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Première approche des remèdes envisagés

Dans le document Les faiseurs de pluie (Page 55-65)

Dust Bowl

1.2 Première approche des remèdes envisagés

Les photographies de la RA n’avaient pas une vocation explicative. Le catastrophisme ambiant, la crainte de voir un jour le Midwest trans- formé en désert, était loin d’être partagée par la communauté scientifique des écologues. Avant d’aborder plus en détail, dans le chapitre suivant,

l’ensemble de la stratégie politique face au Dust Bowl, voyons d’abord les grandes lignes de leurs enjeux technico-territoriaux.

L’année 1935-1936 fut, comme nous l’avons vu, chargée d’innovations institutionnelles pour répondre aux besoins de l’agriculture. Parallèlement s’est développée l’idée que, d’une part, l’agriculture était la cause de l’érosion des sols, et que, de ce fait, elle était d’autre part à l’origine d’une mauvaise adaptation du travail humain à son environnement dans le Midwest. Les photographies de la RA illustraient ce discours tout en ajoutant la dimension dramatique du vécu social, partagé par les fermiers. Les nouvelles méthodes d’agriculture, comme les pratiques du dry farm- ingpréconisées par les services de protection des sols, étaient alors com- prises non comme les remèdes à une agriculture défaillante, mais comme les remèdes à un sol insuffisamment prodigue, cause indirecte des maux sociaux. La série de clichés de Rothstein est explicite : s’il montre que l’érosion était due à l’agriculture industrielle, il s’attache néanmoins aux efforts de communication du gouvernement et à la mise en place des pra- tiques d’irrigation (1.14 - A possible solution to the dust problem is irriga- tionet1.15 - Fighting the drought with irrigation), en somme, le progrès de l’exploitation agricole dans les Grandes Plaines, au lieu de photogra- phier un désert, fruit de ce même progrès (industriel), comme on pourrait s’y attendre. Ces deux clichésmontrent qu’un âge nouveau se profile, fruit de la mécanique (dans la limite du cadre s’ouvre une portière de voiture, les bidons métalliques, un fermier très « propre sur lui ») et du savoir-faire. L’industrie n’est pas absente : à la conquête d’un territoire dont Rothstein l’avait précédemment privée, elle réintègre les Grandes Plaines au profit des ressources naturelles (ici, l’eau) dont on surveille l’état et la renouve- labilité. La région auparavant désertique reprend vie grâce à un change- ment des pratiques et promet désormais une prospérité retrouvée.

Mais s’agissait-il seulement de changer les pratiques agricoles ? Le pro- gramme le plus novateur dans la politique de Roosevelt consistait pour les États du Midwest à faire l’acquisition de vastes surfaces, soit à vocation agricole soit exclusivement forestières ou même définitivement érodées, afin de développer expérimentalement des programmes d’utilisation des

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FIGURE1.14 - A possible solution to the dust problem is irriga- tion. This farmer is pumping water from a well to his parched fields. (Une solution possible au problème de la poussière est l’irrigation. Ce fermier pompe l’eau d’un puit pour son champ asséché). Cimarron County, Oklahoma. Avril 1936, A. Roth- stein.

FIGURE 1.15 - Fighting the drought with irrigation. (Combat- tre la sécheresse par l’irrigation). Cimarron County, Oklahoma. Avril 1936, A. Rothstein.

sols (Land-utilization programs), dans ce qu’on appelle aujourd’hui les National Grasslands1.

Cette idée n’était pas nouvelle et avait déjà été proposée au début des an- nées 19202 afin d’élargir la démarche prospective des stations agricoles

