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Congès :

- respect des tours de priorité.

- pas de décompte des repos de cycle dans les congés annuels.

- manque de relationnel entre les agents et la direction locale, actuellement basé sur la suspicion et le manque de confiance.

- pas de discrimination de traitement. - (…)

Divers :

- augmentation des salaires

- tickets restaurants et bus pour tous. - passage de tous les CDD en poste en CDI.

- les CDD doivent prêter serment au même titre que tous les CDI.

- une journée d’accueil des nouveaux agents pour l’information sur leurs droits et leurs devoirs de colipostiers. - (…)

Chaque jour les grévistes des trois agences se rassemblent en assemblée générale et décident des actions à mener : manifestations, entrevue avec le préfet et la présidence de région, délégation à la plate forme régionale de tri de Cavaillon. 80 000 colis sont bientôt en souffrance. Des tracts sont conçus en direction des usagers72, des interventions ont lieu dans les centres de distribution du courrier et à la DOTC. Au troisième jour de grève, une première négociation avec la direction régionale se conclut sur un échec. Plusieurs autres rencontres infructueuses suivront. Le 22 mai il est fait appel à une « brigade d’intervention » d’une trentaine d’agents originaires de la région parisienne pour effectuer une partie du travail des grévistes. Le 29 mai les personnels de la plate-forme de Cavaillon rejoignent la grève, et le conflit menace de s’étendre dans d’autres régions. Le 31 mai une ultime négociation débouche sur un accord et le travail reprend le lendemain.

Il est probable que les menaces de contagion du mouvement au sein de l’opérateur ColiPoste et vers le secteur du courrier dans le département 73 aient incité la direction à céder sur quelques-unes des principales revendications. Si elle refuse toute négociation sur les sanctions74, 5 emplois sont créés sur les trois agences. Ils sont destinés à la mise en place de quatre nouvelles tournées et à faciliter les remplacements. Son également actés : la garantie d’une « formation professionnelle sur le temps de travail » ; la « doublure sur les tournées de 4 jours (plus un jour sur les tournées « difficiles ») » ; l’extension du droit aux tickets restaurants et transports à tous les agents ; la « neutralisation » de 10 jours de grève ; la mise en place de groupes de travail sur les questions de « sécurisation » des colis.

4-3 LA « PRECARITE » DANS LES PARCOURS DE VIE

Si l’on excepte la prépondérance du sexe masculin, le profil social et les parcours d’accès à un statut de CDI des jeunes salariés de ColiPoste apparaissent bien en phase avec les caractéristiques des nouvelles générations de postiers [Tableau 8].

Ils sont issus des milieux populaires et n’ont pas fait d’études supérieures, même si certains – Sylvain D., Nicole - ont tenté de poursuivre leur scolarité au-delà du baccalauréat. La plupart ont connu une insertion laborieuse sur le marché du travail, faite d’emplois précaires dans le secteur privé aux faibles rémunérations, avant de débuter à La Poste sur des

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L’accent est alors mis sur la qualité de service : « la direction encourage la remise au voisin en cas d’absence du destinataire. Drôle de Poste ! ». « Destinataire absent, voisin absent, le colis peut être présenté une 2ème fois le lendemain. C’est intéressant pour le destinataire, mais moins intéressant pour le postier : les colis ne sont pas comptabilisés dans la charge de travail !!! ». « Les facteurs colis réclament une organisation du travail qui permette une distribution des colis avec le plus haut niveau de qualité (…) La Poste choisit de faire distribuer vos colis par la sous-traitance avec des agents qui ne sont pas assermentés et souvent peu, voire pas formés ».

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Les facteurs-lettres se solidarisent en refusant de distribuer les « avis » aux destinataires des colis. Par ailleurs la DRH de l’activité courrier, interpellée par les syndicats, a joué un rôle de médiation. Elle évoque des « dégâts collatéraux », et reconnaît qu’ « on a beau séparer les activités, ça nous revient en boomerang ».

