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LES OBLIGATIONS DE DROIT INTERNATIONAL

6. Rôle et portée du droit international dans l'ordre juridique suisse dans l'ordre juridique suisse

6.2 La primauté (proclamée) du droit international

176. Avant de procéder à l'analyse des différents instruments inter-nationaux relatifs à la prévention du chômage et à la réadaptation à l'emploi, une réflexion sur la valeur et la portée du droit international dans l'ordre juridique suisse623 s'impose. Cette question est en effet fon-damentale pour comprendre quelle est l'importance réelle que les textes présentés ont, pourraient ou devraient avoir.

177. Comme le relève JACOT-GUILLARMOD, «l'ordre juridique suisse est moniste. Le Tribunal fédéral et le Conseil fédéral l'ont souvent rappelé, en accord avec la doctrine unanime. Cela signifie que «les règles de droit international (conventionnelles, coutumières ou unilatérales) font, en Suisse, partie intégrante, à partir de leur prise d'effet pour notre pays, de l'ordre juridique suisse». Grâce à cette conception moniste, les particuliers peuvent «invoquer les règles de droit international pour en

620 Cf. ci-dessous point 7 .1.

621 Conseil fédéral, Message relatif à la Conv OIT N° 168, Ed. sép., p. 19.

622 Cf. - ATF 103 la 517 (522-524) Loup.

- ATF Ill la 341 (344-345) S.

- ATF 113 V 273 (277-278) = RCC 1988 269 (272-273) J.R.

A. Berenstein, «La Suisse et le développement international de la sécurité sociale», in SZS 1981 p. 184 N° 19.

R. Spira, «L'application du droit international de la sécurité sociale par le juge», in La sécurité sociale à l'aube du XXIe siècle, p. 486.

623 Cf. la définition donnée par O. Jacot-Guillarmod, dans l'étude «Fondements juridiques internationaux de la primauté du droit international dans l'ordre juridique suisse», in RSJB 1984, p. 227 SS (231-232).

déduire des droits et obligations en faveur ou à la charge des autorités et de justiciables» 624. Cette constatation, bien que réjouissante, n'est en soi pas suffisante pour affirmer que les règles de droit international jouent réellement un rôle important dans l'ordre juridique suisse. Une telle conclusion s'imposerait seulement si on pouvait aussi admettre que les règles de droit international sont hiérarchiquement supérieures à notre droit national, c'est-à-dire, si en Suisse le principe de la primauté du

D. Thürer, «Europavertraglichkeit ais Rechtsargument», in lm Dienst an der Gemein-schaft, p. 561 ss (571-577).

R. Fleiner-Gerster, «Volkerrecht-Landesrecht», in lm Dienst an der Gemeinschaft, p. 687 SS (689).

J.P. Müller, «Eléments pour une théorie suisse des droits fondamentaux», p. 179.

O. Jacot-Guillarmod, «Strasbourg, Luxembourg, Lausanne et Lucerne: Méthodes d'interprétation comparées de la règle internationale conventionnelle», in Les règles d'interprétation, p. 109 ss (111).

625 Pour une illustration convaincante des fondements juridiques de la primauté cf. : O. Jacot-Guillarmod, «Fondements juridiques internationaux ... », in RSJB 1984 p. 231-244.

O. Jacot-Guillarmod, - «Fondements juridiques internationaux ... », in RSJB 1984 p. 227 ss, et la «pléiade d'auteurs» favorables au principe de la primauté du droit international cités en note à p. 228-229.

- «La primauté du droit international face à quelques principes directeurs de l'Etat fédéral suisse», in ROS 1985 l 383 ss.

W. Haller, «Commentaire de la Constitution fédérale», art. 113, N°s 176-179 {1987).

A. Grise!, «Traité de droit administratif», p. 92.

lmboden-Rhinow, «Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung», 5e Ed., Tome 1er, p. 80 SS.

A. Berenstein, «La Suisse et le développement international de la sécurité sociale», in SZS 1981p.183 17.

R. Spira, «L'application du droit international de la sécurité sociale par le juge», in La sécurité sociale à l'aube du xx1e siècle, p. 471 SS (481).