expérimentales mises en place sous le gouvernement de Theodore Roo- sevelt. Le fait est que le Dust Bowl permettait une plus large marge de manœuvre en raison du nombre d’exploitations agricoles abandonnées. Les États pouvaient alors faire l’acquisition de ces terrains pour un prix modique et procéder à la restauration de leur couverture végétale. Dans l’ensemble, les rapports présidentiels entre 1931 et 1934, dont celui du National Resources Planning Board de 1934 tentera de synthétiser les idées générales (voir chapitre VII), recommandaient le retour des ter- res agricoles au pâturage, après une période préalable d’irrigation et de restauration. Pour ce faire, les États devaient acquérir stratégiquement des terrains, par exemple, en amont en en aval d’une zone particulière- ment érodée, tout en cherchant les moyens financiers que l’administration Roosevelt réussissait à réunir, grâce à la forte coordination des instances administratives dans la planification du New Deal (voir chapitre suiv- ant). Ainsi, les premières acquisitions de terrains nationaux débutèrent en décembre 1933, d’après l’Industrial Recovery Act, permettant à la Public Work Administration(PWA) de transférer à cette fin 25 millions de dol- lars à l’Emergency Relief Administration, chargée de les répartir entre les différents bureaux fédéraux agricoles. L’industrie finançait l’agriculture. Ce mode de fonctionnement, permettant à la nation d’acquérir des terrains pour les États, fut systématisé par le titre III de la Bankhead-Jones Farm Tenant Act de 1937, qui transforma ce Land Utilization Program3, ini-

tialement une réponse temporaire au Dust Bowl, en un programme à plus long terme visant essentiellement à soustraire les terrains impropres aux cultures, les réhabiliter, et adopter des solutions de remplacement tem- 1. R. D. HURT, « The national Grasslands : Origins and Development in the Dust Bowl », dans : Agricultural History 59 (1985), page(s): 246–259.

2. L. C. GRAY, « Federal Purchase and Administration of Submarginal Lands in the Great Plains », dans : Journal of Farm Economic 21 (1939), page(s): 123–131.

3. E. D. G. ROBERTS, « The Land Utilization Program in the Southern Great Plains », dans : Science 88 (1938), page(s): 289–292.

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poraires pour les agriculteurs ou les États (crédits d’impôt ou locations avantageuses)1.

L’idée générale consistait à croire aux vertus de la communication (comme Bennett et ses tournées dans le Midwest) et surtout à celles de la démonstration. La série de Rothstein en 1936 dans l’Oklahoma documen- tait les méthodes de réhabilitation des sols. Il fallait en effet non seulement démontrer qu’il était possible de rendre la terre cultivable, qu’il était tout aussi rentable qu’avant de conserver les sols en les cultivant, de même que les sols érodés et réhabilités pouvaient être plus rentables encore s’ils étaient utilisés en pâturages et non plus en cultures.

Si Rothstein avait choisi de prendre quelques photographies à Cimarron County (dans l’Oklahoma), c’était justement pour cette raison. La Cimar- ron River et la zone périphérique de la ville de Horse City (formant le comté de Cimarron) se situent exactement à la frontière du Texas, de l’Ok- lahoma, du Kansas et du Colorado. Il en est de même pour Baca County (région de Springfield dans le Colorado). Toutes deux ont la particularité d’être très représentatives des Grasslands, c’est-à-dire qu’elles présentent un mixte de sols sableux fortement soumis à l’érosion éolienne, de sols à couverture végétale dense (y compris les zones forestières), et de sols durs ou rocheux. De larges terrains dans ces deux comtés furent parmi les premiers à être rachetés par le gouvernement qui mit en œuvre un en- semble expérimental de réhabilitation des sols selon le type d’utilisation visé : ainsi les sols sablonneux furent irrigués intensivement pour permet- tre une culture à faible développement racinaire (comme le maïs), les sols présentant la caractéristique la plus remarquable des Grasslands (mélange des herbacées Buchloe dactyloides et Bouteloua gracilis) furent préservés afin de laisser se développer les stades d’équilibre des végétaux (tels que défini par Frederic Clements, voir plus bas) suffisants pour permettre un pâturage respectueux.

1. Le dernier amendement en date au titre III de la Bankhead-Jones Farm Tenant Act eu lieu le 31 décembre 2003. On peut se procurer le texte entier sur le site Internet du Senate Committee on Agricultureà cette adresse : http ://agriculture.senate.gov/ Legisla- tion/Compilations/ Forests/bankhead.pdf.

Les tests dans ces régions furent réalisés par les stations expérimentales de l’U. S. Forest Service et du SCS1, dans le but d’illustrer en premier lieu les capacités agricoles des Grandes Plaines et de tester les différents moyens de réhabilitations envisageables à long terme.

