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Situation, statut foncier et légal

Dans les bois de Jussy, les Prés de Villette occupent une dépression du terrain qui repose sur une couche d'argile imperméable d'origine glaciaire. Au début du 18ème siècle, des canaux de drainage et des fossés ont été creusés dans les bois afin de faciliter le développement de la forêt. Depuis les années 1920, à cause du manque d’entretien, les canaux se sont bouchés, ce qui a probablement favorisé une élévation du niveau de l'eau. Dans les années 1960, les forestiers ont construit le chemin central du marais, ce qui a favorisé une nouvelle montée du niveau de l'eau dans le marais.

L’évolution du marais sur une période de 80 ans est présentée à la figure 38. Les Prés de Villette possèdent plusieurs étangs dont l’étang Vaucher, l’étang avec Ile et l’étang situé devant la digue (exutoire) (fig. 37 et 39 a, b, c). D’après les photographies aériennes (fig. 38), l’étang Vaucher a été créé entre 1963 et 1972 puis recreusé durant l’hiver de l’année 1999. L’étang avec Ile et l’étang situé au nord-nord-est de celui-ci ont été créés à la fin de l’année 1999 (S. Miazza, comm. pers.). Plus tard, en automne 2011, d’importants travaux ont eu lieu ; outre la réouverture des milieux avec la création de l’étang devant exutoire, le rehaussement de la digue ainsi que la pose de batardeaux permettent dorénavant de gérer le niveau de l’eau.

Figure 37. Stations à Nitella opaca et Nitella gracilis aux Prés de Villette (source : http://ge.ch/carte).

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Figure 38. Evolution du secteur des Prés de Villette de 1932 à 2012 (source: http://ge.ch/sitg/ cartes).

1932 1963

1983 1996

2001 2005

2009 2012

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Figure 39. Les Prés de Villette : A) Etang devant exutoire après décapage, B) Etang Vaucher pratiquement à sec en automne 2011.

A

B

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Figure 39 (suite) : Les Prés de Villette : C) Etang avec Ile dominé par les héléocharis (Eleocharis) et les massettes (Typha), ici en automne 2011.

La réserve naturelle des Prés de Villette d’une superficie de 22.4 ha a été créée en 1974. Elle comprend des sites prioritaires au niveau cantonal (Lambelet et al. 2011). Le marais est inscrit dans l'inventaire des bas-marais d'importance national (OBM), des bas-marais d’importance régionale et des sites de reproduction de batraciens d’importance nationale (Obat GE25). Les parcelles du marais des Prés-de-Villette appartiennent en grande majorité à Pro Natura.

C

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Caractéristiques environnementales Hydrologie

L’eau s’écoule du marais des Prés de Villette en direction de la parcelle Vaucher pour rejoindre le ruisseau du Chambet et le secteur des Prés Bordon. Depuis l’installation des batardeaux devant la digue en automne 2011, des niveaux d’eau du marais sont maintenus hauts et seul le surplus s’écoule vers la parcelle Vaucher. Les données issues des capteurs nous ont permis de reconstruire les variations du niveau des étangs Vaucher et avec Ile durant près de 6 ans (fig. 40). L’étang Vaucher s’assèche tous les étés pour une durée variable, dépendante des conditions météorologiques.

Jusqu’en 2012, le niveau de l’eau de l’étang avec Ile changeait lui aussi en fonction des conditions météorologiques. Depuis la pose de batardeaux en automne 2011, les niveaux de l’eau de cet étang ont grimpé et il n’y a pas eu d’assèchement jusqu’en 2015. L’étang devant exutoire a des variations similaires à celle de l’étang avec ile auquel il est plus ou moins lié. En 2015, à la suite d’un mois de juillet particulièrement chaud, les 3 étangs : Vaucher (511061- 123144), avec Ile (511291-123141) et devant l’exutoire (environ 511200-123149) se sont totalement asséchés (fig. 41).

Figure 40. Variation du niveau moyen journalier des étangs Vaucher (bleu), avec Ile (rouge) et devant exutoire (vert).

Niveau d’eau (m)

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Figure 41. Prés-de-Villette « Devant exutoire » à sec en août 2015.

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Physico-chimie

Des mesures ponctuelles ont été réalisées à chacune de nos visites dans les stations à characées : température, conductivité, teneur en oxygène et turbidité. Plus de 60 relevés ont ainsi été effectués entre 2007 et 2015. Rajoutés à postériori dans le monitoring, les sites des Prés-de-Villette n’ont pas bénéficié des mesures physico-chimiques du SECOE en 2014. En revanche, quelques analyses ont été faites par A. Boissezon en 2010 et 2011 sur l’étang avec Ile et Vaucher, celui devant exutoire n’existant pas encore.