Pour l'application du principe à propos des conventions internationales de sécurité sociale cf. :

- Arrêt TFA cause Gangloff ATFA 1952 p. 204.

- Arrêt TFA cause P.S. du 31 octobre 1972 RCC 1973 459.

- A TF 109 V 224 (Boggi).

- ATF 110 V 72 = RCC 1984 p. 581 (A.L.).

Dans les faits on constate toutefois que la situation est bien différente et que très souvent les organes chargés d'appliquer la loi donnent la préférence au droit national. JACOT-GUILLARMOD fait allusion à cet égard aux «clivages inquiétants» qu'on observe tant dans la jurispru-dence qu'en doctrine «entre les affirmations de principe et les déductions concrètes»628 et précise que «tant que n'aura pas été surmontée l'inhibi-tion psychologique que constitue, pour le juge et les organes d'applica-tion du droit, l'art. 113 al. 3 Cst., les conséquences de la primauté du droit international au niveau de l'application du droit en Suisse demeure-ront imparfaites»629

Cet auteur relève ainsi que sur la question de la primauté du droit international «l'ordre juridique suisse représente une structure d'accueil imparfaite»630

BOIS qualifie de «moyenne» (parce que «par certains aspects, variable») la jurisprudence du Tribunal fédéral en la matière631

GREBER souligne que «la primauté du droit international est actuel-lement quelque peu incertaine» 632

P.Y. Greber, - «La sécurité sociale en Suisse. Bref tour d'horizon», in ASS 1988/2 p. 48 N°' 10-11.

- «Les conventions bilatérales de sécurité sociale conclues par la Suisse CESS N° 1, juillet 1986 p. 5 ss (14-16).

- «Sécurité sociale», in Le droit suisse et le droit communautaire: conver-gences et diverconver-gences, p. 631.

A. Berenstein, «La Suisse et le développement international de la sécurité sociale», in SZS 1981 p. 161 SS (184-186).

R. Spira, «L'application du droit international de la sécurité sociale par le juge», in La sécurité sociale à l'aube du XXI0 siècle, p. 473-482.

F. Ben del, «Die Rechtsstellung des ausliindischen Grenzgiingers in der schweizerischen Alters-, Hinterlassenen- und Invalidenversicherung», in SZS 1980 p. 1 ss (6 et 22).

A. Maurer, « Schweizerisches Sozialversicherungsrecht», Band I: Allgemeiner Teil. Ed.

Stiimpfli, Berne 1979, p. 146.

Pour la négation, au moins dans certains domaines, de la primauté du droit inter-national cf. :

P. Siegenthaler, «Vôlkerrecht und Landesrecht nach Schweizerischer Rechtsordnung.

Das Problem des Staatsvertragsrechts im Landesrecht», in RSJB 1984 p. 201 ss.

627 Cf. W. Kiilin, «Der Geltungsgrund des Grundsatzes Vôlkerrecht bricht Landesrecht», in RSJB 124 bis I 1988, p. 45-65.

628 O. Jacot-Guillarmod, «Fondements juridiques de la primauté du droit international...», in RSJB p. 243 et, surtout, p. 229-231.

629 O. Jacot-Guillarmod, «L'ordre juridique suisse face à l'ordre juridique européen ... », in Le droit suisse et le droit communautaire convergences et divergences, p. 8, voir aussi p. 11-12.

630 Idem p. 8.

631 Cf. Ph. Bois, «Révision de la loi sur le travail», in Les nouvelles dispositions du Code des obligations ... , p. 86.

Voir aussi:

O. Jacot-Guillarmod, «Strasbourg, Luxembourg ... », in Les règles d'interprétation, p. 117.

T. Fleiner Gester, «Vôlkerrecht-Landesrecht», in lm Dienst an der Gemeinschaft, p. 687 SS (689).

632 P.Y. Greber, «Sécurité sociale», in Le droit suisse et Le droit communautaire: conver-gences et diverconver-gences, p. 631.

