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Chapitre 4 : Élaboration des capteurs microondes

4.5. Nos matériaux sensibles

4.5.1. Hématite : synthèse et caractérisation des rhomboèdres, pseudocubes et aiguilles

et aiguilles

La première idée explorée afin de résoudre les problèmes de bruit et de dérive dont pouvait

être victime l’antenne triangulaire fut d’augmenter l’affinité du matériau sensible pour la molécule

détectée, l’ammoniac. Dans cette optique, un protocole de contrôle de forme a été établi afin de

produire différentes morphologies d’hématite, pour en évaluer la performance dans une application

de type capteur. En effet, la production de formes particulières pour un même oxyde est un moyen

efficace d’en moduler les affinités avec des molécules présentes en phase gazeuse [HAN09].

Différentes morphologies, comme les dendrites, rhomboèdres, pseudocubes, aiguilles,

ovoïdes, plaquettes, ont été synthétisées par voie microondes durant nos travaux (Figure 4.12)

[BAI14a].

Figure 4.12 Morphologies d'hématite produites par synthèse microondes.

Trois d’entre elles ont été retenues pour être testées dans le cadre des capteurs de gaz. D’une

part les aiguilles, dont la morphologie de type 1D est régulièrement présentée dans la littérature

comme étant particulièrement efficace pour les capteurs de gaz [HUA09]. D’une autre part les

rhomboèdres et les pseudocubes, qui sont de taille comparable et ne diffèrent que par leur

morphologie, rendant leur étude croisée particulièrement pertinente pour l’évaluation de l’impact

de la forme des particules sur la réponse d’un capteur.

En règle générale, la morphologie d’une particule est contrôlée par le choix des précurseurs

et des conditions de synthèse (concentration, température, durée), mais aussi par l’introduction de

surfactants et autres additifs. Ces derniers modifient la tension superficielle et les propriétés de

surface des germes, et donc leur mode de croissance. Les morphologies retenues dans le cadre de

cette étude sont les pseudocubes [HAM82], les aiguilles [OCA95] et les rhomboèdres [BEL00].

Les pseudocubes sont l’une des morphologies d’hématite les plus étudiées, en particulier

sous leur forme monocristalline [MAL14]. Le terme « pseudocubique » traduit un écart de quelques

degrés des angles du polyèdre par rapport à ceux du cube : 86 et 94° au lieu de 90° [PAR96]. La

Figure 4.13a compare la morphologie cubique idéale (Figure 4.13c) avec celle des pseudocubes

(Figure 4.13b). La morphologie cubique n’est pas autorisée par le système rhomboédrique de

l’hématiteR3̅c

,

contrairement aux pseudocubes qui s’apparentent à des rhomboèdres [GUR08].

De nombreux protocoles de synthèse ont été proposés dans la littérature, impliquant une large

variété de solvants, précurseurs et additifs, qui sont supposés garantir une faible dispersion en taille

des particules obtenues. Ce large panel de conditions expérimentales a conduit à une grande variété

de sous-morphologies, comme les pseudocubes monocristallins ou polycristallins, à bords arrondis

ou à bords droits. Toutefois, il a été montré qu’une simple solution de chlorure de fer (III)

thermohydrolisée par microondes était suffisante à l’obtention de pseudocubes arrondis,

monocristallins et parfaitement monodisperses. Les rhomboèdres, monodisperses et bien facettés,

sont plus classiques et sont habituellement obtenus par hydrolyse d’un précurseur de type nitrate

de fer (III). Leur obtention a également été décrite pour des chlorures de fer (III) dans le cas de

fortes dilutions ou d’ajout d’hydroxyde de sodium [BAI13].

Les aiguilles et plus généralement les ellipsoïdes ont également été amplement étudiées dans

la littérature [OCA95]. Bien qu’elles puissent être synthétisées par le biais de nombreux précurseurs

et additifs, la solution la plus simple et efficace est d’utiliser un chlorure de fer (III) en présence

Figure 4.13 Définition de la morphologie pseudocubique.

Figure 4.14 Rapport d'aspect des particules d'hématite obtenues en fonction de la proportion d'hydrogénophosphates ajoutée au précurseur.

d’ions hydrogénophosphate. Cette configuration permet effectivement de contrôler le rapport

d’aspect des aiguilles obtenues, en ajustant le ratio précurseur/additif et en modifiant la température

et le temps de synthèse [ALM09]. La Figure 4.14 décrit l’évolution du rapport d’aspect des

particules d’hématite en fonction de la quantité d’ions hydrogénophosphates ajoutés dans le milieu

réactionnel lors des synthèses microondes conduites durant cette étude. Le rapport d’aspect des

particules augmente avec la concentration en hydrogénophosphate, allant du pseudocube pour une

concentration nulle à de fines aiguilles pour des concentrations de 2 à 3%.

