la fin des échanges, comme à assurer les divers tours de parole. Détourner le regard peut être interprété comme un refus de communiquer, éviter le regard de l’autre peut être perçu comme un sentiment de soumission ou de timidité. Lorsqu’on a à l’inverse un regard direct et fixe cela peut être interprété comme de l’agressivité, de l’arrogance. Cependant, ces interprétations dépendent de la signification culturelle du contact visuel, qui n’est pas la même selon les cultures…

Les gestes : les gestes peuvent être utilisés pour renforcer un message verbal ou bien peuvent constituer un message à eux seuls. Par exemple, faire un signe de la main, pointer du doigt ou bien des gestes qui n’ont pas l’intention première de transmettre un message mais qui le font tout de même comme se ronger les ongles peut signifier de l’angoisse et taper du pied peut signifier de l’impatience ou de la nervosité.

Les aspects relativement permanents du comportement :

Les postures : la posture reflète les sentiments et les réactions d’une personne à l’égard d’elle-même ainsi qu’à l’égard des autres. La posture traduit également l’état émotionnel de la personne, par exemple la colère est exprimée par une posture tendue, la sympathie par une posture plus détendue. La façon d’être assis, de se tenir, de marcher, révèlent un message de confiance ou de retenue de la personne.

La proximité : certaines personnes ont besoin de plus d’espace entre elles que d’autres. HALL (1966) a ainsi proposé quatre catégories de distance interpersonnelle :

- L’espace intime, de 15 à 45 cm, il exprime une intimité étroite comme le rapport amoureux, le réconfort, ou la protection.

- L’espace personnel, de 0,5 à 1,2 m

- L’espace social ou consultatif, de 1 à 2 m, concerne les relations d’affaires ou commerciales

- L’espace public, s’étend de 3,6 à 6 m, on y associe la parole en public sans que le fait de « s’adresser à » soit nécessaire

Les caractéristiques physiques peuvent jusqu’à un certain point déterminer la distance qui s’établit entre deux personnes. KLECK (1969) a d’ailleurs montré qu’une distance initiale plus importante est mise pour communiquer avec des personnes handicapées physiques.

L’apparence physique :

Elle différencie les sujets et apporte de multiples informations concernant les réactions, le statut, la personnalité, les occupations de l’individu. Il est habituel de juger une personne sur son apparence physique, de ce fait, nous arrangeons notre apparence de façon à être en accord avec l’idée que nous nous faisons de ce qui est attractif.

L’environnement :

Les interactions dépendent de l’environnement dans lequel elles se produisent, en effet on ne se comporte pas de la même façon selon que l’on se trouve sur son lieu de travail ou à la maison. Par exemple le type de langage peut varier, allant du plus soutenu au bureau, en passant par un langage courant dans la rue, jusqu’au plus familier dans sa famille ou avec ses amis. La distance interpersonnelle peut elle aussi varier selon que l’on s’adresse à son patron ou à son frère.

Les éléments paralinguistiques :

Il s’agit des aspects non linguistiques de la communication verbale comme l’accentuation, la hauteur, l’intensité, l’intonation, le débit, la fluence et les pauses. Ces éléments peuvent modifier le sens de ce qui est dit par les mots, ou bien modifier la manière dont le message est perçu. C’est ainsi que le discours que l’on prononce peut être contredit par une intonation qui l’accompagne. Les traits vocaux peuvent également influencer un jugement sur la personne, par exemple, une voix désagréable peut dégager des impressions négatives. On peut aussi noter que les émotions transparaissent dans ces traits vocaux, on peut alors percevoir de la peur, de la colère, de la douleur…

Pour conclure sur la communication non verbale, nous citerons la synthèse d’Olivia MASCHERINI dans son mémoire de fin d’études. Elle y explique que les aphasiques peuvent exprimer leurs sentiments à travers la communication non verbale. Et au vu de son étude, elle suggère aux orthophonistes d’orienter les premiers moments de la rééducation sur la communication non verbale. L’expression corporelle, la mimogestualité, le regard, la posture sont autant de moyens permettant d’endiguer toute rupture de communication. [28]

Dans ce sens, Virginie PORTE en 1995 avait déjà identifié grâce à son mémoire l’importance de la communication non verbale : « le rôle de l’orthophoniste est de se

servir et d’accentuer la communication non verbale afin de permettre à l’aphasique d’exprimer de façon indépendante de l’autre sa pensée, ses envies et ses besoins ». [29]