179. L'arrêt Courtet633 est très significatif de cette tendance en matière de sécurité sociale. Le Tribunal fédéral des assurances a ainsi refusé d'appliquer l'art. 32 ch. 1, let. e de la Conv. OIT N° 128 concernant les prestations d'invalidité de vieillesse et de survivants, du 29 juin 1967 et l'art. 68 let. f du Code européen de sécurité sociale, du 16 avril 1964634, qui prévoient que les prestations peuvent être «suspendues» (c'est-à-dire refusées, réduites ou retirées) lorsque l'éventualité a été provoquée «par une faute grave et intentionelle» (selon la Conv. N° 128) ou «par une faute intentionnelle de l'intéressé» (selon le CESS), au lieu de l'art. 7 LAI qui permet de refuser, réduire ou retirer temporairement les presta-tions également en cas de faute grave non intentionnelle.

Cet arrêt a été, à juste titre, critiqué en doctrine635, d'abord parce que le TFA a nié le caractère «self-executing» à une disposition qui manifeste-ment présente cette valeur636, ensuite parce qu'il a fortement réduit la portée du principe de la primauté du droit international en concluant que la primauté n'existe pas lorsque le législateur national adopte en connais-sance de cause une législation interne postérieure qui lui est contraire637

633 Arrêt TFA du 23 octobre 1985 dans la cause Caisse de compensation du Canton du Jura contre Courte! et Tribunal cantonal jurassien publié, in RCC 1986 p. 252 ss et aussi, en extrait, in ATF 111 V 201.

634 En vigueur pour la Suisse depuis le 13 septembre 1978 (RO 1978 p. 1493), respective-ment, depuis le 17 septembre 1978 (RO 1978, p. 1518).

635 Cf., notamment:

A. Maurer, «Widerrechtliche Kürzung von Invalidenrenten», article paru dans la Neue Zürcher Zeitung du 2 juillet 1986, p. 35 (surtout en relation avec l'art. 34 quater Cst.

fed).

B. Despland, - «Droit des assurances sociales et conventions internationales A propos d'un arrêt du Tribunal fédéral des assurances», in Journal FEAS 3/86, p. 4 SS.

- «Familles et assurances sociales», in Familles et solidarité dans une société en mutation, p. 259 ss (263).

R. Spi ra, «L'application du droit international de la sécurité sociale par le juge», in Le droit social à l'aube du xxre siècle, p. 471 SS.

J.M. Agier, «La réduction des rentes d'invalidité ... des toxicomanes», in SZS 1988, p. 122 SS.

G. Aubert, «La protection de la santé et la sécurité du travailleur: perspectives actuelles de l'harmonisation en Suisse et dans la Communauté européenne», in La protection de la santé et de la sécurité du travailleur .. ., p. 9 ss ( 16).

K. Zimmermann, «Où le Tribunal fédéral des assurances nous mène-t-il ?»,in Bulletin des médecins suisses N° 28/1986, p. 1281-1282.

636 Cf. A. Berenstein, «La Suisse et le développement international de la sécurité sociale», in SZS 1981, p. 186 N° 20.

P.Y. Greber, «Droit suisse ... », p. 228.

Ch. Villars, «Le Code européen de sécurité sociale et le Protocole additionnel», Etudes suisse de droit européen, Vol. 23, Ed. Georg, Genève 1979, p. 16.

O. Jacot-Guillarmod, «Strasbourg. Luxembourg ... », in Les règles d'interprétation, p. 112.

R. Spira, «L'application du droit international de la sécurité sociale par le juge», in Le droit social à l'aube du XXIe siècle p. 475-476.

637 Cf. - ATF 99 lb 44 (Schubert).

- ATF Ill V 203 = RCC 1986 254-255 (Courtet).

- ATF 112 II 1 (13) (Wohnbau Giswil).

(Cf. BOIS: «il suffit que le législateur ait conscience de ce qu'il fait en adoptant une loi contraire au droit international pour qu'elle (n.d.r.: la jurisprudence) en écarte l'application, en vertu du principe selon lequel une loi postérieure l'emporte sur l'antérieure.»638

A propos de ce jugement, on pourrait se demander s'il est plus grave d'avoir nié dans les faits la primauté du droit international (pour des motifs pas nécessairement de nature juridique seulement)639, ou d'avoir

P.Y. Greber, «La sécurité sociale en Suisse: Bref tour d'horizon», in ASS 1988/2, p. 48.