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De ce point de vue des nuances importantes séparent l’attitude de la CGT de celle de SUD. La première, forte de l’expérience de l’inflexibilité de la direction sur les sanctions disciplinaires, met très tôt l’accent sur la négociation des autres revendications, tandis que SUD continuera à dénoncer fortement les sanctions, avec force recours juridiques à l’appui.

statuts instables. Si tous n’ont pas connu le secteur privé, tous ont accédé au CDI chez ColiPoste au terme d’une transition par des CDD. Pour plusieurs d’entre eux qui travaillaient au courrier auparavant, devenir colipostier était le moyen d’obtenir un CDI à La Poste.

Cela ne signifie pas que ce parcours d’insertion ait toujours été vécu comme précaire (Nicole, Christian). Mais dans tous les cas cette expérience antérieure d’emplois précaires est la référence à partir de laquelle ils évaluent leur situation actuelle : elle est donc relativement valorisée, soit, le plus souvent comme un moindre mal en attendant mieux ; soit comme un tremplin dans une trajectoire promotionnelle. Et dans tous les cas il faut rapporter cette évaluation qu’ils font de leur situation actuelle à leur trajectoire sociale plus large, intergénérationnelle.

Tableau 8 : Les salariés de ColiPoste interviewés

Prénom S Age Dipl Profession parents Situation familiale Emplois antérieurs Agence Adhés. syndic Sylvain H 26 BEP Niv bac P : Maçon

M : Empl. Comm Seul

Quatre ans, CDD courrier LP chômage A SUD Serge H 24 Niv bac P : Cadre

M : Empl. Poste Seul

Armée, CDD-courrier LP, apprentissage

A CGT

Simon H 29 Bac P : Cadre F. publ. M : Infirmière Couple Colipostière 1 enfant CDD tri, CDI T.Part., CDII courrier L.P. B SUD

Laure F 28 BEP P : Empl. adm. M : Empl. Adm. Couple Colipostier 3 enfants Femme de ménage intérim Factrice courrier CDI B Sans Karim H 33 Nivea u bac P : Maçon M : Sans prof. Couple comédienne Petits boulots PNA¸CDD puis CDI courrier LP B Sans

Christian H 29 CAP P : a.m ind. Auto M : Empl. Poste Couple Empl.Comm VRP, empl. Comm. CDD courrier LP C CGT

Nicole F 28 Bac P : Chauffeur M : Aux.puericult. Seule cohabitation Femme de ménage, caissière, serveuse, CDD courrier LP C CGT

Simon et Serge apparaissent dans une situation de déclassement relatif par rapport à leur père respectif, dans les deux cas des cadres. Cela éclaire à la fois leur expérience passée d’insertion professionnelle et leurs ambitions promotionnelles actuelles. Leurs ressources familiales les aident probablement à surmonter leurs faibles atouts scolaires. En tout état de cause ils ne se sont pas vraiment sentis précaires pendant la séquence qui sépare la fin de leurs études de la stabilisation sur CDI. Sylvain, qui débute en CDD en centre de tri, accepte d’emblée les règles du jeu qui veulent qu’ « on peut pas tout avoir du jour au lendemain, un CDI. Donc on est un peu patient, on fait en sorte de bien faire son boulot, pour être bien jugé (…) je voulais travailler et j’ai toujours mis toute mon énergie, ma motivation dans le travail. Après le chef d’équipe, ça il le voyait ». N’abordant jamais le thème de la précarité dans l’entretien, c’est à l’occasion d’une relance de l’enquêteur qu’il affirme « Oui, on est précaire. On est toujours au-dessus de la surface de l’eau ». Il met donc l’accent sur la faiblesse des revenus du jeune couple qu’il forme avec sa compagne, colipostière également, en congé parental quant à elle. Quant à Serge, qui a démissionné de la gendarmerie lorsqu’il a réalisé l’ampleur des astreintes de cette profession, avant d’entrer à La Poste grâce à sa mère, « si on veut travailler, on peut le faire ». Il dit ailleurs « je sais que j’allais jamais être précaire ». Mais, ni l’un ni l’autre ne se satisfont de leur sort, sans doute d’autant plus que tous deux sont actuellement en position de déclassement social relativement à leur père. Le premier envisage de devenir chef d’équipe chez ColiPoste, le second de créer sa propre affaire.

