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CHAPITRE 1 : PROBLÉMATIQUE GÉNÉRALE

1.2 GESTION DES CONNAISSANCES

1.2.1 Données, information, connaissances et intelligence

La gestion des connaissances (“Knowledge Management” ou KM) demande dès le départ de faire une distinction entre données, information et connaissances. La hiérarchie DIKW (“Data”, “Information”, “Knowledge”, “Wisdom”) est particulièrement pertinente pour illustrer cette distinction. Cleveland (1982), Zeleny (1987) et Ackoff (1989) ont été parmi les premiers à référer à ce modèle dans le contexte spécifique de la gestion de connaissances tandis que plusieurs auteurs s’y appuient dans la littérature en systèmes d’information (par exemple, Liebowitz, 1999; Sharma, 2004).

Planification stratégique des TIC:

Partenariats stratégiques Fusions et acquisitions Création de nouveaux marchés

Mise en place de plans d’affaires à long terme

Lancement de nouveaux produits Mise en place de nouveaux services Intégration des systèmes

Infrastructure des TIC:

Mise à jour des processus d’affaires Investissement en TIC

Disponibilité des logiciels

Disponibilité du matériel informatique Internet, EDI, ERP, XML, LAN, MAN, WAN, Intranet, Extranet,

Formation et éducation

Implantation des TIC:

Inter-fonctionnalité de l’équipe de projet avec les compétences en TI

Réingénierie des processus d’affaires Déploiement fonctionnel de la qualité Ingénierie simultanée

Mesure de la performance Approche du cycle de vie

Gestion des connaissances des TIC:

Formation et éducation en TI Investissement en connaissances Formation électronique

Apprentissage électronique Investissement en multimédia et technologies spécialisées en gestion de connaissances

TIC& Chaîne d’approvisin-

À la base de la hiérarchie du modèle DIKW (Figure 1.5), se trouvent les données qui sont des faits ou des notions représentées sous une forme non-structurée et conventionnelle et qui nécessitent qu’elles soient traitées avant d’être communiquées (Thierauf, 1999). Elles peuvent aussi être considérées comme des descriptions réelles et concrètes qui peuvent prendre une forme qualitative ou quantitative de certains événements (Sanchez, 2005). Une fois conceptualisées, classées, calculées, condensées et interprétées dans un cadre significatif, les données sont transformées en information (Davenport et Prusak 2000). Selon Ackoff (1999), les informations se retrouvent dans les réponses aux questions qui commencent par des mots tels que : qui, quoi, où, quand et combien.

Figure 1.5 : Le modèle DIKW (Source: traduit et adapté de Liebowitz, 1999)

La connaissance (troisième niveau de la hiérarchie) représente un groupement d’information qui est organisée et analysée dans le but de la rendre compréhensible et applicable à la résolution des problèmes et à la prise de décisions (Turban et Frenzel, 1992). Selon Nonaka (1994) et Andriessen & Boom (2007), la connaissance est un concept abstrait à multiples facettes et définitions. Pour Van der Spek et Spijkervet (1997), c’est l’ensemble des idées, des expériences

Valeurs ajoutées: Contextualisée Classée Calculée Corrigée, Condensée Valeurs ajoutées: Comparaison Conséquence Connexion Conversation Données Discrètes, faits objectifs reliés à un évènement Information Message destiné à changer la perception du récepteur Connaissance Expériences, valeurs et contextes Sagesse Intelligence Valeurs ajoutées: Orientée vers l’action Efficacité mesurable Expérience Complexité Jugement Valeurs et croyances Quantitative Contextuelle Évaluative Intuitive Informative Quantitative Connectivité Transactions Informative Utilitaire Quantitative Rapide Opportunité Pertinence Clarté

et des procédures qui permettent essentiellement de guider les pensées et les comportements d’un être humain tandis que Koskinen et Philanto (2008, p. 43) la considèrent comme le point de convergence de la perception, des compétences et de l’expérience d’un individu. Pour d’autres auteurs, la connaissance est une combinaison d’expériences, de valeurs, d’informations contextuelles et de perspicacité qui permet de fournir un cadre pour évaluer et incorporer de nouvelles informations et expériences (Davenport et Prusak, 2000).

