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Principales barrières relatives à l’établissement du marché des produits dérivés immobiliers

CHAPITRE 1: PRESENTATION DES ACQUIS ET POSITIONNEMENT DES

5. ÉTAT DES LIEUX

5.2. Principales barrières relatives à l’établissement du marché des produits dérivés immobiliers

dérivés immobiliers

Il existe différentes raisons faisant du développement du marché des dérivés immobiliers un phénomène long, incertain et différent pour chaque pays. Certaines de ces raisons dépendent de la fiscalité alors que d’autres sont inhérentes au marché immobilier. Les sections suivantes abordent les principales barrières relatives au développement du marché des dérivés immobiliers.

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http://www.standardandpoors.com

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Boston, Chicago, Denver, Las Vegas, Los Angeles, Miami, New York City, San Diego, San Francisco

et Washington D.C. 44

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5.2.1. La définition de l’actif sous jacent

Nous avons vu lors de la Partie 2 que les indices immobiliers, indispensables à la construction d’un produit dérivé, souffrent de nombreuses limites et qu’il n’existe pas d’indice de prix parfait. N’étant généralement disponible que sur une base trimestrielle ou annuelle, le prix des dérivés n’est que difficilement compréhensible (on observe le prix du dérivé mais pas celui du sous-jacent) et l’estimation régulière du risque associé à la possession de dérivés n’est que très approximative. Sur ce point, le Royaume-Uni en ayant un indice mensuel reconnu par tous et dont les variations approximent celles de l’indice annuel, dispose d’un réel avantage par rapport aux autres pays. Cependant, ces indices, comme tout indice immobilier, souffrent de lissage et de tyrannie des valeurs passées. Pour cette raison, les indices immobiliers ne pourront jamais parfaitement refléter la dynamique de prix d’un secteur ou du marché immobilier dans son ensemble. Ainsi, l’intérêt des produits dérivés immobiliers est atténué par les limites liées à la construction d’indices immobiliers.

Même s’il était possible de construire sur une base mensuelle des indices reflétant parfaitement les évolutions de prix, le choix d’un indice de référence resterait difficile en raison de la forte hétérogénéité de l’immobilier. Lorsque l’on examine les corrélations ou plus généralement l’efficience d’une couverture avec un indice large appliqué à une zone plus restreinte (indice national pour couverture régionale ou indice régional pour couverture locale), les résultats sont mitigés (Bertus, Hollans, Swidler (2008)). Les utilisateurs devraient donc être intéressés par des dérivés portant sur des indices très variés ; les vendeurs de risque recherchent une couverture surtout locale et leurs contreparties sont plutôt en quête d’une exposition globale afin d’obtenir une diversification optimale. Dans le cas où le marché des dérivés se retrouverait fragmenté par l’utilisation d’une multitude d’indices sous-jacents, la liquidité en serait fortement affectée. Ainsi, même s’ils subissent un risque de base important, les acteurs tendent à privilégier un indice immobilier global disposant d’une large couverture afin de bénéficier d’une liquidité plus élevée : l’indice utilisé n’est alors pas pertinent pour tous les acteurs. Ceci explique probablement en partie la raison pour laquelle le marché des dérivés s’est mieux développé au Royaume-Uni qu’aux États-Unis. La plus grande homogénéité du marché anglais contribue à une plus grande efficacité des mécanismes d’assurance basés sur un indice global. Le marché Américain étant plus fragmenté que le marché du Royaume-Uni, l’utilisation d’un indice de référence tel que l’IPD all

Thèse de doctorat 63 | P a g e property n’est que peu pertinent.

Le Royaume-Uni a été capable de développer un marché des dérivés immobiliers bien avant les autres en raison principalement d’un marché concentré et de la disponibilité d’indices offrant une couverture large à une fréquence de parution élevée. Le développement à d’autres pays des indices IPD servant de référence au Royaume- Uni, a contribué au développement des dérivés immobiliers.

5.2.2.Le manque de réplicabilité

Sur la plupart des marchés de dérivés, les banques ne courent pas le risque de contrepartie lors de leurs émissions; elles mettent en place des mécanismes d’assurance leur permettant de répliquer les flux qu’elles auront à payer et ne font qu’obtenir une commission pour les produits qu’elles commercialisent. Pour cela, elles ont, en simplifiant, soit la possibilité d’acheter ou de vendre le sous-jacent, soit la possibilité de le répliquer45. Cependant, il n’est pas possible d’acheter ou de vendre des indices immobiliers et il semble particulièrement difficile et risqué de les répliquer (risque de base élevé). En effet, les indices de prix immobiliers sont très difficilement réplicables par recours à de l’immobilier direct en raison notamment de l’hétérogénéité, de la valeur unitaire élevée, du manque de liquidité et des coûts de transactions associés à l’immobilier. De plus, comme l’expliquent Hinkelmann et Swidler (2007), l’utilisation des actifs cotés disponibles ne permet pas de résoudre ce problème. Ne pouvant s’assurer des contrats qu’elles émettent, les banques limitent leur risque en recherchant une contrepartie à chaque nouveau contrat émis. Elles agissent principalement comme des intermédiaires ou, quand elles acceptent une part de risque, vont tenter de l’assurer par de multiples stratégies. Cependant, ces stratégies laissent généralement place à une part de risque non négligeable et donc, en l’absence de contrepartie, les banques limiteront le volume de contrats mis en circulation.

