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Première étape : l’introduction dans un nouvel environnement

I. Introduction générale

4. Processus écologiques et évolutifs des invasions biologiques

4.1. Première étape : l’introduction dans un nouvel environnement

Cette première étape du processus d’invasion correspond au franchissement de la

barrière géographique qui limitait auparavant la dispersion. En effet, les dispersions à longue

distance sont naturellement très limitées au-delà des barrières géographiques.

Et l’introduction d’espèces est fortement dépendante des activités humaines,

notamment l’agriculture et la pêche, c’est pourquoi les espèces qui y sont associées sont

préférentiellement transportées : végétaux d’ornementation, animaux de compagnie,

espèces forestières et piscicoles productives, espèces utilisées pour le contrôle biologique,

parasites et adventices de végétaux commercialisés…

4.1.1. Les caractéristiques écologiques favorisant le prélèvement

En ce qui concerne la phase d'introduction, la probabilité de franchir la barrière

géographique semble liée à la "disponibilité" d'individus pour le prélèvement et le transport.

En effet, il semblerait que les espèces rares et menacées ou celles dont l'aire de

répartition est restreinte ont peu de chance d'être prélevées accidentellement pour être

transportées puis introduites dans de nouveaux environnements.

Inversement, les espèces dont l’aire originelle de répartition est étendue, ou bien se

situant dans des régions géographiques où le trafic commercial est intense, ou qui sont

largement répandues dans certaines régions du globe, ou encore qui sont commercialisées,

sont plus fréquemment transportées dans de nouveaux milieux (Cassey et al., 2004b).

Ainsi, la superficie de l’aire d’origine semble corrélée avec la probabilité d’invasion

(Goodwin et al., 1998) ; corrélation qui peut s’expliquer par une plus grande chance de

prélèvement de ces espèces. Cependant, la probabilité d’invasion pourrait aussi être le

résultat d’une plus grande plasticité ou d’une plus grande capacité d’adaptation locale de ces

populations, favorisant la prolifération et non l’introduction.

4.1.2. Les vecteurs de propagation des espèces au-delà des barrières géographiques

Peu d’espèces aquatiques ont pu se propager à travers des aires géographiques

non-connectées à leur réseau hydrographique (Ashton & Mitchell, 1989), car le transport

étant généralement long et se faisant souvent dans des conditions défavorables, seules les

espèces résistantes au transport seront introduites dans de nouveaux environnements.

Ainsi, l’introduction de certaines espèces peut être favorisée par les formes de résistance

qu’elles développent à certaines périodes de leur cycle de vie, et qui les rendent adaptées à

la dispersion (phase de dormance, graines des plantes…).

De plus, la taille des populations transportées étant généralement très limitée, le

transport est une étape très sensible du processus d’invasion, car le peu d’individus prélevés

doit y survivre (Lockwood, 1999). C’est pourquoi, dans la majorité des cas d’introduction des

plantes aquatiques sur de nouveaux continents, l’Homme est le vecteur direct d’introduction,

pour diverses raisons utilitaires ou esthétiques (Cook, 1985), comme par exemple Egeria

densa en Amérique du Nord, Elodea canadensis en Europe, en Australie et en Nouvelle

Zelande, Hydrilla verticillata en Amérique du Nord (Ashton & Mitchell, 1989).

En France, la vente comme plante ornementale, ou mellifère, de végétaux exotiques

explique l’expansion des renouées et des balsamines (Thiébaut, 2007). A titre d’exemple,

une liste des plantes aquatiques introduites en France et de leur vecteur d’introduction

(Tableau II) a été proposée par Thiébaut (2007).

Tableau II: Liste des plantes introduites en France et vecteurs d’introduction: (a) aquarium, (b)

bateaux, (c) introduction volontaire (plantes ornementales, médicinales), (d) semences, graines

contaminées, (e) industrie lainière, (f) expansion naturelle, (?) raison inconnue. Source : Thiébaut

(2007).

Famille Vecteurs

Algues

Hydrodictyon reticulatum (L.) Lagerh. Hydrodictyaceae ?

Bryophytes

Dumortiera hirsuta (Sw.) Nees Marchantiaceae f Octodiceras fontanum (Bach. Pyl) Lindb. Fissidentaceae f

Pteridophytes

Azolla filiculoides Lam Azollaceae a

Azolla mexicana C.Presl Azollaceae a

Salvinia natans (L.) All. Salviniaceae a?

Plantes supérieures(monocotylédones & dicotylédones)

Acorus calamus L. Araceae c

Althernanthera philoxeroides (Martius) Griseb Amaranthacea a Aponogeton distachyos Thunb. Aponogetonaceae c Callitriche peploides Nutt. Callitrichaceae ? Callitriche terrestris Rafin Callitrichaceae ? Cortadaria selloana (Schultes & Schultes fil.) Ascherton & Graebner Poaceae c

Cotula coronopifolia L. Asteraceae c?

