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a. Dans un premier temps, il faut optimiser les prévisions de ventes en interne

Nous avons vu au cours de notre deuxième partie que la Supply Chain Collaborative interne n’est pas toujours simple à mettre en œuvre, ce qui rend les prévisions de ventes relativement aléatoires et donc moins fiables.

Cependant, les prévisions de ventes sont un élément essentiel du modèle CPFR. En effet pour que la relation avec le fournisseur fonctionne sur des bases saines, il est important que le distributeur apporte des données fiables.

La collaboration interne, nous l’avons vu, permet d’optimiser ses prévisions de ventes.

Nous allons désormais nous intéresser aux différentes solutions d’optimisation de ces prévisions.

Dans un premier temps, nous montrerons qu’il est nécessaire d’établir une certaine confiance entre les entités. Par la suite, nous nous intéresserons à l’importance de donner une définition claire des responsabilités et de l’organisation afin que celle-ci soit la plus adaptée à la collaboration. Enfin, nous tenterons de mieux appréhender les possibles optimisations de la collaboration dans le secteur des télécoms.

- Les entités doivent avoir un intérêt à collaborer, et ce dans un climat de confiance

Dans la partie précédente nous avons compris en quoi une entreprise avait intérêt à mettre en place la Supply Chain Collaborative Interne. Étant donné que les différentes entités participantes sont souvent réticentes à la mise en place de cette collaboration, il est important dans un premier temps de faire comprendre l’intérêt de chaque entité de collaborer. Une fois cet intérêt reconnu, comment établir un climat de confiance entre les entités, et comment rendre cette situation pérenne ?

Chaque entité a en effet un parti à tirer de la mise en place de la collaboration. Il est donc important que toutes les parties y trouvent leur intérêt. Dans le cadre du management d’une équipe, il est très important que les collaborateurs se sentent impliqués et soient personnellement motivés. Pour la mise en place d’un processus, il en est de même. Nous allons donc nous intéresser à la plus value de la collaboration pour chaque entité.

Tout d’abord, en ce qui concerne le département des Ventes, participer à la réalisation des prévisions de ventes permet aux collaborateurs de ce département de donner leur point de vue sur la situation du marché, avec une vision de terrain très importante dans la réalisation des prévisions. Ainsi, grâce à la collaboration, les Ventes assurent une meilleure fiabilité des prévisions de ventes, ce qui est essentiel pour eux, puisqu’il est nécessaire, pour qu’un produit soit vendu, qu’il soit disponible, notamment dans le secteur des télécoms où les clients ne sont pas prêts à attendre que le produit soit disponible, comme nous avons pu le voir à travers l’étude menée par AT Kearney. Ainsi, le département des Ventes, en participant aux prévisions de

ventes, s’assure d’une plus grande disponibilité des produits, résolvant ainsi la crainte de ne pas avoir assez de produits disponibles à la vente.

En ce qui concerne le service des achats, il est fondamental de collaborer sur les prévisions de ventes afin de pouvoir mieux négocier les contrats avec les fournisseurs. En effet, les acteurs de ce service connaissent les marges de manœuvre qu’ils peuvent avoir avec un fournisseur, et peuvent faire influencer les prévisions de ventes en fonction de ces marges, afin d’obtenir de meilleurs tarifs.

La Supply Chain acquiert, grâce à la collaboration sur les prévisions de ventes, une meilleure visibilité. Tout d’abord, cela lui permet de faire infléchir les prévisions en fonction des stocks, mais également de faire prendre conscience des problématiques inhérentes à la Supply Chain, notamment le transport et le stockage des produits.

Le département Finance impose quant à lui ses contraintes budgétaires. Notamment dans le secteur des télécoms, où les mobiles sont subventionnés, il est important que ce département joue un rôle dans la collaboration.

Enfin, la collaboration permet au département du Marketing de prendre conscience de toutes les problématiques des entités avec lesquelles il interfère, et donc d’avoir d’ajuster ses prévisions. La justesse des prévisions étant un des objectifs pour le Marketing, la collaboration apparaît comme un atout majeur pour ce département.

Il est clair que chaque entité peut trouver un avantage à collaborer sur la prévision des ventes.