La réhabilitation des sols ne signifiait donc pas pour autant leur préser- vation dans l’état originel, mais leur réadaptation à un type d’utilisation viable. La transformation des pratiques agricoles ne pouvait se dérouler que sur le long terme avec l’avis d’experts scientifiques, d’ingénieurs agri- coles, tous portant leur attention sur une possible réadaptation agricole des Grandes Plaines, davantage que sur la détresse sociale et économique des fermiers. Cette concession du social sur l’environnemental, c’est l’éco- logue Frédéric E. Clements qui en donne un résumé lapidaire :

« En août 1936, le Comité des Grandes Plaines exprima l’opinion selon laquelle cette région pouvait permettre à sa population de subsister ; quelques mois après il assurait qu’une dépopulation s’imposait. »2

Clements renchérit en rappelant une étude nationale, intitulée Migration and Economic Opportunity, qui affirmait que l’exode minimal nécessaire à un « usage sain des sols », était celui d’ « un quart de million de per- sonnes », mais qu’« une économie idéale requérait le déplacement de trois fois ce nombre »3. Dès lors, si l’agriculture cause l’érosion des sols, ce

n’est pas en soi qu’elle présente un danger, c’est son échelle. Or, parce que le gouvernement venait à peine de créer celles qui se spécialisaient dans la question de l’érosion, les stations expérimentales n’étaient pas encore capables de mesurer les risques liés aux limites de surfaces exploitables. Une adaptation au milieu supposerait alors non seulement un réapprentis- sage de l’usage des sols, mais aussi un alignement du nombre d’habitants sur le potentiel des sols des Grandes Plaines. Il devenait de plus en plus critique de laisser se multiplier le nombre de petits exploitants dont les pratiques étaient difficilement contrôlables. Cette conclusion tout à fait 1. Deux cartes des types de sols des comtés de Baca et de Cimarron ont été reprises, d’après le Soil Conservation Service : M. E. LEWIS, « National Grasslands in the Dust Bowl », dans : Geographical Review 79.2 (1989), page(s): 161–171 (p. 164).

2. Voir note suivante.

3. CLEMENTS,« Climatic Cycles and Human Populations in the Great Plains »(p. 199). (article communiqué à Denver lors d’un symposium de l’American Association for the Ad- vancement of Science: « Scientifics Aspects of the Control of Drifting Soils »).

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paradoxale si l’on envisage ces événements d’un œil contemporain, im- pliquait l’établissement de grandes surfaces d’exploitation pour un faible nombre d’exploitants, c’est à dire, indirectement, l’établissement d’une économie de monopoles.

Ce déterminisme, compris comme une soumission aux contraintes na- turelles, était loin de satisfaire aux exigences politiques qui devaient faire face depuis le début du Dust Bowl à des révoltes d’agriculteurs. Comme le montre l’historien William C. Pratt, déjà sous l’administration Hoover, les comités d’actions locales fortement politisés – comme l’United Farmer’s League(UFL), à tendance communiste – étaient largement impliqués dans la revendication en faveur des ressources des fermiers du Midwest. Cet activisme finit par influencer indirectement le New Deal de Roosevelt, et augmentèrent le nombre de programmes de recolonisation des sols1.

Ainsi, deux discours de nature différente se font face : l’un sur l’agricul- ture, l’autre sur les Grandes Plaines. Le premier préoccupé par les enjeux sociaux d’une faillite de l’agriculture2, l’autre par l’exposé scientifique des mécanismes en cause.

L’un des tenants de ce second discours était le plus célèbre des éco- logues américains. En effet, depuis ses débuts en botanique, Clements travaillait sur la végétation des Grandes Plaines. Sa thèse de doctorat en 1898 portait sur la phytogéographie du Nebraska, et ses ouvrages princi- paux, qui donnèrent naissance à une véritable École de l’écologie végé- tale3, Research Methods in Ecology et Plant Succession, s’inspiraient de l’étude de cas de la végétation des Grandes Plaines. Le paradigme princi- pal en est le climax : la succession des formations végétales, l’enchaîne- ment des causes et effets, aboutit à un stade ultime d’équilibre, le stade climacique :

1. W. C. PRATT, « Rethinking the Farm Revolt of the 1930s », dans : Great Plains Quaterly8 (1988), page(s): 131–144. Voir aussi : W. C. PRATT, « Socialism on the Northern Plains, 1900-1924 », dans : South Dakota History 18 (1988), page(s): 1–35 et W. C. PRATT, « Rural Radicalism on the Northern Plains, 1912-1950 », dans : Montana : The Magazine of Western History42 (1992), page(s): 42–45.