Cyperus difformis L. Cyperacea ?

Cyperus eragrostis Lam. Cyperacea c

Cyperus esculentus L. Cyperacea e

Cyperus reflexus Vahl Cyperacea e

Egeria densa Planchon Hydrocharitaceae a

Eichhornia crassispes (Mart.) Solms Pontederiaceae c

Eleocharis bonariensis Nees Cyperaceae ?

Elodea canadensis Michaux Hydrocharitaceae a/b Elodea ernstiae H. St. John Hydrocharitaceae a Elodea nuttallii (Planchon) H. St. John Hydrocharitaceae a Fallopia japonica (Houtt.) Ronse Decraene Polygonaceae c Fallopia sachalinensis (F. Schmidt Petrop.) Ronse Decraene Polygonaceae c Fallopia x bohemica Chrtek & Chrtkova Polygonaceae f

Glyceria striata (Lam.)A.S.Hitchc Poaceae d

Heracleum mantegezzianum Sommier & Lev Apiaceae c

Hibiscus roseus Thore Malvaceae c

Hydrilla verticillata (L.f.) Royle Hydrocharitaceae a/c

Hydrocotyle ranunculoides L.fil Apiacae a/c

Impatiens balfouri Hooker fil. Balsaminaceae c Impatiens glandulifera Royle Balsaminaceae c

Juncus tenuis Willd. Juncaceae ?

Lagarosiphon major (Ridley) Moss Hydrocharitaceae a

Lemna aequinoctialis Welw. Lemnacaeae f?

Lemna minuta H.B.K. Lemnacaeae f?

Lemna perpusilla Torrey Lemnacaeae f?

Lemna turionifera Landolt Lemnacaeae f?

Lindernia dubia (L.) Pennel Scrophulariaceae f Ludwigia grandiflora subsp. hexapetala (Hook. and Arn.) Nesom and Kartesz Onagraceae c Ludwigia peploides subsp. montevidensis (Spreng.) Raven Onagraceae c Myriophyllum aquaticum (Velloso) Verdcourt Haloragaceae a Myriophyllum heterophyllum Michaux Haloragaceae a/c

Najas graminea Delile Najadaceae f?

Paspalum dilatatum Poiret Poaceae e

Paspalum distichum L Poaceae f?

Pistia stratiotes L. Araceae a/c

Pontederia cordata L. Pontederiaceae c

Sagittaria latifolia Willd. Alismataceae a/c

Schoenoplectus prolifer Rottb. Cyperaceae ?

Scirpus mucronatus L. Cyperaceae ?

Scirpus pungens Valh. Cyperaceae ?

Spartina alterniflora Loisel Poaceae b/c

Spartina x townsendii H.& J. Groves Poaceae f Spirodela oligorhiza (Kurz) Hegelm. Lemnacaeae f/a

Stratiotes aloides L. Hydrocharitaceae c

4.1.3. La notion d'effet de fondation

Les populations introduites dans de nouveaux environnements sont généralement de

petite taille au départ, compte tenu du petit nombre d’individus prélevés et du faible taux de

survie pendant le transport. La diversité génétique subit alors un fort goulot d’étranglement

(Nei et al., 1975), appelé « effet de fondation » : l’échantillonnage des individus engendre

des différences marquées de composition génétique entre populations introduites et

populations de l’aire d’origine.

De telles pertes de diversité ont été mises en évidence à partir de plusieurs

marqueurs génétiques chez différentes espèces introduites dont le polymorphisme est

supposé neutre (Glover & Barrett, 1987 ; Barrett & Husband, 1990 ; Husband & Barrett,

1991 ; Villablanca et al., 1998 ; Amsellem et al., 2000 ; Tsutsui et al., 2000 ; Baumel et al.,

2001 ; Novak & Mack, 2001 ; Tsutsui et al., 2001). Ainsi, les introductions de Rubus

alceifolius à Madagascar puis à Mayotte, la Réunion, Maurice et en Australie furent chacune

accompagnées d’une forte diminution de la diversité génétique, confirmant l’existence de

forts effets de fondation dans les environnements d’introduction (Amsellem et al., 2000).

Toutefois, l’introduction d’un grand nombre d’individus, en un seul relâchement ou en

plusieurs, peut limiter les effets de fondation (Barrett & Husband, 1990).

Ainsi, l’effet de fondation, limitant fortement la variabilité génétique initiale dans le

nouvel environnement, joue également un rôle important dans la phase d’établissement

pendant laquelle les espèces introduites font face à de nouvelles pressions de sélection.