Lors de la mise en place du projet de collaboration, que ce soit dans le cadre de la mise en place du CPFR ou uniquement sur de la collaboration interne, il y a un travail important qui doit être réalisé sur l’explication du processus, et sur la mise en avant des intérêts de chacun.

Ainsi, dans le cadre de la gestion du changement, il faut mener un travail éducatif. Dans un premier temps, il faut convaincre les responsables de département, leur montrer qu’ils auront à mettre en place cette collaboration. Dans un deuxième temps, une fois que l’appui des directeurs

est acquis, il faut expliquer le processus, et former les équipes. Cette phase préalable à la mise en place de la collaboration est fondamentale afin que chacun se sente impliqué et trouve sa place.

Si cette tâche a été menée correctement, cela permet d’éviter les conflits d’intérêt entre les différentes personnes ou entités, puisque chacun à le sentiment de bénéficier de la situation, tout en étant utile.

Une fois que les entités et les directions respectives ont saisi l’importance de la Supply Chain Collaborative interne, il faut établir un niveau de confiance mutuelle entre les différentes entités.

La confiance est un sentiment difficile à « imposer » : l’instaurer au sein d’une entreprise demande des efforts et du temps. Lorsque les départements ont des habitudes et des préjugés, il est difficile de les faire évoluer rapidement. Les départements devant travailler ensemble dans le cadre de la collaboration ont souvent des objectifs radicalement différents, voire inconciliables. Il est donc nécessaire dans un premier temps de faire comprendre à chacun son intérêt propre dans la collaboration pour qu’ensuite, les entités soient jugées dignes de confiance par les autres sur la qualité de leur travail. Par exemple, la Supply Chain doit pouvoir prouver qu’elle sait gérer les approvisionnements et les stocks pour que les prévisions de ventes puissent être réalisées et que les commerciaux puissent vendre. De même les commerciaux doivent savoir vendre pour ne pas laisser en stock des produits invendus.

Accéder à ce niveau de confiance mutuelle, entre les collaborateurs et les entités, est un travail de longue haleine. Souvent, dans ce processus d’acquisition de la confiance, les directeurs jouent un rôle fondamental car ils peuvent influencer la façon de penser de leurs équipes. Au même titre que dans la phase précédente, les managers jouent donc un rôle crucial dans le succès de la Supply Chain Collaborative. Ce middle management qui a un véritable rôle de proximité avec ses équipes peut favoriser la confiance entre les équipes.

Au delà de l’importance du rôle des managers, il est important de créer une véritable compréhension des différentes entités participant à la collaboration. Dans ce cadre, on peut imaginer qu’afin de permettre aux différentes équipes de mieux saisir les multiples enjeux, il

pourrait être intéressant de favoriser les échanges entre les différentes entités. Par exemple, une personne de l’équipe Marketing pourrait venir passer une semaine dans les équipes Supply Chain et inversement. Ceci permettrait de connaître la qualité de travail de chacun et donc de pouvoir lui faire confiance sur son domaine de compétence.

D’un point de vue technique, il pourrait être intéressant, pour développer la confiance des entités, de mettre en place un système d’information commun afin de permettre un échange des informations en temps réel et sûr. En effet, cela permettrait dans un premier temps d’éviter la perte de temps et le doublon de travail mais également de rassurer les équipes sur les données, ces chiffres étant générés du fait de l’interaction de toutes les entités.

Une fois cette confiance acquise, il faut rester très vigilant. En effet, le travail de collaboration interne joue énormément sur l’humain, il est donc important de savoir préserver les sensibilités de chacun afin que la collaboration se passe pour le mieux sur du long terme.

Pour que cette collaboration continue après son implémentation, et la phase où les équipes de transformation sont présentes pour s’assurer son bon fonctionnement, il peut être judicieux de mettre en place un audit régulier de la collaboration. Cet audit pourrait se mettre en place sous forme de simple contrôle des bonnes relations entre les entités et de la collaboration. Une personne complètement extérieure aux entités viendrait observer la manière dont se déroule la collaboration autour des prévisions des ventes. Cet audit pourrait également être réalisé sous la forme d’un 360, ou les entités s’évalueraient mutuellement.

Nous avons vu au cours de la deuxième partie que la collaboration interne permettrait d’optimiser de façon évidente les prévisions de ventes mais qu’un certain nombre de points était bloquant, notamment la confiance vis-à-vis des autres et l’intérêt que les équipes peuvent y trouver.

