Chapitre 5 : Vers un capteur sensible et multivariable
5.1. Première étape : antenne triangulaire et hématite
Ces premiers travaux ont été conduits avec l’ancienne cellule, l’ancienne chaîne de mesure
et l’ancienne géométrie d’antenne, produites par Guillaume Barochi durant sa thèse de doctorat
[BAR13]. Ces travaux ont été valorisés par le biais de deux articles publiés dans des revues à comité
de lecture [BAI13, BAI16b], ainsi que par deux présentations sous la forme de poster dans des
congrès internationaux (EUROSENSORS 2015 à Freibourg et EMRS 2016 à Lille).
Le premier matériau sensible testé est l’oxyde de fer, α-Fe
2O
3(hématite), synthétisé par nos soins
sous forme de particules de morphologies et tailles variables : rhomboèdres, pseudocubes et
aiguilles. L’objectif est d’étudier l’effet morphologique du matériau sensible sur la sensibilité du
capteur. Dans un premier temps, les résultats expérimentaux seront uniquement détaillés pour les
particules rhomboédriques et traités selon les nouveaux protocoles de traitement décrits dans le
chapitre 3. Dans un second temps, une étude comparative sera proposée pour les différentes
morphologies.
Particules rhomboédriques : les particules ont été déposées à la surface de l’antenne
triangulaire selon le protocole décrit dans le chapitre 4. Les mesures ont été réalisées entre 2 et 8
GHz avec une puissance de 0 dBm. Le profil de concentration soumis au capteur est présenté dans
la Figure 5.1. Il consiste en des montées – descentes de 0 à 500 ppm avec des intervalles de 100
ppm.
Le spectre en réflexion (S
11) caractéristique de ce capteur en absence d’exposition est
présenté par la Figure 5.2.
Dans un premier temps, une analyse différentielle des données a été conduite telle que
définie dans le chapitre 3. Ce traitement est appliqué pour chaque concentration testée, afin de
déterminer la fréquence présentant la plus grande sensibilité à l’ammoniac. Dans un premier temps,
cette analyse différentielle a été réalisée sur l’amplitude en dB du S
11décrit par la Figure 5.2. Les
spectres différentiels ainsi calculés à 100, 200, 300, 400 et 500 ppm de NH
3dans le cas des particules
rhomboédriques sont présentés par la Figure 5.3.
Figure 5.2 Spectre fréquentiel S11 d’une antenne recouverte de rhomboèdres. Figure 5.1 Profil temporel de concentration soumis aux capteurs.
Les seules variations que l’on observe sur le spectre sont proches de 0,1 dB et localisées
entre 3,8 et 4,3 GHz. Toutefois, ces signaux sont aléatoires et ne sont pas corrélés aux
concentrations injectées. Il s’agit de variations induites par les perturbations provoquées par des
écarts de température, des vibrations, l’environnement électromagnétique, etc. (cf chapitre 3). Dans
cette configuration, il est donc impossible d’exploiter l’amplitude du S
11en dB. Les travaux de G.
Barochi avaient identifié les parties réelle et imaginaire du S
11comme variables exploitables. Nous
avons donc appliqué le traitement différentiel sur les parties réelles et imaginaires du S
11.Figure 5.3 Spectres différentiels calculés à 100, 200, 300, 400 et 500 ppm d’ammoniac pour l’antenne recouverte de rhomboèdres.
Figure 5.4 Spectres différentiels calculés sur la partie réelle du S11 à 100, 200, 300, 400 et 500 ppm d'ammoniac pour l’antenne recouverte de rhomboèdres.
Selon ce traitement, il existe sur l’intervalle de 4,5 à 5 GHz une relation relativement
cohérente entre la concentration injectée et la variation observée. La Figure 5.4 décrit les différentes
réponses du capteur sur cet intervalle. Cet intervalle correspond à la fréquence principale du capteur
identifiée dans la Figure 5.2.
Bien que cette représentation permette d’établir une relation relativement logique entre la
concentration injectée et la réponse du capteur, les variations observées sont très faibles, de l’ordre
de 2,5.10
-4pour 500 ppm. Cet ordre de grandeur est proche de celui du bruit, légèrement inférieur
à 10
-4. La fréquence d’intérêt où les variations sont les plus fortes est 4,86 GHz. C’est donc à cette
fréquence que le traitement temporel a été effectué (Figure 5.5).
Cette analyse confirme le constat établi à partir du traitement différentiel. Les variations
observées sont relativement faibles, de l’ordre de 10
-4. Toutefois, ces variations sont mesurables et
le capteur semble revenir à sa valeur initiale après interruption de l’injection d’ammoniac. Pour 100
ppm d’ammoniac, la variation sur la partie réelle du S
11à 4,86 GHz est de 0,74.10
-4en moyenne, et
atteint la valeur de 2,37.10
-4pour 500 ppm (Figure 5.6). La réponse du capteur évolue linéairement
avec la concentration injectée dans la cellule, avec une sensibilité évaluée à 4,6.10
-7par ppm.
Cependant, l’amplitude du bruit reste critique comparativement à la réponse mesurée. De plus, la
stabilité du signal n’est pas satisfaisante du fait de la dérive observée. La validité des résultats souffre
donc d’une incertitude relativement élevée.
Figure 5.5 Evolution temporelle de la partie réelle du S11 en fonction du temps (en bleu). Créneaux de concentrations soumis à l’antenne recouverte de rhomboèdres (en rouge).
Etude comparative entre les différentes morphologies : un protocole et un traitement
identique a été réalisé pour les autres morphologies (pseudocubes et aiguilles). La Figure 5.7
présente les variations de la partie imaginaire du S
11en fonction des variations de la partie réelle
pour chaque morphologie. Dans le cas des trois morphologies, la courbe obtenue est une droite.
Les aiguilles présentent la pente la plus faible alors que les pseudocubes ont la pente la plus forte.
Des nuances apparaissent sur l’écart entre les concentrations testées pour chaque morphologie. Les
aiguilles sont les particules qui proposent la plus faible discrimination entre chaque concentration,
dans le sens où l’écart entre deux concentrations successives est le plus faible. Les rhomboèdres
présentent globalement une meilleure discrimination, notamment entre 0 et 200 ppm. Enfin, les
pseudocubes présentent la plus faible discrimination entre 100 et 500 ppm et la plus forte avant
100 ppm. Par conséquent, les rhomboèdres seraient préférables pour une détection d’ammoniac
entre 100 et 500 ppm, alors que les pseudocubes apparaissent comme un bon candidat pour des
concentrations plus faibles. On peut s’interroger sur cette différence de comportement entre
chaque morphologie. Les aiguilles sont de taille plus importante que les pseudocubes et les
rhomboèdres, qui eux sont similaires en taille ; l’ordre des pentes paraît donc cohérent avec un effet
de taille. Les différences de comportement entre pseudocubes et rhomboèdres sont attribuables à
un effet morphologique. Ces conclusions sont à tempérer en raison de l’incertitude de mesure.
Figure 5.6 Variations de la partie réelle du S11 à 4,86 GHz en présence d'ammoniac pour l’antenne recouverte de rhomboèdres.