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CHAPITRE 1 : PROBLÉMATIQUE GÉNÉRALE

1.2 GESTION DES CONNAISSANCES

1.2.2 Gestion des connaissances, concepts et modèles

1.2.2.3 Principaux modèles de gestion de connaissances

Tout comme les définitions de la gestion des connaissances, les modèles qui y ont trait sont nombreux. Nous en retiendrons ici deux modèles qui nous semblent particulièrement intéressants.

Le modèle SECI

La gestion de connaissances peut être observée sous deux principales dimensions, soit la dimension épistémologique et la dimension ontologique (Bratianu et Orzea, 2010). La dimension épistémologique se concentre sur le principe de transformation de connaissances tacites en connaissances explicites et vice-versa dans un temps et environnement précis connu sous le “Ba”. Cependant, la dimension ontologique décrit la transformation des connaissances de l’individu en connaissances de groupe, qui par la suite se transforment en connaissances organisationnelles, avec bien entendu la possibilité d’adopter le chemin inverse. Dans le cadre de cette thèse, la

première dimension présente un intérêt particulier. Ainsi, en se basant sur la dimension épistémologique où une interaction entre les connaissances explicites et tacites existe, quatre modes de conversion des connaissances représentant le modèle SECI (socialisation, externalisation, combinaison et internalisation) peuvent être retenus (Figure 1.7): 1) tacite à tacite (socialisation); tacite à explicite (externalisation); 3) explicite à explicite (combinaison); et 4) explicite à tacite (internalisation) (Nonaka 1994; Nonaka et Konno, 1998).

*I=Individu, G = Groupe, O = Organisation

Figure 1.7 : Modèle SECI (Source : traduit de Nonaka et al., 2000)

Chacun des quatre quadrants du modèle SECI est brièvement commenté ci-après :

Quadrant 1 La socialisation (De tacite à tacite):

Le concept de socialisation consiste à convertir une connaissance tacite en une nouvelle connaissance tacite permettant la création de nouvelles connaissances (Nonaka et al., 1996). Elle est basée sur les principes de partage d’expériences et d’interactions entre les individus (Nonaka et al., 2001). Ceci peut comprendre les rencontres en face à face, les rencontres régulières formelles et informelles, l’organisation de sessions de remue-méninges, de conférences et d’ateliers et les échanges informel d’informations (Martin-de-Castro et al. 2008). Nonaka et al. (2000) ajoutent que le milieu professionnel n’est pas le seul espace où les nouvelles connaissances tacites peuvent se créer. Au contraire, les rencontres informelles où les individus

Combinaison

Existentiel

Face-à-face Pair-à-Pair Réfléchi

Collectif sur le site Systémique Collaboratif Explicite → Explicite Explicite → Tacite Tacite → Tacite Combinaison Internalisation Socialisation Externalisation Tacite → Explicite

dont les modèles mentaux différents interagissent socialement et culturellement permettant aussi le partage de nouvelles idées et expériences, ce qui est considéré comme une source de création de nouvelles connaissances tacites (Curado et Bontis, 2011).

Quadrant 2 L’externalisation (De tacite à explicite):

L’externalisation est perçue comme un processus qui consiste à articuler, codifier et transformer les connaissances tacites en concepts faciles à être saisis par d’autres individus au sein d’une même organisation (connaissances explicites) (Akiyoshi, 2008).

Le succès de cette conversion repose sur l’utilisation de mots, modèles, figures, images et métaphores compréhensibles (Martin-de-Castro et al., 2008; Lopez-Nicolas et Soto-Acosta, 2010). Une fois cette conversion réalisée, les connaissances explicites sont cristallisées, ce qui facilite leur diffusion, donnant ainsi naissance à de nouvelles connaissances. Nonaka et al. (2000) ajoutent que les connaissances tacites ne sont converties en connaissances explicites que lorsqu’une organisation décide officiellement de déterminer ses règles de fonctionnement internes ou cherche à définir explicitement ses objectifs organisationnels. Quelques exemples qui illustrent cette transformation sont la nécessité de formaliser une solution, le besoin de structurer des réunions, la définition des cahiers des charges et l’archivage des documents.

Quadrant 3 Combinaison (D’explicite à explicite):

La combinaison consiste à rassembler, combiner et/ou éditer des connaissances explicites dans le but de les transformer en connaissances plus systématiques avant de les diffuser au sein de l’organisation (Curado et Bontis, 2011). En se basant sur les propos de Nonaka et al. (2000), les connaissances explicites peuvent être recueillies en utilisant des ressources intra- organisationnelles (par exemple, des bases de données) ou de l’extérieur d’une organisation (en utilisant des réseaux de communication informatisés). Concernant les facilitateurs utilisés dans la combinaison des connaissances explicites, Evrard et al. (2011) ont cité quatre moyens: 1) l’intégration des expériences individuelles dans l’optique d’améliorer les pratiques organisationnelles; 2) l’utilisation d’outils technologiques de collaboration et de partage de données; 3) l’échange continu entre les partenaires; et 4) le développement d’outils communs.