Chez France Télécom Orange, les équipes de Florence Fellous ont mis en place, en 2008, à travers un programme de transformation et d’optimisation des prévisions de ventes, un travail de confiance mutuelle des différentes entités. Grâce à un travail de longue haleine, où chaque entité

a été rencontrée afin de saisir ses enjeux et ses problématiques, la confiance entre les différentes équipes semble établie.

Un certain nombre d’aspects peuvent encore être améliorés. D’un point de vue technique par exemple, il n’existe pas d’ERP commun qui permettrait un échange de données rapide et donc de prendre en considération, en temps réel, les contraintes de chacun. Comme nous l’avons vu dans les spécificités du secteur des télécoms, les produits sont « tendances », et il est important qu’ils soient le plus rapidement possible sur le marché afin d’augmenter les ventes potentielles avant la fin de vie du produit.

Par ailleurs, le système de « swap » (échange) d’équipes est une formation individuelle proposée à certains managers afin de comprendre les enjeux des départements avec lesquels ils interagissent. Il pourrait être intéressant d’étendre ce système à l’ensemble des équipes participant à la collaboration afin d’optimiser le sentiment de confiance tissé entre elles.

Cependant, chez France Télécom Orange, comme dans beaucoup d’autres entreprises ayant mis en place la Supply Chain Collaborative Interne, les responsabilités et les objectifs ne sont pas clairement définis.

- Des responsabilités clairement définies et une organisation adaptée à la collaboration

Nous allons nous rendre compte que la confiance et l’intérêt pour la collaboration ne suffisent pas. Il est important que la Supply Chain Collaborative interne soit appliquée dans un cadre ou les règles sont clairement définies et où l’organisation permet de rendre cette collaboration dans le travail plus efficace.

Nous allons voir en quoi l’organisation de la Supply Chain Collaborative est importante, puis étudier les points clés qui permettent de la structurer.

Aujourd’hui, dans de nombreuses entreprises, on considère qu’il y a collaboration sur les prévisions de ventes, alors que le Marketing ne fait que consulter les autres départements impliqués mais est seul décisionnaire. Ceci est souvent dû à une organisation du processus de

collaboration lui-même. En effet, le processus est fait de telle façon qu’un seul département prend la décision, et qu’il en est le seul responsable.

Dans les entreprises où la Supply Chain Collaborative Interne fonctionne correctement, les prévisions de ventes sont portées par l’ensemble des entités qui interagissent. Les dirigeants de chez Johnson & Johnson, comme nous avons pu le voir dans la présentation du modèle S&OP, font porter la décision des prévisions de ventes à la Supply Chain, à la Finance, aux Ventes, et au Marketing. L’entité Mc Neil du groupe pharmaceutique a réussi grâce à cette collaboration à optimiser de façon considérable ses prévisions, se situant aujourd’hui parmi les meilleurs du secteur. Dans le même temps les stocks ont fortement diminué.

Il semble donc que la prise de décision commune soit un élément important dans le cadre de la Supply Chain Collaborative Interne. En effet, elle permet d’impliquer toutes les entités, et d’augmenter l’intérêt qu’elles trouvent à participer au processus. Ainsi l’efficacité du process est augmentée.

Afin que cette prise de décision commune soit rendue possible, il est important de structurer la Supply Chain Collaborative Interne. En effet, les entreprises souhaitant aller dans ce sens afin d’optimiser leur prévisions de ventes doivent travailler sur l’organisation même de leurs équipes et clarifier les objectifs qui leurs sont donnés.

La mise en place de la Supply Chain Collaborative interne est en effet l’occasion pour les entreprises de repenser l’organisation même des structures travaillant sur les prévisions de ventes.

On pourrait envisager qu’un certain nombre de collaborateurs soit détachées des entités participant à la collaboration, pour travailler ensemble sur les prévisions de ventes. Ils auraient un double rattachement : à la fois à leur entité d’origine, ce qui permettrait de s’assurer qu’ils prennent en considération les contraintes de celle-ci, mais également un rattachement à cette nouvelle entité pour optimiser les prévisions de ventes. Ce serait donc une organisation matricielle.

Dans le cadre de cette équipe, les prévisions de ventes pourraient être transformées en plan d’approvisionnement avec cette même équipe.

