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1. Introduction Générale

1.6 La tique Ixodes ricinus

1.6.4 Les principaux agents pathogènes transmis par la tique Ixodes ricinus

I. ricinus est l’espèce de tique la plus importante en Europe, de par son abondance, sa large

répartition et le nombre d’agents pathogènes qu’elle peut transmettre à l’homme ou à l’animal [26, 100]. Cette tique dure est capable de transmettre lors de ses longs repas sanguin, bactéries, virus et parasites. L’ensemble des agents pathogènes susceptibles d’être transmis par I. ricinus est présenté dans le tableau 1. Nous ne développerons ici que les agents ayant une réelle importance sanitaire.

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1.6.4.1 Les bactéries transmises par I. ricinus

En santé humaine, les bactéries spirochètes du groupe Borrelia burgdorferi sensu lato représentent les agents étiologiques de la maladie vectorielle la plus importante de l’hémisphère nord : la borréliose ou maladie de Lyme [117]. Ce groupe de bactéries, composé de 20 espèces, sont transmises exclusivement par les tiques dures du genre Ixodes dont I. ricinus (Europe de l’ouest) et I. persulcatus (Europe de l’est) en Europe. Seules 5 espèces d’entre elles sont reconnues comme pathogènes pour l’homme ; Borrelia burgdorferi s.s., Borrelia garinii,

Borrelia afzelii, Borrelia spielmanii, et Borrelia bavariensis. Les rongeurs et les oiseaux

constituent les réservoirs principaux de ces bactéries. Les cas sont peu documentés chez les animaux, mais les chiens semblent être assez touchés par l’infection et développent de la fièvre, des arthrites et dans les cas les plus graves des atteintes rénales [118]. Chez l’homme, l’infection se manifeste dans 50 à 80% des cas par l’apparition d’un érythème migrant autour du site de piqure de la tique. Si elle n’est pas traitée, cette infection peut évoluer en arthrite avec des douleurs articulaires importantes, générer une atteinte du système nerveux (neuroborréliose), ou engendrer des manifestations cutanées tardives, associées à une fatigue chronique [119]. La diversité des symptômes liés à la maladie rend son diagnostic difficile, d’autant que les techniques de diagnostic biologiques actuelles ne sont basées que sur la détection d’anticorps (ELISA et western blot).

La bactérie à gram négatif, Bartonella henselae, bien que transmise de chat à chat par les puces, est également susceptible d’être transmise par I. ricinus lors de son repas sanguin [31]. Cette bactérie qui infecte les globules rouges, est responsable, chez l’homme, de la maladie des griffes du chat [120]. La bactérie présente dans les déjections des puces infectées hébergées par le chat, infecte généralement l’homme par voie cutanée lors de griffures. Réservoir de la bactérie, le chat ne présente en général pas de signes cliniques quand, chez l’homme, l’infection se manifeste tout d’abord par des rougeurs ou de petites lésions cutanées en forme de papules qui se transforment en vésicule et éventuellement en ulcère. Associée à des syndromes pseudo grippaux, une adénopathie est ensuite observée entre 2 et 4 semaines après la contamination. Des complications cardiaques, nerveuses ou oculaires, rares mais possibles, peuvent ensuite apparaître avec des troubles cognitifs et moteurs [121, 122].

D’un point de vue santé vétérinaire, les bactéries qui nuisent le plus aux animaux de rente appartiennent au genre Anaplasma sp et sont responsables de l’anaplasmose granulocytaire bovine et ovine. A. phagocytophilum est par ailleurs responsable d’infections chez l’homme et de l’anaplasmose granulocytaire humaine.

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De nombreux animaux sauvages sont réservoirs de ces bactéries dont les cervidés et les rongeurs. Souvent asymptomatique, l’infection peut induire chez les animaux une forte fièvre accompagnée d’une diminution de la production laitière, d’une anorexie et d’un risque d’avortement chez les femelles gestantes [123]. Chez les humains, les patients infectés déclarent un syndrome pseudo grippal accompagné d’hyperthermie, de malaises et de symptômes gastro-intestinaux, avec parfois des manifestations hématologiques comme la leucopénie et l’anémie [124]. Il n’est pas rare que cette maladie entraine une hospitalisation (36% des cas) avec de rares cas mortels (0.6% des cas) [125].

Francisella tularensis est une bactérie zoonotique à gram négatif responsable de la tularémie, qui est retrouvée majoritairement chez les lagomorphes (lapins, lièvres), les rongeurs et les oiseaux galliformes qui en sont les réservoirs [126]. De nombreuses voies de transmission existent dont la piqûre d’une tique infectée (environ 20% des cas en Europe). Cette maladie peut, dans sa forme la plus sévère, provoquer un syndrome pseudo-grippal brutal, associant des signes gastro intestinaux à des céphalées, puis évoluer vers une septicémie avec des marqueurs hématologiques tels que des thromboses ou à l’inverse des hémorragies. La forme ulcéro-ganglionnaire est la forme la plus couramment observée. Deux biovars existent : le biovar

tularensis américain, le plus virulent (taux de mortalité de 5%), et le biovar holartica eurasien

(0,1% de mortalité). Les décès sont en général dus à des complications pulmonaires [126].

