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L E PREMIER LIVRE : LE MOUVEMENT DES COPRS ATTIRES PAR DES FORCES CENTRIPETES EN ABSENCE DE RESISTANCE

Dans le document Newton (Page 107-110)

Fort de ces préliminaires mécaniques et mathématiques, Newton peut commencer, dès la section II du premier livre, l'exposition de sa mécanique abstraite. Dans les sections II et III, il revient sur les problèmes directs et inverses des forces centrales en absence de résistance, en présentant les résultats prouvés dans le De motu et en ajoutant de nouveaux référés à des modèles du même type. Après avoir consacré les sections IV et V à l'étude de certaines propriétés purement mathématiques des coniques, la section VI à la recherche de la vitesse d'un corps parcourant une orbite donnée, et la section VII à la chute des corps vers le centre de force, dans la section VIII il revient au problème inverse des forces centrales. C'est une section très courte, formée par trois seules propositions (les propositions 40-42) se fondant toutes sur la dernière proposition de la section précédente : la proposition 39, consacrée à la recherche de la vitesse ponctuelle d'un corps qui chute vers le centre de force.

Quelques compléments techniques

L'argument que Newton emploie pour résoudre ce problème a été l’objet de plusieurs discussions74, car il semble traiter la (quantité accélératrice de la) force centripète d'une

72 Pour un de ces arguments, cf. Blay (1995), p. 55.

73 Ceci ne signifie pas que Newton ne se trompe jamais. Un cas fort célèbre est celui de la proposition 10 du deuxième livre, sur laquelle on reviendra dans le chapitre VI.

manière fort similaire à celle qui deviendra plus tard habituelle au sein du calcul différentiel, c’est-à-dire en tant que rapport entre la différence des vitesses ponctuelles en deux points infiniment proches l'un de l'autre et le temps que le corps emploie pour passer d'un de ces points à l'autre. On a ainsi souvent observé que cet argument montre que la mécanique de Newton, ou au moins certaines parties de celle-ci, auraient pu être aisément traduites dans le formalisme différentiel et donc dans celui de la théorie des fluxions. Il me semble néanmoins que l’argument que Newton emploie à cette occasion soit parfaitement conséquent à la manière dans laquelle la force centripète est représentée dans le De motu et dans les premières sections des Principia. Il peut en effet être reconstruit comme il suit.

Supposons (fig. 8) qu'un corps chute de A vers C étant attiré par une force centripète quelconque et que D et E soient des points infiniment proches pris sur sa trajectoire AC, de telle sorte que DE soit l'espace que le corps parcourrait d’un mouvement uniforme, au cours d’un temps infiniment petit t, par effet de l’inertie évalué en D. Comme la force centripète agit dans la même direction que l'inertie, son action en D aura pour effet d'augmenter la vitesse ponctuelle au long de cette direction. L'espace que le corps parcourrait d’un mouvement uniforme au cours du temps t par effet de son inertie évalué en E sera alors plus grand que DE. Soit EI cet espace. Si on suppose qu’en passant de D à E la force reste constante, il s’ensuit que la vitesse et la force en D sont respectivement proportionnelles à DE et à EI – DE = DJ, et si le temps était considéré comme donné pourraient être représentées par ces segments. Le temps n'étant pas considéré comme donné, on aura en revanche les relations75 v

D ! DE t , vE ! EI t et FD! DJ t2 (où vD, vE et FD, sont respectivement les vitesses en D et en E et la force en D). En composant, on aura ainsi

FD!

vE" vD

(

)

vE

EI . Si à chaque point de AC, on associe un segment comme DF, proportionnel à la force centripète prise en ce point, de sorte que les extrémités de ces segments décrivent une courbe BH représentant la variation de cette force, on aura alors

DF

( )( )EI ! v

(

E" vD

)

vE. Mais comme DE et EI sont infiniment petits, le produit (DF)(DE)

pourrait être conçu comme l'aire du trapézoïde DEGF. Cet argument pouvant être répété pour tout point pris sur AC, on peut enfin substituer dans cette dernière relation le point D avec le point A, où la vitesse ponctuelle est nulle, et tirer la nouvelle relation vE2 ! EABG qui

conclut l'argument de Newton : la vitesse ponctuelle au tout point E est proportionnelle au segment dont le carré est égal à l'aire du trapézoïde EABG. Le problème de la détermination de cette vitesse est donc réduit au problème de la quadrature de la courbe BH.