Ainsi, l’entreprise aurait une équipe spécialiste des prévisions de ventes qui serait au fait des contraintes que rencontrent toutes les entités. On peut donc imaginer que dans ce cadre les prévisions ne puissent être que plus fiables.

Il paraît cependant essentiel que les personnes de cette équipe gardent un pied dans la réalité quotidienne et les problématiques de leur équipe d’origine. En fonction de la fréquence des prévisions, cette équipe peut se structurer de façon différente.

Cependant, il nous semble essentiel qu’elle ait un directeur garant des prévisions de ventes, et donnant la responsabilité des prévisions à toutes les entités intervenant leur demandant systématiquement une validation unanime.

A ce stade, il est important de considérer un deuxième impératif : définir des objectifs communs pour toutes les entités.

En effet, comme nous avons pu le voir dans la partie précédente, un des obstacles auquel se heurte a collaboration interne est l’incohérence des objectifs des différentes entités. En effet, alors que toutes les entités doivent participer à l’élaboration de prévisions, elles ne sont pas objectives sur celles-ci ni sur le stock que cela peut engendrer.

Il est donc fondamental, dans le cadre d’une Supply Chain Collaborative Interne, que toutes les entités soient objectivées sur ces deux points afin de s’assurer tout d’abord qu’elles y trouvent un intérêt, mais également qu’elles fassent en sorte d’optimiser leurs résultats.

Si la mise en place d’une équipe commune est réalisée dans l’entreprise on peut penser que les managers de cette nouvelle équipe détermineront les objectifs pour toutes les entités à ce sujet. Autrement, on pourrait également imaginer que les différents managers de toutes les entités décident ensemble des objectifs à atteindre.

France Télécom Orange, qui a beaucoup travaillé sur les process permettant un travail commun, n’a pas établi de règles clairement définies ni mis en place une organisation permettant que cette collaboration soit optimale.

Dans ce cadre, il semble intéressant de mettre en place des objectifs communs à toutes les entités participant aux prévisions de ventes. Pour France Telecom en particulier, les entités pourraient être évaluées tout d’abord sur la fiabilité des prévisions de ventes avec un indicateur de performance relativement simple qui consisterait à comparer les prévisions de ventes avec le nombre de produits vendus. Un deuxième KPI sur le niveau de stock pourrait être également fixé, ce qui permettrait d’assurer la qualité des plans d’approvisionnements.

En plus de ces objectifs communs, il pourrait être intéressant de mettre en place une équipe responsable des prévisions de ventes communes entre la Supply Chain et le Marketing, auxquelles s’ajouteraient des membres des autres entités. En effet, aujourd’hui, les prévisions de ventes chez France Télécom Orange sont décidées par le Marketing, même si il y a une consultation des autres entités, et les approvisionnements sont réalisés par la Supply Chain.

Il pourrait ainsi, dans le cadre de la mise en place du CPFR et plus particulièrement de la partie interne, comme nous l’a suggéré Ludovic Pluchard, lors de nos interviews, de mettre en place une équipe qui travaillerait à la fois sur les prévisions de ventes et les approvisionnements.

Ceci permettrait de régler les possibles conflits d’intérêt entre le Marketing et la Supply Chain, ces deux entités travaillant ensemble. Cette équipe serait donc entièrement consacrée à ce sujet, ce qui permettrait d’avoir des prévisions plus justes qu’aujourd’hui, où le nombre de personnes travaillant sur les prévisions de ventes n’est pas suffisant. Une seule personne réalise en effet les prévisions de ventes pour tous les produits, chaque semaine. Cela renforcerait la proximité des équipes et favoriserait une meilleure collaboration. De plus, avoir un responsable commun permettrait de régler les différents conflits possibles entre les entités.

Il apparaît nécessaire dans le cadre de la Supply Chain Collaborative Interne de définir une organisation permettant aux équipes de collaborer de façon optimale. Les solutions que nous avons développées, notamment la mise en place d’équipe commune, ne sont que des pistes de réflexions à adapter en fonction de chaque entreprise. Il est cependant important pour que les prévisions de ventes soient plus justes que la Supply Chain Collaborative soit organisée de façon claire, et que son importance soit reconnue par tous..

- La prise en compte des spécificités du secteur des télécoms

Confidentiel

b. La nécessité d’établir une relation saine et clairement définie avec son