Globalement, les paramètres de la physico-chimie des étangs Vaucher, Ile et Exutoire montrent des valeurs très proches (tab. 10). L’eau qui les alimente est peu minéralisée (cond25 < 152 µS/cm) ; il s’agit principalement d’eau de pluie et celle issue du lessivage des sols du bassin versant. Ces eaux sont peu chargées en minéraux et en particulier en calcium, un facteur qui s’avère important pour les characées. En effet, les faibles teneurs en calcium expliquent que les Prés de Villette hébergent des espèces du genre Nitella et en particulier N. gracilis qui apprécie des eaux très pauvres en calcium (en moyenne 14.5 mg/l dans l’étang avec Ile).

La turbidité varie au cours de l’année, elle apparaît influencée principalement par les précipitations, par le passage de la grande faune et parfois par les travaux (en 2011) qui remettent le sédiment en suspension. L’eau des étangs « Ile » et « Vaucher » est moyennement turbide, elle est nettement plus turbide dans l’étang situé devant l’exutoire (annexe 11). Les étangs sont ordinairement moyennement bien oxygénés (O2 < 80 %) et en période de croissance de la végétation les eaux peuvent être sur-saturées (O2 > 250 %).

Les analyses effectuées en 2010 et 2011 montrent des teneurs faibles en azote minéral et moyennes en phosphore. Les teneurs sont un peu plus élevées à Vaucher qu’à Ile et peuvent être qualifiés de mésotrophes d’après les concentrations en phosphore (10 à 30 µg P/l). Ces éléments proviennent de la quantité importante de matière organique d’origine végétale qui constitue le marais.

Les figures représentant la variation au cours du temps de quelques paramètres physico-chimiques sont présentées en annexe 12 et 13.

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Tableau 10. Résumé des mesures ponctuelles effectuées aux Prés de Villette entre 2007 et 2015 (toutes données confondues). Légende : Min. : minimum ; Moy. : moyenne ; Max. : maximum. cond25 : conductivité référence 25°C (µS/cm) ; temp : température ; O2 : teneurs en oxygène (mg/l) ; O2 % : taux de saturation en oxygène ; turbidité mesurée en NTU ; N-NH4+ : azote ammoniacal (mg N/l); N-NO3- : nitrates (mg N/l), P-tot : phosphore total (µg P/l) ; Cl- : chlorures (mg/l) ; SO42- sulfates (mg/l) ; Ca2+: calcium (mg/l) ; Mg2+ : magnésium (mg/l). La station « exutoire » comprend deux points de mesures le long de la digue (coordonnées 511196/123152 et 511226/123136).

cond25 temp O2 O2 % turbidité N-NH4+ N-NO3- P-Ptot Cl- SO42- Ca2+ Mg2+

Température et degrés jour de croissance (GDD)

Globalement, la période estivale a été la plus chaude en 2009 et la plus froide en 2014. Dans les trois étangs, les températures estivales sont restées inférieures à 28°C durant les six années de mesures continues (fig. 42). Notons toutefois que les capteurs sont proches du fond des étangs et que les températures à proximité de la surface peuvent parfois dépasser ces valeurs. Les mesures ponctuelles faites à l’aide de sondes portatives montrent d’ailleurs que les températures ont parfois dépassé 30 °C (tab. 10). Par ailleurs, les écarts de température entre la surface et le fond peuvent être importants. Nous avons par exemple mesuré une différence de 7 °C entre les pieds et la tête des plantes mesurant 30 cm de hauteur (exutoire 01.07.2014, données non présentées).

A priori, les températures journalières mesurées en 2014 dans les trois étangs paraissent très similaires (fig. 42). Pourtant, dans l’étang avec île, les températures sont en moyenne 0.73°C plus chaudes qu’à Vaucher (tab. 11). Cela se traduit par une accumulation de degrés jours légèrement plus élevée dans l’étang avec île (fig. 43).

La quantité d’énergie thermique emmagasinée dans l’eau est beaucoup plus importante dans le second semestre de l’année. L’étang avec Ile est celui des trois qui accumule la plus grande quantité d’énergie au cours de l’année (près de 3000 GDD) suivi de l’étang Vaucher et de l’étang avec exutoire. En fait, l’accumulation d’énergie est à mettre en relation avec le volume d’eau ; plus la masse d’eau est importante plus les GDD s’accumulent au cours de l’année.