En exploitant la proposition 39 comme un lemme, Newton est ensuite en condition de parvenir, lors de la proposition 41, à réduire le problème inverse des forces centrales à la quadrature d'une courbe donnée. Dans le corollaire 3 de cette proposition, il montre même comment construire la spirale donnant la trajectoire d'un corps soumis à une force attractive proportionnelle au cube de la distance au centre de force. C'est un résultat que Newton n'aurait pas pu atteindre sans employer le formalisme de la théorie des fluxions et en particulier son algorithme de quadrature. Non seulement il évite pourtant d'indiquer la manière dans laquelle il est parvenu à ce résultat, mais il ne considère guère d'autres exemples. Voici un cas où l'absence d'une référence explicite au formalisme de la théorie

75 Les deux premières relations ne font qu’exprimer la proportionnalité entre les espaces parcourus et les temps propre à un mouvement rectiligne uniforme, tandis que la troisième tient à la proportionnalité entre les espaces parcourus et les carrés des temps qui, en accord à l’hypothèse avancée dans le De motu et au lemme 10 du premier livre des Principia [cf. la note (46), ci-dessus] caractérise le début de tout mouvement dû à l’action d’une force centripète.

des fluxions dans le texte de Newton peut seulement se justifier en faisant état d'un choix méthodologique précis de la part de ce dernier. Ce formalisme n’intervient ici que localement, pour permettre à Newton de tirer une conséquence particulière d'un théorème démontré grâce à un argument strictement géométrique parfaitement étranger à ce même formalisme. Newton choisit pourtant de cacher l’usage qu’il fait d’un tel formalisme, sans doute pour ne pas risquer d’ entacher un édifice géométrique si élégant et si proche du style des anciens avec des considérations algorithmiques d'une saveur trop ouvertement cartésienne.

La section VIII du premier livre est la dernière consacrée à l’étude du mouvement d’un seul corps attiré par un centre fixe en absence de résistance. À partir de la section suivante les modèles de la mécanique abstraite de Newton commencent à s'approcher de plus en plus de la structure des phénomènes cosmiques. Dans la section IX, Newton étudie le mouvement des corps au longs d'orbites qui se déplacent dans l'espace en même temps que le corps les parcourt. Dans la section X, il étudie le mouvement des corps sur des surfaces données et ensuite le mouvement des pendules. Dans la section XI, il aborde le problème du mouvement de deux ou trois corps s'attirant mutuellement. D'abord, Newton considère le cas de deux corps s'attirant mutuellement par des forces quelconques et montre comment réduire le problème de la détermination de leur trajectoire au problème de la détermination de la trajectoire que ce mêmes corps suivraient s'ils étaient attirés vers leur centre de masse. Il passe ensuite au cas de trois corps, en supposant néanmoins que les forces attractives sont inversement proportionnelles au carré des distances. Son exposé culmine dans la proposition 66 avec ses vingt-deux corollaires. Newton y suppose que les forces attractives soient gravitationnelles, c'est-à-dire que les accélérations qu'elles produisent ne dépendent pas de la masse des corps attirés76

, et il en conclut que si les deux corps plus petits tournent autour du plus grand, alors l'orbite du corps plus interne s'accorde plus avec les deux premières lois de Kepler si le corps central est attiré par les deux autres selon des forces inversement proportionnelles aux carrés des distances que s'il n'était pas attiré par ceux- ci, et il restait en conséquence en repos, où s'il était attiré pour eux selon des forces de nature différente. C'est une première tentative de solution du problème dit des trois corps, un problème qui, par sa difficulté, n'a pas encore cessé de fasciner les mathématiciens.

La généralisation à laquelle Newton soumet les résultats du De Motu ne s'arrête pas là. Si un corps n'est conçu que comme étant attiré par une force centripète, alors il suffit, comme on l'a dit ci-dessus, de supposer que sa masse est concentrée dans son centre de gravité pour réduire ce corps à ce même point. La chose est différente si ce corps est conçu comme un centre de force. Il s'ouvre alors la question de savoir sous quelles conditions ce corps peut dans ce cas être réduit à un seul point. C'est le problème que Newton aborde dans les sections XII et XIII. Dans la proposition 75, il montre que l'attractions entre deux sphères uniformément denses est la même qui s'exercerait entre les centres de ces sphères, si les masses des deux corps il y étaient concentrés. Finalement, dans la section XIV qui clôt le premier livre, il étudie le mouvement de corpuscules fort petits attirés par des corps de masse plus grande.

Dans le document Newton (Page 107-110)