Pour une critique de cette jurisprudence, cf. notamment :

O. Jacot-Guillarmod, - «Fondements juridiques de la primauté du droit internatio-nal...», in RSJB 1984, p. 227 ss.

R. Zimmermann, «Le contrôle préjudiciel en droit fédéral et dans les cantons suisses», p. 102 SS. pos-térieure concernant la branche invalidité, contraire aux instruments internationaux déjà en vigueur en Suisse depuis 1978, le TFA s'est référé à la nouvelle loi fédérale dans les lois postérieures adoptées ou en préparation de suspendre l'assuré du droit aux prestations seulement en cas de faute intentionnelle, avait tacitement maintenu en matière d'assurance-invalidité le principe de la suspension aussi en cas de faute non intentionnelle!

639 Cf. O. Jacot-Guillarmod, «Strasbourg, Luxembourg ... », in Les règles d'interprétation, p. 123:

«Lorsque le TFA refuse dans l'arrêt Courtet, d'appliquer une règle internationale à un particulier qui l'invoque, il est sans doute inhibé lui aussi par des considérations non exclusivement juridiques (conséquences financières de l'arrêt sur toute une catégorie d'assurés, sensibilité, en Suisse, d'un privilège exhorbitant qui aurait été accordé aux assurés par un traité contre la loi en matière d'invalidité). Lui aussi, il n'assume pas pleinement la responsabilité internationale qui découle pour lui de la règle internationale qu'il doit appliquer, sans avoir à rendre de comptes au parle-ment ou à l'exécutif.»

Voir aussi Spira qui affirme que «le TFA a préféré renvoyer la balle dans le champ du législateur fédéral» car il s'agissait «d'un principe si profondément ancré dans le droit fédéral des assurances sociales» (cf. «L'application du droit international de la sécurité sociale par le juge «in Le droit social à l'aube du XXI• siècle, p. 481-482).

G. Aubert stigmatise d'ailleurs avec raison le fait que plus de cinq ans après l'arrêt Courtet le gouvernement et le parlement n'ont pas encore biffé les quatre mots de l'art. 7 LAI («ou par faute grave»), contraires au droit international.

essayé «d'esquiver le problème de fond» (JACOT-GUILLARMOD) 640, c'est-à-dire précisement celui de la primauté de la règle internationale sur la règle interne contraire, en recourant à l'artifice de la néga-tion du caractère self-executing à une norme qui le possède incon~

testablement 641 (parce qu'elle est «suffisamment précise pour servir de base à la solution du cas d'espèce» )642 et qui devait donc être appli-quée643.

640 O. Jacot-Guillarmod, «L'ordre juridique suisse face à l'ordre juridique européen ... », in Le droit suisse et le droit communautaire: convergences et divergences, p. 5.

Pour la démonstration pratique dans l'arrêt Courtet cf. :

O. Jacot-Guillarmod, «Strasbourg, Luxembourg ... », in Les règles d'interprétation p. 112-113, dans lequel l'auteur fait correctement allusion à la nécessité de se référer pour interpréter une règle internationale à «la volonté commune des parties contrac-tantes».

B. Despland, «Droit des assurances sociales et conventions internationales ... », in Jour-nal FEAS 3/86,p. 4 ss.

R. Spira, «L'application du droit de la sécurité sociale par le juge», in Le droit social à l'aube du XXI• siècle, p. 475-476 (avec une observation analogue à celle de Jacot-Guillarmod).

641 A ce propos, il faut relever que la question de la primauté du droit international apparaît clairement lorsque l'on se trouve en présence d'une norme self-executing.

Au contraire, lorsque le traité international ou certaines de ses dispositions sont

«executory», le conflit entre droit international et droit interne, qui pourtant existe toujours, reste souvent caché.

A. Jacot-Guillarmod, «Strasbourg, Luxembourg ... », in Les règles d'interprétation, p. 112.

R. Spira, «L'application du droit international de la sécurité sociale par le juge», in Le droit social à !'.aube du XXI• siècle, p. 472.

T. Fleiner-Gerster, «Vôlkerrecht-Landesrecht», in lm Dienst an der Gemeinschaft, p. 697.

643 La combinaison du principe de la primauté du droit international, avec le caractère self executing de la disposition en cause, impose l'application du traité.