Quadrant 4 L'internalisation (D’explicite à tacite):

L’internalisation consiste à convertir les connaissances explicites en connaissances tacites (Lopez-Nicolas et Soto-Acosta, 2010). Grâce à l’internalisation, les connaissances explicites

créées et partagées durant les phases d’externalisation et de combinaison sont assimilées par les individus faisant partie d’une entité organisationnelle puis transformées en pratiques personnelles et utilisées dans leurs routines individuelles (Martin-de-Castro et al., 2008). Parmi les facteurs qui déterminent la rapidité avec laquelle une transformation se produit, (Nonaka et al., 2000) ont mis l’accent sur la culture organisationnelle, le leadership individuel, la structure organisationnelle, les incitations à prendre des actions et les routines organisationnelles. Une fois partagée avec d’autres groupes d’individus à travers la socialisation, cette connaissance tacite intériorisée et accumulée au niveau individuel peut alors déclencher une nouvelle spirale de création de connaissances (Nonaka et al, 2001). Nonaka et Konno introduisent en 1998 un nouveau concept au modèle de SECI qui est le “Ba” (un terme japonais) qui est défini par Nonaka et Toyama (2007, p. 23) de la façon suivante : “The essence of Ba is the contexts and the meanings that are

shared and created through interactions which occur at a specific time and in a specific space, rather than a space itself. Ba also means relationships of those who are at the specific time and the specific space”. Tel qu’illustré dans le Tableau 1.5, chaque quadrant fait ressortir un type

différent de “Ba”.

Tableau 1.5 : Le Ba dans les différents quadrants du modèle SECI

(Source : adapté de Nonaka et Toyama, 2007)

Quadrants Type de “Ba” Description du “Ba”

Socialisation “Originating Ba”

 Un lieu où les individus peuvent partager des sentiments, des émotions et des expériences.

Interactions individuelles et en personne (“individual and face-to-

face interactions”).

Externalisation “Dialoguing Ba”

 Un espace où la connaissance tacite est transformée en connaissance explicite et où il existe une interaction et un échange de connaissances entre les individus et un groupe.

Interactions collectives et en personne (“collective and face-to-face

interactions”).

Combinaison “Systemising Ba”

 Un lieu où la technologie de l'information facilite la création de nouvelles connaissances explicites en se basant sur ce même type de connaissances.

 Interactions collectives et virtuelles.

Internalisation “Exercising Ba”

 Un espace où la connaissance explicite est convertie en connaissance tacite et où les individus, les groupes et organisations interagissent.

Modèle des connaissances pratiques

Davenport et Prusak (2000) définissent la connaissance comme étant «...un mélange fluide d’expériences, de valeurs, d’informations contextuelles et d’avis d’experts qui permettent de fournir un cadre pour évaluer et intégrer de nouvelles informations et expériences». Au sein d’une organisation, la connaissance représente une partie intégrante non seulement au niveau des documents ou des archives, mais aussi au niveau des routines organisationnelles, des processus, des pratiques et des normes (McInerney, 2002).

En se basant sur l’analyse de Davenport et Prusak (2000), la connaissance s’échange principalement entre les différents acteurs d’une organisation où on retrouve trois groupes : un premier groupe de personnes qui la recherchent pour améliorer leurs processus de travail ou pour résoudre des problèmes, un deuxième groupe de personnes qui détiennent la connaissance et cherchent à la partager et la publier et, bien entendu, un troisième groupe qui joue le rôle d’intermédiaire entre les deux premiers (Choo, 2003). Trois principaux types de gestion des connaissances (Davenport et Prusak, 2000) existent :

1) la production de la connaissance (traduction libre de l’expression “Knowledge generation”) nécessite l’acquisition des connaissances, l’engagement des ressources, la fusion, l’adaptation et la construction des réseaux de connaissances;

2) la codification et la coordination de la connaissance reposent sur quatre principes de la codification de la connaissance organisationnelle: les gestionnaires doivent décider des objectifs de la connaissance codifiée qui seront utiles, les gestionnaires doivent être en mesure d'identifier les connaissances existantes sous diverses formes appropriées pour atteindre leurs objectifs, les gestionnaires doivent évaluer l'utilité et la pertinence des connaissances pour leur codification et, les codificateurs doivent identifier un milieu approprié pour la codification et la distribution; 3) le transfert des connaissances devient optimal dans une atmosphère d’échanges d’information et d’encouragement des conversations. Bien que le transfert des connaissances soit l’une des phases les plus critiques pour le partage de connaissances, plusieurs obstacles sont identifiés par Davenport et Prusak (2000), dont le manque de confiance, la différence culturelle, le vocabulaire utilisé, le manque de temps, le statut des détenteurs et des émetteurs de connaissances, le niveau de compréhension chez le récepteur de la connaissance et la croyance que la connaissance est destinée à des groupes particuliers.

1.3 LA GESTION DES CONNAISSANCES DANS LA CHAÎNE