2. Voir sur ce point, P. BONNIFIELD, The Dust Bowl : Men, Dirt, and Depression, Albu- querque : University of New Mexico Press, 1979 (pp. 169–184).

3. L’idée d’une École Clementsienne est inhérente au livre de R. Tobey, Saving the Prairies, dont c’est le thème. Pour une première approche du « paradigme clementsien », on peut voir DELEAGE,op. cit.(pp. 93–97).

« Tout comme un organisme, une formation naît, grandit, mûrit et meurt... Qui plus est, tout climax peut se repro- duire, répétant avec une fidélité rigoureuse les étapes de son développement. L’histoire de la vie d’une formation se déroule suivant un processus complexe mais défini, compara- ble dans ses grandes lignes à l’histoire de la vie d’une plante isolée. »1

Cette vision finaliste partagée par les collègues de Clements de l’Uni- versité du Nebraska était en même temps lourde de déterminisme. Les reproches établis à son encontre étaient de deux types : d’abord, à travers l’esprit de conquête qui a gouverné l’idéal américain de l’Ouest, fallait-il se plier à l’ordre naturel, au lieu de modifier la nature pour le bien-être de l’homme ? Ensuite, si toute formation aboutit à un stade d’équilibre, comment comprendre le rôle perturbateur de l’homme dans les Grandes Plaines ? Comme l’affirme Jean-Paul Deléage2, cette dernière question

suppose que le Dust Bowl est un démenti (nous reviendrons sur cette af- firmation) de la théorie de Clements, et suscite une préoccupation ma- jeure qui guidera par la suite la recherche écologique : celle de la néces- saire gestion des ressources naturelles en l’absence d’un mécanisme auto- régulateur3.

Indirectement, les photographies de Rothstein s’inscrivent en faux par rapport au point de vue de l’écologie : elles reflètent les préoccupations politiques dans la mesure où elles visent une rééducation agricole plutôt qu’une remise en cause des cultures elles-mêmes. Il s’agit de dramatiser une situation (celle de l’état de l’agriculture) pour la rendre pertinente à l’- analyse des gestionnaires. Or, si les moyens mis en œuvre pour recoloniser les sols ne gênent pas Clements, son discours scientifique s’attache, lui, 1. F. E. CLEMENTS, Plant Succession : an Analysis of the Development of Vegetation, Washington DC : Carnegie Institution, 1916. Nous reprenons la traduction dans P. COLIN- VAUX, Les manèges de la vie, cycles et ruses de la nature, Paris : Seuil, 1982 (p. 121).

2. DELEAGE,op. cit.(pp. 100–101).

3. Il faut noter qu’au sein de l’USDA la notion de climax n’était pas inconnue. C. F. Marbut (1863-1935) physiologue et géologue, fut engagé à l’USDA en 1910. Ses travaux fondèrent en partie la science moderne des sols en adaptant la théorie Russe (de Dokouchaev) aux États-Unis : l’idée de profil et de maturité comme un climax des sols. Il s’agit en fait de l’étude pédologique des sols avec l’idée d’un équilibre final. (voir. J. BOULAINE, Histoire des pédologues et de la science des sols, Paris : INRA, 1989, 1989.). Nous revenons sur le lien entre la pédologie russe et la pédologie américaine dans le chapitre III.

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à réévaluer la notion d’équilibre à l’aune de la présence humaine dans les Grandes Plaines. La différence est dans ce simple constat : alors que la photographie nous montre que la crainte de voir les Grandes Plaines trans- formées en désert guidait la politique de gestion des sols, c’est la notion d’équilibre entre l’homme et son milieu qui semble guider une gestion scientifiquement éclairée des sols. Avec le Dust Bowl s’inaugure aussi en cette année 1936, une différence entre deux points de vue dans la gestion des ressources naturelles : l’un heuristique, faisant appel à la responsabil- ité politique, l’autre scientifique, affirmant la méconnaissance écologique des utilisateurs des sols.