En pareille hypothèse la solution envisagée par Grise!, et reprise par Spira, qui consiste (simplement) «à inviter ou même obliger expressément le législateur à modifier, voire à supprimer la disposition contestée le plus tôt possible ou dans un délai déterminé», n'est pas entièrement satisfaisante.

Cf. A. Grise!, «A propos de la hiérarchie des normes», in Zbl. 1987, p. 392-393.

R. Spira, «L'application du droit international de la sécurité sociale par le juge», in Le droit social à l'aube du XXI• siècle, p. 482.

180. Afin de résoudre définitivement le problème d'une manière clair-voyante644 et traduire dans les faits ce qui est constamment et correcte-ment affirmé avec les mots, il serait utile et opportun d'introduire dans la Constitution fédérale une disposition consacrant et confirmant expressé-ment le principe de la primauté du droit international. Il faudrait aussi aménager l'art. 113 al. 3 Cst. féd, «en vue de faire apparaître plus claire-ment que les organes d'application du droit doivent laisser inappliquée la loi au profit de la règle internationale contraire» (JACOT-GUILLAR-MOD)64s.

La règle de droit international retrouverait ainsi enfin le rôle et la portée qui lui appartiennent, sans plus aucun obstacle d'ordre psycho-logique pour les organes (en particulier pour le juge) 646 appelés à mettre en œuvre les différentes législations.

7. Les obligations résultant des normes adoptées par les diverses organisations

7.1 Les instruments de l'OIT 7.1.1 Les textes constitutifs647

7.1.1.1 La Constitution de !'Organisation internationale du travail 181. Le Préambule de la Constitution de l'Organisation internationale du travail, adoptée en 1919, après avoir relevé «qu'il existe des condi-tions de travail impliquant pour un grand nombre de personnes

l'injus-644 Pour une autre solution, moins convaincante cf. :

Th. Fleiner-Gerster, «Vôlkerrecht-Landesrecht», in lm Dienst an der Gemeinschaft, p. 698-699.

645 O. Jacot-Guillarmod, «L'ordre juridique suisse face à l'ordre juridique européen ... », in Le droit suisse et le droit communautaire convergences et divergences, p. 8-9 et 18.

646 Cf. O. Jacot-Guillarmod, art. cit., p. 18:

«Même dans les pays monistes, la psychologie des juges nationaux est parfois encore une psychologie dualiste: naturellement enclin à s'effacer devant le législa-teur (attitude éminemment respectable lorsque seuls des rapports juridiques natio-naux sont en cause), le juge national manifeste volontiers le même zèle à privilégier la loi interne contre le traité international qui lie pourtant l'Etat dont il est le serviteur. Cette attitude a pour effet de faire oublier au juge qu'il est aussi à côté de l'exécutif et du législatif - le dépositaire de l'exécution complète de bonne fois des traités internationaux en vigueur pour lui (art. 26 et 27 de la Convention de Vienne). Lorsqu'on sait que de plus en plus, les traités internationaux ont pour vocation de s'appliquer aux individus, le droit européen offre là une extension potentielle considérable du champ d'action du juge dans sa mission du protecteur des libertés individuelles consacrées par les traités internationaux.»

Cf. aussi, du même auteur,

- «Strasbourg, Luxembourg ... », in Les règles d'interprétation p. 125.

- «L'administration fédérale face à l'ordre juridique communautaire: défis actuels», in Zbl 1990, p. 425 ss (440).

647 Cf. ci-dessus, point 6.1.

tice, la misère et les privations, ce qui engendre un tel méconten-tement que la paix et l'harmonie universelles sont mis en danger» a indiqué dans «la lutte contre le chômage» un des principaux objectifs à atteindre d'une façon Qrgente pour améliorer les conditions des travail-leurs648.

La prévention du chômage et la réadaptation à l'emploi sont ainsi considérées dès le début, deux aspects essentiels de l'activité de l'OIT.

7.1.1.2 La Déclaration de Philadelphie

182. La Déclaration concernant les buts et objectifs de l'Organisation internationale du travail, connue sous le nom de Déclaration de Philadel-phie, 10 mai 1944, et formellement incorporée dans la Constitution de l'OIT en 1946649, est d'une importance fondamentale, tant pour la nais-sance du concept même de sécurité sociale que pour une définition de celle-ci selon ses aspects fonctionnels.