Notons que la connaissance telle que caractérisée précédemment correspond plus à la connaissance individuelle qu’à la connaissance organisationnelle. Alle (1997, p. 46-47) donne un éclairage plus particulier sur la connaissance organisationnelle en proposant les trois formes distinctes suivantes : 1) connaissance sous forme d’un objet (ce qui conduit les organisations à se concentrer sur les activités de transfert de connaissances en utilisant des technologies et systèmes d’information); 2) connaissance sous forme d’un processus (en mettant l’accent sur les aspects dynamiques de la connaissance, comme le partage, la création, l'adaptation, l'apprentissage et la communication) et 3) connaissance sous forme d’un système complexe (considérée comme un phénomène créatif qui nécessite un environnement adéquat; en d’autres termes, une culture appropriée). Nous retiendrons dans le cadre de cette thèse, la définition avancée par Alle (1999). Au plus haut de la pyramide (Figure 1.5), apparait la sagesse qui est perçue comme l’habilité à effectuer des jugements appropriés en se basant sur les connaissances, expériences et perspicacités accumulées (Tah et Carr, 2001). Par définition, la sagesse implique de la part d’un individu discernement, jugement, prévoyance et entendement. Selon Ackoff, elle est rarement atteinte. En effet, ce dernier estime qu’en moyenne, l’esprit humain contient 40% de données, 30% d’information, 20% de connaissances, 10% de compréhension et presque pas de sagesse1. La Figure 1.5 présente un intérêt particulier car en plus de montrer les quatre niveaux de la pyramide, soit données, information, connaissances et sagesse, elle qualifie les valeurs ajoutées par le passage d’un niveau inférieur à un niveau supérieur de la pyramide, ce qui nous semble particulièrement pertinent.

1

(Traduction libre de “on average about forty percent of the human mind consists of data, thirty

percent information, twenty percent knowledge, ten percent understanding, and virtually no wisdom”, Ackoff, 1989, p. 3).

Certains auteurs ont apporté des variantes au modèle DIKW, dont les plus connues sont celles de Zeleny (1987) et d’Ackoff (1989) qui ont respectivement ajouté la compréhension (“understanding”) entre connaissances et sagesse et l’éclaircissement ou l’illumination (traduction du terme “enlightenment” qui n’est pas pris ici dans le sens spirituel) après sagesse tout en haut de la pyramide. Les concepts de données, information et connaissances peuvent tout autant s’appliquer aux individus qu’aux organisations. Cependant, la sagesse, bien que cruciale au niveau individuel, apparait comme un concept très abstrait, flou et peu pertinent (Nürnberger et al., 2011) au niveau organisationnel. Nous nous permettrons donc d’ajouter au modèle DIKW le concept d’intelligence au sommet de la pyramide (voir Figure 1.5), et ce, à l’instar de plusieurs auteurs (Rowley, 2007; Zhang, 2009; Nürnberger et al., 2011). Pour Rowley (2007), le terme intelligence correspond à son sens épistémologique (Ermine et al., 2012) provenant du latin ‘intellegere’ (apprécier, comprendre, se rendre compte,…). Ce terme se rapproche aussi de ce que Weik (1995) a appellé “sense making” dans les organisations.

Les organisations deviennent intelligentes lorsqu’elles deviennent capables de se soustraire au surplus d’information pour capitaliser sur les multiples connaissances disponibles à l’interne ou à l’externe pour améliorer leur performance (Choo, 1995). L’intelligence organisationnelle est dérivée des connaissances organisationnelles (Brouard, 2003) qui proviennent elles-mêmes de l’intégration, du suivi et de l’analyse des informations (Jacob et al., 2001). La pyramide du modèle DIKW initial peut être réinterprétée dans un contexte organisationnel. Notons que par extension les mêmes arguments sont valables dans un contexte inter-organisationnel et on peut parler alors de réseaux intelligents d’entreprises (Miles et Snow, 1992) ou de chaînes d’approvisionnement intelligentes (Wong et al., 2002; Shervais et al., 2003; Mettler et al. 2012; Siurdyban et Møller, 2012).