Les trois morphologies utilisées sous gaz ont été fabriquées avec le même précurseur, le

chlorure de fer (III), comme indiqué dans le Tableau 4.4. Pour la synthèse des pseudocubes, 1

mmol de chlorure de fer (III) hexahydraté a été dissoute dans 25 mL d’eau distillée, et scellée dans

l’autoclave avec une pression d’argon de 0,5 MPa. Durant la première étape de la réaction, une

puissance microondes de 2 kW a été appliquée jusqu’à ce qu’une pression d’1 MPa, correspondant

à une température de 180 °C, soit atteinte dans l’autoclave. Durant la seconde étape, la pression a

été maintenue constante en ajustant la puissance microondes appliquée sur le réacteur. La durée

totale de la réaction est de 600 secondes. La synthèse des aiguilles a été menée en suivant le même

protocole, avec un mélange de 12,5 mL d’une solution aqueuse de NaH

2

PO

4

à 1,0 mM et 12,5 mL

d’une solution aqueuse de FeCl

3

à 0,04 M. La synthèse des rhomboèdres a quant à elle été conduite

avec un mélange de 12,5 mL d’une solution aqueuse de NaOH à 0,11 M, avec 12,5 mL d’une

solution aqueuse de FeCl

3

à 0,04 M.

Tableau 4.4 Conditions expérimentales pour la préparation d'hématite à morphologie contrôlée.

Morphologie d’hématite Précurseur Additif

Pseudocubes FeCl

3

0,04 M

Rhomboèdres FeCl

3

0,04 M NaOH 0,11 M

Aiguilles FeCl

3

0,04 M NaH

2

PO

4

1,0 mM

Les particules obtenues ont dans un premier temps été observées par microscopie

électronique à balayage (Figures 4.15a à f).

Figure 4.15 Images MEB des particules d'hématite synthétisées : (a,b) pseudocubes, (c,d) rhomboèdres, (e,f) aiguilles. Images MET : (g) rhomboèdres, (h) pseudocubes.

La Figure 4.15a présente les pseudocubes synthétisés par hydrolyse du chlorure de fer.

L’échantillon ne contient que des particules pseudocubiques, avec une distribution en taille

resserrée autour de 100 nm. L’image à plus haute résolution (Figure 4.15b) démontre que chaque

pseudocube est en fait composé de petites sous-unités de 15 à 30 nm, traduisant un mécanisme de

formation de type attachement orienté.

Les Figures 4.15c et 4.15d présentent les images MEB des particules rhomboédriques, synthétisées

en présence d’hydroxyde de sodium. Les particules sont parfaitement facettées et leur distribution

en taille est resserrée autour de 70 nm. Cette taille est du même ordre de grandeur que celle des

pseudocubes, ce qui permet de mener une étude de l’effet morphologique sur les propriétés des

particules, en limitant les effets de taille. Il est à noter que les rhomboèdres sont entourés de petites

sphérules nanométriques, démontrant que leur formation suit un mécanisme similaire à celui des

pseudocubes. Le rôle de la soude NaOH pourrait donc s’expliquer par un mécanisme

d’attachement orienté, fortement influencé par les interactions particules – solvant et particules –

particules. L’addition de NaOH conduit à des modifications conséquentes du pH et de la force

ionique, tous deux impliqués dans ces interactions. L’observation des deux échantillons

pseudocubique et rhomboédrique par microscopie électronique en transmission (Figure 4.15g et

4.15h) démontre que les angles du pseudocube sont de 94 et 86° et ceux du rhomboèdre de 115 et

65°. Ces valeurs sont en accord avec la littérature. De plus, la transformée de Fourier réalisée sur

ces images démontre que les particules sont monocristallines.

Les Figures 4.15e et 4.15f montrent les images MEB des aiguilles, synthétisées en présence d’ions

hydrogénophosphate. Les particules obtenues sont des aiguilles bien définies, d’une longueur de

600 à 700 nm avec un rapport d’aspect de 10. Des particules anisotropes de quelques nanomètres

visibles sur la Figure 4.16f se sont agrégées pour former les aiguilles. Cette observation confirme le

mécanisme décrit dans la littérature où l’adsorption des ions phosphate sur les plans de surface

parallèles à l’axe c de l’hématite conduit à une croissance préférentielle de l’hématite selon cet axe.

La diffraction des rayons X a été utilisée pour identifier la phase cristalline des petites

sous-unités aux premiers instants de la réaction. La Figure 4.16 présente les diffractogrammes obtenus

pour les aiguilles à différents stades de la réaction. Cette analyse a démontré que les particules

obtenues en fin de réaction ont la phase cristalline de l’hématite pure, alors que les sous-unités

apparaissant en début de réaction sont de la ferrihydrite six-lignes. Ces différentes caractérisations

permettent d’établir le mécanisme de formation des trois morphologies d’hématite. Au début de la

réaction il se forme de petites sous-unités de ferrihydrite qui vont s’agglomérer et former les futures

particules d’hématite. Leur agglomération suivra une géométrie contrôlée par les ions présents dans

le milieu réactionnel : pseudocubes en absence d’additif, rhomboèdre en présence d’hydroxydes et

aiguilles en présence de phosphates.