En 1936, Clements et le paléontologue Ralph W. Chaney publient un livret, intitulé Environment and Life in the Great Plains. On n’y trouve nulle part la trace d’un quelconque catastrophisme, mais simplement l’idée que la prairie a depuis longtemps été l’objet d’études écologiques et que la conservation des sols dans le Midwest accuse un très grand retard :

« Depuis le milieu du dernier siècle, le savoir scientifique des Grandes Plaines en termes de possibilités et d’opportunités était bien loin de l’ampleur et de l’impact des faits actuels. En effet, le gouffre entre la connaissance et la pratique n’a jamais été aussi grand que lors de la dernière sécheresse, cela est du en premier lieu à l’avancée solide de l’une, et à l’irrémédiable retard de l’autre. »

Clements et Chaney poursuivent, citant les plus illustres chercheurs de l’École du Nebraska :

« Durant plus d’une décennie à partir de 1887, Bessey et ses étudiants, Webber, Smith, Williams, Pound, Rydberg, Woods, Clements, Shear, Saunders, Ernst Bessey et d’autres, explorèrent la prairie, examinèrent l’état des pâturages et les pratiques agricoles, et montrèrent la voie d’un bon usage, à la manière dont le terme de conservation allait être popularisé plus tard. »1

1. F. E. CLEMENTSet R. W. CHANEY, « Environment and Life in the Great Plains », dans : Carnegie Institution of Washington Publications 24 (1936), page(s) 43.

Plus particulièrement, tout comme il le fera de nouveau en 1938 dans Climatic Cycle and Human Populations in the Great Plains, Clements s’emploie à réhabiliter la notion d’équilibre climacique dans les Grandes Plaines. Rapportés aux changements climatiques, les équilibres végétaux des Grandes Plaines sont d’ordre cyclique. C’est alors sous le signe du changement qu’il relate l’histoire géologique, végétale et humaine des Grandes Plaines en fonction des cycles climatiques. La sécheresse des an- nées trente n’est pas un événement isolé, les mouvements de populations humaines dans les Grandes Plaines durant le siècle passé, les variations de la couverture végétale, et même les tempêtes de poussière se retrouvent au fil des décennies (voir chapitre IV). Ce que le mode industriel de produc- tion agricole a changé, ce sont les équilibres végétaux des herbes natives des Grandes Plaines, dont la fonction principale est celle de retenir les sols. Les équilibres végétaux étant d’ordre locaux, les données à analyser sont donc très fines : ce que l’agriculture a provoqué c’est le bouleverse- ment de la variété de la couverture végétale originelle, mélange méconnu d’herbes hautes et rases. Il affirme ainsi :

« Les recommandations récentes pour une délocalisation d’une grande partie de la population de l’Ouest ont été fondées sur la croyance que les herbes rases sont la végé- tation naturelle des Grandes Plaines, ce qui prouverait que la région est impropre à l’agriculture et qu’une réduction de la population est impérative. Au contraire, nous savons avec certitude que ce type de végétation est une couverture créé par l’homme, et nous confions que la pluie et la sécheresse continueront à se succéder comme elles l’ont toujours fait dans les siècles passés. Si tel est le cas, les moyennes des ré- coltes des dix prochaines années vont excéder celles de cette dernière décennie minée par la sécheresse. »1

Si l’on se réfère à l’histoire écologique des Grandes Plaines, la sécher- esse fait partie de la vie de la région, et, écologiquement, l’idée que les Grandes Plaines se transforment en un désert stable n’est pas pertinente. C’est à ce changement perpétuel que l’homme doit s’adapter, et c’est 1. CLEMENTS,« Climatic Cycles and Human Populations in the Great Plains »(p. 195).

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aussi pourquoi Clements approuve les méthodes employées par le Bu- reau du Climat (Weather Bureau)1, ou encore les prospectives du rapport présidentiel du National Resources Board (NRB) visant à accroître les connaissances sur l’environnement régional des zones agricoles, tout en cherchant à prévoir à long terme les opportunités de l’agriculture dans les Grandes Plaines2. Est-ce à dire pour autant que ne sont pas pertinentes

les initiatives du SCS (et plus généralement celles de la RA), illustrées par Rothstein ?

1.3

Le mouvement conservationniste dans les années

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