A l’autre pôle se trouve Karim, issu de l’immigration maghrébine, et pour qui « vu d’où je viens, c’est bien ». Avec son bac, la maîtrise de quatre langues étrangères, son capital sportif – il a failli devenir joueur de football professionnel – et son frère restaurateur, il a incontestablement plus d’atouts sociaux que la moyenne des beurs qui « galèrent ». Toujours est-il qu’il ne fait état d’aucune difficulté pour trouver du travail pendant les quelques années qui s’écoulent entre la sortie du lycée et la stabilisation du CDI. Sa situation professionnelle lui paraît moins pénible que celles connues par le passé. Il déclare ne pas se« considérer comme précaire » d’autant plus que le statut de facteur (avec son uniforme) lui paraît être un bon vecteur de son intégration. A travers sa compagne comédienne il bénéficie probablement ainsi d’une ouverture considérable de ses horizons sociaux . Le fait qu’il ne projette pas de devenir père explique peut-être également qu’il se satisfait mieux que d’autres de sa situation d’emploi et ne formule pas, pour l’instant, d’autres projets professionnels.

Entre ces deux types de trajectoires sociales, se situent celles des enfants des classes populaires stabilisées. La précarité de l’insertion professionnelle est vécue de façon plus problématique dans leur cas. Si leur situation actuelle leur apparaît favorable comparativement à celles qu’ils ont connues, ils ne s’en satisfont guère. Ils envisagent donc soit une promotion interne chez l’opérateur (Sylvain ), soit un départ vers d’autres horizons professionnels (Laure, Christian). Quant à Nicole, c’est sous le choc d’un « licenciement pour faute grave» qu’elle réalise que ses idéaux professionnels

se trouvent dans un tout autre domaine. Mais Christian n’hésite pas non plus à affirmer « moi en tant que CDI » je ressens la précarité d’emploi ».

Alors que leurs trajectoires sont toutes marquées par plusieurs années d’emplois instables et peu qualifiés, souvent entrecoupés de périodes de chômage, le sentiment subjectif de précarité n’est pas systématiquement lié à une situation objective d’instabilité de l’emploi et des ressources. Les entretiens sont à ce propos éclairant [cf ; portraits 8 à 13 ci-dessous)].

PORTRAIT 8 - NICOLE :

« JE ME SUIS DECOUVERT UNE CONSCIENCE SYNDICALE, POLITIQUE »

Nicole, 28 ans, a été « licenciée pour faute grave » trois ans après avoir été recrutée dans cette agence de ColiPoste, pour ce qu’elle défini une « bêtise », avoir utilisé l’affranchissement de La Poste pour trois plis personnels urgents. Elle saisira les Prud’hommes avec l’appui de la CGT. C’est au moment où ce syndicat a soutenu les salariés de l’agence dans leur lutte sur les conditions du déménagement de leur lieu de travail que Nicole a pris la décision avec trois autres collègues de ce syndiquer. Son témoignage fait état d’une dégradation progressive de ses rapports avec une partie de la hiérarchie, dans un contexte, décrit par d’autres, d’alourdissement de la charge de travail. Sur sa tournée, le nombre de « colis suivis » à livrer passe de 70 à 100, qui s’ajoutent aux 30 colis ordinaires. Cette dégradation prend, selon elle, la forme de quasi-harcèlement de la part d’un de ses deux chefs d’équipe et de deux sanctions au cours de l’année précédente : « avertissement » pour cause de «retards répétés » ; « blâme » pour usage d’un véhicule de service un jour où le sien est en panne. Et, depuis qu’elle a quitté ses parents, elle a progressivement réalisé la faiblesse de ses ressources. Depuis trois ans qu’elle travaille en CDI elle a déménagé à cinq reprises, pour se retrouver en colocation dans une grande maison avec cinq ou six amis musiciens, liés par une « caution solidaire ».