L’intelligence organisationnelle et inter-organisationnelle permet en autres l’amélioration systématique de l’efficacité des processus organisationnels; le renforcement des canaux de diffusion de l’information; l’identification des points à améliorer ainsi que des risques et des opportunités; la réduction des écarts de performance par rapport à la concurrence; et le développement des meilleures pratiques organisationnelles (Khairul et al., 2008). Selon Albescu et Mihai (2008), l’intelligence requiert des connaissances spécifiques nécessaires pour le développement de stratégies et des politiques organisationnelles et leur mise en œuvre aux niveaux opérationnels et tactiques.

En résumé, nous proposons que l’intelligence soit placée au sommet de la pyramide du modèle DIKW (Figure 1.5) car elle se base sur les connaissances individuelles ou collectives pour permettre de tirer des conclusions pertinentes et rapides et de prendre des décisions éclairées (Rouach et Santi, 2001), et ce, tant sur les plans stratégique, tactique et opérationnel qu’aux niveaux intra-organisationnel et inter-organisationnel (Albescu et Mihai, 2008). L’intelligence organisationnelle inclut l’intelligence d’affaires (“business intelligence”) qui à son tour, englobe l’intelligence concurrentielle (“competitive intelligence”) (Zheng et al., 2012, p.698). Bien qu’elle ait été initialement ancrée dans la littérature en systèmes d’information, plus précisément celle sur les systèmes d’aide à la décision (“Decision Support Systems” ou DSS), l’intelligence d’affaires a évolué pour prendre une perspective plus holistique et intégrée (Fleisher et Bensoussan, 2003; Negash, 2004; Khan et Quadri, 2012) et se retrouve dans diverses disciplines telles que stratégie, marketing ou intelligence artificielle.

Dans sa définition élargie, l’intelligence d’affaires permet d’accéder, d’entreposer, de regrouper, de traiter et d’analyser les données internes et externes afin de les transformer en actions intelligentes (Gilad et Gilad, 1988). Khan et Quadri (2012) apportent des précisions à cette définition en indiquant comment l’intelligence d’affaires est obtenue, ce qui est démontré dans la Figure 1.6.

Cette figure reprend essentiellement cette définition en se scindant en trois parties: accès, entreposage et analyse des données. Cependant, elle est plus explicite que la définition précédente puisqu’elle montre les liens entre ces trois parties, elle indique la provenance des données (ERP, chaîne d’approvisionnement, transactions en ligne, etc.), elle illustre le type de bases de données et leur hiérarchie (référentiel de métadonnées ou “meta data repository”, répertoire de données au niveau de l’entreprise et spécialisés connus sous les termes entreprise data warehouse” et “data marts” ou “localized data wharehouse”) et elle présente les méthodes d’analyse (l'exploration de données ou data mining et des techniques de traitement des données tel que le traitement analytique en ligne (“Online Analytical Processing” ou OLAP).

Figure 1.6 : Intelligence d’affaires, systèmes et bases de données (Source : traduit et adapté de Khan et Quadri, 2012) Répertoire de données spécialisées Marketing Répertoire de données spécialisées Production Répertoire de données spécialisées Finance Autres répertoires de données spécialisées ERP, Données de chaîne d’approvision- nement Systèmes existants “Legacy” Divers OLTP1 Données externes ETL2 Entrepôt de données de l’entreprise Référentiel de métadonnées ETL2 Exploration de données Machine d’apprentis- sage

Rapports OLAP3 Visualisation

1 OLTP: Online Transaction Processing 2 ETL: Extract, Transform, and Load 3 OLAP: Online Analytical Processing

Capture de données/ Acquisition Entreposage de données Analyse de données