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Figure 42. Mesure continue de la température des étangs Vaucher, Ile (2009-2014) et Exutoire (2013-2014)

Tableau 11. Statistiques des températures et des degré-jour de croissance (GDD) dans 3 étangs des Prés de Villette (2013 et 2014).

2014 Pvau.GDD Pvair.GDD Pvile.GDD Pvexu.GDD Pvau.t Pvile.t Pvexu.t Pvair.t

Min. 0 0 2 1 2.64 4.69 3.91 -0.86

Moy. 1137 1093 1287 1094 12.99 13.72 12.61 11.55

Max. 2844 2592 3042 2702 23.65 23.60 21.24 22.13

2013 Pvau.GDD Pvair.GDD Pvile.GDD Pvexu.GDD Pvau.t Pvile.t Pvexu.t Pvair.t

Min. 0 2 1 - 2.33 4.17 - -3.72

Moy 1271 1131 1356 - 11.56 12.01 - 9.25

Max. 2803 2450 2929 - 26.54 24.03 - 23.38

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Figure 43. Accumulation de chaleur exprimée en degré-jour de croissance à Vaucher, Ile et exutoire (comptée à partir du 1er janvier 2014 et d’une température minimale de 4°C)

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Végétation aquatique

Une liste floristique des espèces aquatiques rencontrées lors de nos campagnes de terrain entre 2009 et 2015 est présentée dans le tab. 12. La liste floristique actuelle ne prétend pas être exhaustive, l’objectif de l’étude n’étant pas un inventaire. Sans surprise, les étangs des Prés de Villette affichent une grande richesse floristique. Outre 4 espèces de Characées, on y trouve au moins une trentaine de plantes vasculaires aquatiques (indice humidité 5 de Landolt (1977)) dont la majorité est menacée au niveau suisse, régional et/ou local, ainsi que 35 espèces palustres (indice humidité 4, voir annexe 14).

Le décapage de la zone dite « exutoire » en 2011 a permis le développement d’espèces aquatiques qui n’avaient pas été observées dans les étangs des Prés de Villette auparavant, comme Alopecurus aequalis, Callitriche stagnalis, Hydrocharis morsus-ranae et Myriophyllum verticillatum notamment.

Dans l’étang Vaucher, on notera en particulier le recrutement de Ranunculus circinatus. Dans l’étang avec Ile, outre les characées Nitella opaca, Chara globularis et Chara virgata déjà inventoriées, la présence de Nitella gracilis a été relevée pour la première fois en 2007. Cette espèce s’est ensuite répandu après les travaux de l’automne 2011 en colonisant les eaux situées le long de la digue entre l’étang Ile et le premier exutoire.

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Tableau 12. Liste des plantes aquatiques des étangs des Prés de Villette de 2009 à 2015.

Les noms d’espèce et d’auteur suivent la nomenclature d’Aeschimann & Heitz (Index synonymique de la Flore de Suisse, 2005). Sont considérées comme aquatiques les plantes sur sol immergé, avec un indice d’humidité 5 de Landolt (1977).

Légende : Les statuts de menace en Suisse (CH), sur le Plateau (MP1), à Genève (GE) sont issus de la Liste rouge des plantes vasculaires menacées de Suisse (Moser et al. 2002), de l’inventaire des plantes vasculaires du canton de Genève avec Liste Rouge (Lambelet-Heuter et al. 2006) ainsi que de la Liste Rouge des Characées de Suisse (Auderset Joye et Schwarzer, 2012). Catégorie de menace selon IUCN : RE : éteint régionalement, CR : en danger critique d’extinction, EN : en danger, VU : vulnérable, NT: potentiellement menacé, LC : préoccupation mineure, NE : non évalué, DD : données insuffisantes.

statut CH statut MP1 statut GE Vaucher ILE Exutoire

Plantes aquatiques

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Statut des characées

Sur les 4 espèces présentes dans les étangs des Prés de Villette, 3 sont menacées au niveau national (VU et EN). Par ailleurs, l’aire de répartition en Suisse de ces espèces étant faible par rapport à leur aire de distribution européenne ou mondiale, la Suisse a une responsabilité limitée au niveau international (responsabilité 1). La priorité nationale, qui combine degré de menace et responsabilité, est moyenne pour Nitella opaca et élevée pour Nitella gracilis (cf. tab. 13 ci-dessous).