Le manque de réplicabilité des indices immobiliers n’implique par pour autant que le marché des dérivés qui y est associé n’a pas d’avenir. En effet, d’autres marchés tels que ceux des dérivés climatiques ou de l’inflation, se sont développés alors même

45Répliquer le sous-jacent revient à constituer un portefeuille d’actifs dont la dynamique de prix est la même (en termes de rendement et de risque) que le sous-jacent. Pour cela, il est possible d’acheter les différents composants de l’indice ou de déterminer par le biais de modèles statistiques un portefeuille d’actifs répliquant.

Thèse de doctorat 64 | P a g e que leurs sous-jacents ne peuvent-être répliqués. Seule l’existence d’un indice objectif, fiable et reconnue par l’ensemble des acteurs, paraît nécessaire. Aussi longtemps que les utilisateurs acceptent cette mesure, le marché des dérivés peut être bien établi.

5.2.3. La formation des acteurs

La disponibilité d’un indice sous-jacent pertinent est nécessaire mais insuffisant. En effet, il est indispensable, pour que le marché puisse se développer, que les différents utilisateurs potentiels soient formés à l’utilisation des dérivés immobiliers. Habitués depuis longtemps à de simples stratégies d’achat et de conservation dites buy and hold en anglais, les acteurs de l’immobilier direct n’ont, dans l’ensemble, que très peu de connaissances quant aux produits dérivés. Leur utilisation nécessite une parfaite compréhension de la dynamique de prix suivie par l’indice, de l’effet de levier, du risque de base, des ratios de couverture, et des mécanismes d’appels de marge. Il est également important de les informer quant à l’intérêt en termes de coûts et de temps de transactions des dérivés mais aussi quant à la possibilité s’offrant à eux de monétiser de façon plus efficace leurs capacités à sélectionner les actifs les plus rentables (possibilité de générer de l’apha) ou à anticiper les évolutions du marché immobilier (stratégies de

market timing). De plus, ils n’ont pas nécessairement conscience du risque immobilier

et donc de l’intérêt de s’en assurer via les dérivés. La crise récente des crédits hypothécaires américains a cependant contribué à atténuer cette conception faussée.

Le manque de formation des différents acteurs à propos des dérivés immobiliers tend très progressivement à se résorber. Ces dernières années, de nombreux Masters d’immobilier ont vu le jour dans la plupart des pays développés et traitent de la problématique des dérivés. De plus, différentes initiatives visant à faire connaître ces produits ont été réalisées. Par exemple, Hermes46 au Royaume-Uni a réalisé un concours visant à utiliser des produits dérivés immobiliers fictifs mais réalistes afin de rendre compte de leur utilisation. Cette initiative sera relayée en France par l’IEIF47 en octobre 2012. 46 http://www.hermes.co.uk 47 http://www.ieif.fr

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5.2.4.La régulation et la fiscalité

La régulation et la fiscalité des dérivés immobiliers jouent un rôle crucial dans le développement de ce marché. Cependant, le cadre juridique étant propre à chaque Etat, il est impossible d’énumérer les mesures conduisant à entraver leur développement. Au Royaume-Uni, la Financial Services Authority (FSA), a par exemple, contribué au développement des dérivés immobiliers en permettant aux compagnies d’assurances de les intégrer dans leurs ratios de solvabilité. Par ailleurs, en 2004, le Royaume-Uni a établi un régime de taxation pour les dérivés immobiliers supprimant toutes barrières à l’entrée. C’est ce cadre juridique qui a probablement contribué à expliquer leur développement.

La règlementation comptable constitue également un vecteur important du développement des dérivés immobiliers. En effet, dans la plupart des régimes comptables, une distinction est généralement faite entre les produits dérivés de couverture et ceux dont l’intérêt principal n’est autre que la spéculation. En IFRS (International Financial Reporting Standard), si la comptabilité de couverture48 n’est pas applicable, les gérants ont un intérêt moindre à couvrir leurs positions. En effet, la mise en œuvre de la couverture peut entraîner une plus grande volatilité des profits bien qu’économiquement les fluctuations seront partiellement annulées. L’application du standard IAS 39 relatif à la comptabilité des actifs de couverture en IFRS requiert que l’effectivité de la couverture ait été démontrée statistiquement par des tests numériques. Etant donné le risque de base relativement élevé lors de la couverture d’un portefeuille immobilier via des produits dérivés et les critères requis par la règlementation (coefficient de la droite de régression compris en 0.8 et 1.25, un R2 de plus de 96%, etc.), la mise en œuvre de la comptabilité de couverture semble impossible. L’établissement d’une comptabilité propre aux dérivés immobiliers semble importante afin d’assurer leur développement.

5.2.5.La liquidité

La réussite du marché des dérivés doit conduire à un marché liquide. De nombreux acteurs ne rentrent pas encore sur le marché des dérivés immobiliers en raison du manque de liquidité qui y est associé. Une fois la liquidité établie, les dérivés

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Thèse de doctorat 66 | P a g e immobiliers pourront même attirer des spéculateurs qui ne font pas traditionnellement partie de l’immobilier. Le marché des dérivés immobiliers manque aujourd’hui de diversité au sein de la base de ses utilisateurs alors que cette base est potentiellement très large (cf. Section 4.3). La conséquence directe est que les acteurs auront tendance à entrer sur le marché au même moment et à rechercher les mêmes positions rendant ainsi tout échange impossible. En effet, les dérivés immobiliers permettent aux investisseurs de tirer parti de différences en termes d’anticipations du niveau des prix futurs. Le marché des dérivés au Royaume-Uni est le seul marché à avoir atteint pour l’instant un niveau de liquidité relativement satisfaisant.