Alors que dans la Constitution de 1919 le droit à la protection est conçu comme un droit du travailleur650 (!'Organisation n'ayant pas la compétence d'aller au-delà du cadre du droit du travail 651 et limitant donc son activité aux assurances sociales 652, qui couvrent les travailleurs et, le cas échéant, leur famille), avec la Déclaration de Philadelphie et grâce à l'élargissement de la compétence de l'OIT653, le passage «à la sécurité sociale qui a vocation de protéger l'ensemble de la population»

devient possible (GREBER)6s4.

648 Le texte intégral du Préambule est reproduit, in P.Y. Greber, «Droit suisse ... », p. 63.

Sur la Constitution de !'OIT voir aussi:

A. Berenstein, - «La suisse et le développement international de la sécurité sociale», in SZS 1981, p. 163-164, N° 3.

- «Le développement et la portée des droits économiques et sociaux», in Travail et Société, Vol. 7, N° 3, 1982, p. 311 ss (316-317).

649 Cf. P.Y. Greber, - «Droit suisse ... », p. 65.

- «Les principes fondamentaux ... », p. 83.

65

°

Cf. G. Perrin, «Les fondements du droit international de la sécurité sociale», in Droit social 1974, p. 479.

651 Cf. A. Berenstein, «La Suisse et le développement international de la sécurité sociale», in SZS 1981 p. 163-164 N°5 3-4.

652 Pour une description des caractéristiques des assurances sociales, cf. P.Y. Greber,

«Droit suisse ... », p. 44-45.

653 Cf. N. Valticos, «Droit international du travail», Ed. Dalloz, Paris 1970, p. 85.

A. Berenstein, «Le développement et la portée des droits économiques et sociaux», in Travail et Société, Vol. 7, N° 3, 1982, p. 319-320.

654 P.Y. Greber, «Droit suisse ... », p. 64.

Voir aussi P.Y. Greber, «Les principes fondamentaux ... », p. 55-66.

A. Berenstein, - «Le droit international de la sécurité sociale», in SZS 1989, p. 124 et 127-128.

- «La Suisse et le développement international de la sécurité sociale», in SZS 1981, p. 165 N° 4.

Dans cet instrument, le droit à la sécurité sociale découle toutefois encore, en partie, du besoin de protection655Seulement avec la Déclara-tion universelle des droits de l'homme de 1948656, le principe de l'univer-salité trouvera sa pleine reconnaissance657 et le droit à la sécurité sociale sera reconnu comme droit de l'homme, garanti à toute personne en tant que membre de la société.

Comme le remarque PERRIN, le droit à la sécurité sociale s'est donc développé progressivement: du droit du travailleur en 1919, au droit découlant du besoin de protection en 1944, au droit de l'homme enfin658 183. Mais la Déclaration de Philadelphie présente aussi un intérêt majeur parce qu'elle contient l'idée d'une conception fonctionnelle de la sécurité sociale (GREBER)659PERRIN observe que dans ce docu-ment sont fixées pour la première fois des orientations cohérentes à propos du droit à la sécurité sociale, grâce à une détermination fonc-tionnelle et non plus analytique des objectifs660 GREBER énumère

655 Cf. - Le Chapitre III let. f de la Déclaration:

«l'extension des mesures de sécurité sociale en vue d'assurer un revenu de base à tous ceux qui ont besoin d'une telle protection, ainsi que de soins médicaux complets».

- P. Y. Greber, «Le 40• anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme et la sécurité sociale», in ASS 1988/3 p. 84:

«La Déclaration reconnaît que le principe de l'universalité doit être réalisé sans condition de ressources pour les soins médicaux, la protection de la maternité et de l'enfance et avec condition de besoin pour la garantie du revenu de base.»

- Sur le principe de l'universalité cf.: P.Y. Greber, Les principes fondamentaux ... », p. 95 et 109.

A mon avis, lorsque le droit aux prestations est soumis à une condition de

A mon avis, lorsque le droit aux prestations est soumis à une condition de