I. ricinus est également à même de transmettre une autre espèce de bactérie gram négatif

intracellulaire obligatoire et zoonotique, Rickettsia helvetica, dont les réservoirs sont les cervidés [127]. Chez l’homme, cette bactérie provoque des éruptions cutanées et un syndrome fébrile commun aux rickettsioses mais sans escarres d’inoculation. Des infections du myocarde et du péricarde pouvant entrainer la mort chez des patients dont le système immunitaire est fragile ont par ailleurs été rapportés [128].

Enfin, la bactérie à gram négatif Coxiella burnetti responsable de la fièvre Q peut être vectorisée par I. ricinus même si ce n’est pas son mode de dissémination préférentiel. Ce bacille est strictement intracellulaire et cible les monocytes/macrophages dans lesquels il niche dans le phagolysosome et s’y multiplie, échappant ainsi à tout traitement antibiotique [129]. Cette bactérie est dans 60% des cas responsable d’infections asymptomatiques chez l’homme mais peut se manifester, chez certains patients, sous la forme d’un syndrome pseudo-grippal, associé à des céphalées intenses, des myalgies, des arthralgies et de la toux. La guérison est en général spontanée mais de rares cas de complications (endocardites, méningites, encéphalites…) ont été rapportés [130]. Dans la forme chronique, une endocardite mortelle peut se déclarer en

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l’absence de traitement chez les sujets à risques (femmes enceintes, anomalies vasculaires ou valvulaires, immunodépression) [131].

1.6.4.2 Les parasites transmis par I. ricinus

Outre des bactéries, I. ricinus peut transmettre des parasites appartenant au genre Babesia

(Babesia venatorum et Babesia divergens), qui sont des protozoaires apicomplexa proches de Plasmodium sp., agent du paludisme transmis par des Anophèles. B. divergens est responsable

de la piroplasmose bovine et peut infecter l’homme. Parasite de cervidés, B. venatorum peut aussi infecter l’homme. Ces parasites ont, chez leur vecteur tique, une transmission transovarienne [132]. Etant intra erythrocytaires, ils génèrent chez l’hôte infecté des syndromes

hémolytiques concomitant avecune forte anémie, l’émission d’urines rouges, une forte fièvre,

des céphalées et myalgies, des douleurs abdominales et un ictère orangé. L'hémoglobinémie importante provoque alors des graves problèmes rénaux avec des complications pulmonaires (œdème pulmonaire). Chez le bétail, on observe alors une chute de la production laitière et un amaigrissement chez les animaux infectés, entrainant de lourdes pertes économiques pour les éleveurs [133]. Chez l’homme, la maladie est en général asymptomatique mais elle peut être mortelle pour des individus immunodéprimés ou splénectomisés, avec une fièvre élevée, une anémie hémolytique, une hémoglobinurie, un ictère et une insuffisance rénale [134].

1.6.4.3 Les virus transmis par I. ricinus

I. ricinus peut aussi transmettre des virus dont la majorité appartient à la famille des flaviviridae

tels que le virus de l’Encéphalite à tique (TBEV) ou encore le virus du Louping Ill (LIV). Concernant TBEV, la gravité de la maladie va dépendre du sous-type de virus concerné. Trois sous-types existent : extrême-oriental et sibérien transmis par I. persulcatus et européen transmis par I. ricinus. Les deux derniers sont les moins virulents (entre 0,5 et 3% de mortalité) quand le sous type extrême-oriental peut provoquer 35% de mortalité [135]. L’infection peut être asymptomatique, mais après une période d’incubation d’environ 1 mois, des symptômes peuvent apparaître avec une forte fièvre, des céphalées, de la fatigue, des myalgies, des nausées et des vomissements, une sensibilité importante à la lumière, et des troubles visuels et sensoriels importants. Les cas graves sont associés à des signes neurologiques avec parésies, paralysies, convulsions et comas.

Le virus Louping Ill infecte principalement les ovins et très rarement l’homme. Lors d’une infection par le virus, les ovins développent des symptômes allant de la légère paralysie avec des tremblements musculaires, des incoordinations, et de l’ataxie, à la mort subite [136]. Rare chez l’homme, l’infection par ce virus se caractérise par un syndrome fébrile avec des céphalées

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peu intenses qui peuvent se compliquer avec une augmentation de la fièvre, et l’apparition de signes neurologiques évidents, similaires à ceux retrouvées chez les animaux [137].