Consciente de ne pas être irréprochable professionnellement, Nicole relativise ses « fautes » en insistant sur l’accroissement du travail prescrit – qui l’amène à dépasser régulièrement la durée officielle des tournées – et sur les bonnes résolutions qu’elle venait de prendre. Elle se déclare surprise, et comme abasourdie par la sévérité de la sanction. Elle trouve de nombreux réconforts dans la grève, puisqu’elle n’est pas la seule à être victime de « sanctions pour l’exemple » : « Ça nous a beaucoup rapprochés, soudés, maintenant il y a des gens qui demandent de mes nouvelles avec qui je ne parlais pas forcément… Une conscience collective qui n’existait pas avant… On a découvert des gens qui étaient très dans leur coin, et qui se révèlent. On se sentait seuls avant… Là on a pris conscience qu’unis on est plus fort… Seuls on aurait jamais obtenu tout ça… Et une considération des gens… Ils vont être obligés de faire avec, de composer avec leurs agents… ».

Nécessité faite vertu ? Nicole n’envisage pas son recours aux Prud’hommes pour être réintégrée, mais « pour les autres » et pour « sortir la tête haute ». Elle dit vouloir profiter de cette épreuve pour « se tourner vers l’avenir » en opérant une reconversion vers une activité plus en phase avec ses intérêts.

PORTRAIT 9- SERGE, CEGETISTE ET… LIBERAL ?

Serge, 24 ans, s’est syndiqué à la CGT quand le conflit s’est annoncé. Ses origines sociales et ses idées « de droite » le prédisposaient encore moins que d’autres à cette démarche. Son père est en grande réussite sociale : avec un BTS il est devenu cadre supérieur et a monté en même temps sa propre affaire. Le divorce de ses parents est à l’origine des difficultés scolaires qu’il a connues et son abandon des études en terminale. Déjà pompier volontaire, il est attiré par l’armée et s’engage un an dans la gendarmerie. Il en démissionne rapidement, y découvrant de faibles perspectives de carrière et de fortes contraintes de mobilité. Sa mère, guichetière, l’aide à se faire recruter en CDD dans le même bureau de poste. Facteur rouleur pendant 9 mois, il distribue tantôt les colis, tantôt les lettres. Il réussit le concours d’entrée en apprentissage, termine major de promotion et peut choisir son affectation. Il est d’abord facteur lettres rouleur, puis « achète » une tournées colis. Craignant de rester de longues années sans pouvoir « acheter » une tournée lettres dans ce centre, il accepte de rejoindre la toute nouvelle agence voisine de ColiPoste. Comme Christian, c’est la montée de la charge de travail et la « politique de suspicion… être emm… pour rien, comme rentrer de tournée et être mis au tri au lieu d’embaucher » qui deviennent insupportables. Jeune syndiqué, Serge n’hésite pas pour autant à afficher des opinions libérales : certains fonctionnaires, y compris parmi les postiers « foutent rien » : « moi je serais patron ça se passerait pas comme ça ». Il dit lui-même finir ses tournées plus tôt que l’heure prescrite, mais le justifie par la faiblesse des salaires. « Le syndicat, c’est au niveau local, départemental à la rigueur ». S’il parvient à réaliser son projet, monter son entreprise - une station service par exemple – on peut se demander si son engagement syndical sera de longue durée.

pas possible, donc c’était de la précarité, mais c’était pas de la précarité vécue en tant que telle. C’était plus de l’impatience de pouvoir vraiment me poser, me stabiliser…. ». (Nicole) Par contre la décohabitation et la prise d’autonomie matérielle rend beaucoup plus vitale la continuité de l’emploi et des ressources, ainsi que le niveau de ces dernières. C’est ainsi que Nicole réalise combien il est difficile de se loger avec un salaire ne dépassant guère le niveau du SMIC. Le second tient au niveau des attentes à partir duquel la situation professionnelle est évaluée. Toujours selon Nicole, si les salariés de ColiPoste se sont satisfaits de leur sort pendant un certain temps c’est que « les gens viennent du privé, donc « y’a pas de raison vraiment de se plaindre, les conditions de travail sont pas pire, c’est pas si dramatique que ça ».