Tableau 13. Statut des 4 espèces recensées aux Prés de Villette.

Légende : Statut de menace : RE/EX: éteint localement ; CR: au bord de l’extinction, EN: en Danger ; VU: vulnérable ; NT:

proche de la menace ; LC : préoccupation mineure. Degré de Priorité : 1 : très élevée ; 2 : élevée ; 3 : moyenne ; 4 : faible.

Ecologie et cycles de vie des characées

Le suivi de l’état des plantes récoltées dans les différents étangs des Prés de Villette nous ont permis de décrire le cycle de vie de Nitella opaca et Nitella gracilis (fig. 46) et de le relier aux degrés jours calculés à partir des mesures continues de température (fig. 47 et 48). En d’autres termes, la mesure simultanée de la biologie et de la température nous renseigne sur la quantité de degrés jours accumulés lorsque la plante passe d’une phase de développement (phénophase) à une autre, notamment le passage de la phase stérile à l’apparition des organes reproducteurs, celle de premières oospores mûres, la pleine maturité et la sénescence (cf. fig. 45 ci-dessous).

Figure 44. A) Verticilles de Nitella gracilis portant anthéridies et oogones ; B) derniers verticilles de Nitella opaca portant des anthéridies ; C) différence de taille et de couleur entre une oospore de N. gracilis (250-300µm) et N. opaca (350-450 µm).

A B C

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Figure 45. Nitella gracilis (A) observée aux Prés de Villette pour la première fois en 2007 et B) Nitella opaca.

Nitella opaca

(Bruzelius) C. Agardh

Nitella opaca est une espèce européenne qui se rencontre dans les milieux de taille variée et à toutes les profondeurs. Elle a été relevée dans des eaux légèrement acides (pH=6.3) à faiblement alcalines (pH=7.5), transparentes et généralement pauvres en nutriments (oligo- à mésotrophes). Elle pousse sur des substrats vaseux, sablonneux-vaseux ou des graviers. Cette espèce requiert des eaux froides et peut être rencontrée jusqu’à des altitudes élevées (Bettmersee, lacs de Haute Engadine) et en profondeur jusqu’à 15 m. Dans la région genevoise elle se maintient depuis plus de 20 ans à la source du ruisseau des Eaux-Chaudes et à celle de l'Allemogne, deux stations où les températures restent fraîches toute l'année (entre 8 et 12°C) et où l’ombrage est très important. Dans ces deux stations ombragées et thermiquement tamponnées, elle produit rarement des fructifications, ou alors celles-ci n'arrivent pas à maturité. Outre ces deux stations, elle a été observée dans le secteur des Prés de Villette et Prés Bordon.

Les populations de Nitella opaca des Prés de Villette ont été suivies depuis le début du siècle, sporadiquement puis plus régulièrement depuis 2009. Le suivi nous a permis de constater que l’étang Vaucher subit un assèchement de durée variable pratiquement chaque été et/ou automne.

Consécutivement à chaque assèchement et au retour de l’eau, Nitella opaca a été observée au printemps suivant dans l’étang Vaucher et dans l’étang avec ile. En revanche, depuis 2011, les niveaux de l’étang avec île sont stabilisés et Nitella opaca n’a plus été observée ou uniquement sous forme de quelques rares individus. Après les travaux de l’automne 2011, elle a colonisé le secteur décapé le long de la digue (2013) pour s’étendre l’année suivante dans le secteur adjacent (2014).

A B

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Dans les stations des Prés-de-Villette et alentours, peu ombragées et où les températures varient entre 4°C et 30°C, elle fructifie abondamment. Nous avons parfois observé quelques germinations d’oospores en automne (octobre 2007, début septembre 2014) mais principalement au tout début du printemps entre mi-mars et fin mars selon les années (fig. 47). Les pieds mâles portant des anthéridies apparaissent les premiers (100 GDD), suivis quelques semaines plus tard par les pieds femelles portant des oogones (140 GDD). Les premiers oospores mûres apparaissent à partir de la fin du mois d’avril (500 GDD) et la production d’oospores mûres se poursuit jusqu’au début de l’été (1400 DGG), selon les conditions météorologiques. En juillet, les plantes commencent à décliner puis se décomposent (1500 GDD). En général il ne reste à la fin du mois juillet que la banque de graines dans le sédiment.

Nitella opaca adopte donc ici une stratégie annuelle printanière.

Figure 46. Cycle de vie de Nitella opaca dans les étangs Vaucher, Ile et exutoire entre 0.3 et 1 m de profondeur.

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