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Plans d’eau permanents alimentés par une nappe phréatique

Au cours du XXème siècle, les travaux de “correction” ont entrainé la canalisation et l’artificialisation de la plupart des grands cours d’eau ainsi qu’une profonde modification de leur régime hydrologique. La dynamique naturelle fluviale permettant la création de nouveaux plans d’eau étant donc entravée, la présence d’étangs permanents en zone alluviale est désormais dépendante d’interventions humaines telles que l’extraction de gravier. Le fonctionnement de ces étangs est lié et à leur bathymétrie et à la présence d’une nappe fluctuante à faible profondeur.

Ces écosystèmes aquatiques sont particuliers pour plusieurs raisons :

Juxtaposition de secteurs profonds toujours en eau et des bordures soumises à des fluctuations de niveaux

Renouvellement de l’eau grâce à sa circulation dans la zone alluviale

Eaux calcaires, oligo-mésotrophes très transparentes.

Ces caractéristiques abiotiques permettent à une riche végétation en characées de coloniser le milieu (Charion vulgaris et Charion globularis). Le Charion est inscrit à l’annexe 1 de l’ordonnance sur la protection de la nature et du paysage OPN en tant que milieu naturel digne de protection (art. 14, al. 3)

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20.07.2016

Association de Characées indicatrices d’apport d’eau souterraine. Espèces prioritaires des eaux oligo-mésotrophes calcaires: Chara aspera, C. hispida, C. intermedia, C. polyacantha, C. tomentosa, C. strigosa, C. vulgaris, Tolypella glomerata et Nitella tenuissima.

L’étang Hainard situé au Moulin de Vert (Cartigny), dans un ancien méandre du Rhône

© D. Auderset Joye

© D. Auderset Joye

superficielles. Dans le canton de Genève, on trouve des nappes à perméabilité d’interstices qui reposent sur des structures imperméables. L’eau circule à travers des couches sédimentaires et détritiques poreuses (graviers et sables). La variabilité des niveaux d’eau de ces étangs suit celle de la nappe qui les alimentent. Dans le cas de la plaine alluviale du Rhône, le marnage des étangs peut ainsi dépasser le mètre.

Le substrat des étangs permanents en zone alluviale est constitué de sables et graviers issus des derniers retraits des glaciers (moraines consolidées) ou des matériaux charriés par les cours d’eau. La circulation de l’eau à travers ce type de substrat permet son autoépuration et sa charge en minéraux. Les plans d’eau alimentés par ces eaux souterraines ont ainsi des eaux alcalines, riches en calcium, pauvres en nutriment et très transparentes. La faible productivité et leur brassage régulier assure également une bonne oxygénation.

Les étangs permanents en zone alluviale sont souvent d’anciennes gravières abandonnées présentant typiquement des eaux transparentes où prédominent les characées. Ce sont des plans d’eau de superficie importante (> 1000 m2) et profonds (> 3 m). Leurs rives sont souvent abruptes avec une végétation d’hélophytes (roselières) absente ou restreinte.

Les plans d’eau permanents en zone alluviale évoluent lentement si la connexion à la nappe est maintenue et si les eaux restent relativement pauvres en nutriments (azote et phosphore). Les baisses du niveau de l’eau, en asséchant les bordures, éliminent les propagules d’un certain nombre de plantes et favorisent les espèces pionnières comme les characées lors du retour de l’eau. Si les eaux s’enrichissent, les espèces pionnières disparaissent au profit d’autres espèces, la production végétale augmente et la décomposition de cette végétation génère un substrat qui favorise le colmatage du gravier et des sables, diminuant ainsi la connexion du plan d’eau avec les eaux souterraines.

P la ns d’ e a u pe rm a ne nt s a li m e nt é s pa r une na ppe phr é a ti que

Ancienne gravière en bordure du Rhône dans la réserve naturelle de l’Etournel (Pougny, 01-F)

© D. Auderset Joye

EL EM EN T S GEN ER A U X

Conservation d’une flore aquatique pionnière, en particulier les associations de characées, en préservant la bonne qualité de l’eau.

Une profondeur élevée (1-4 m) favorise la colonisation des characées d’eau permanente Chara hispida, C. globularis, C. contraria, C. aspera, C. strigosa.

Les assecs automnaux des bordures peu profondes (0.5-1 m selon le marnage) constituent un stimulus positif pour la germination des oospores au printemps suivant. Ces mises à l’air libre du sédiment sont favorables aux petites pionnières des milieux temporaires comme Tolypella glomerata et à Chara vulgaris.

Toute intervention compromettant la connexion à la nappe serait dramatique pour la flore charophytique. L’apport de matériaux fins tels que de l’argile qui viendrait colmater le substrat est donc à proscrire.

Le maintien de la bonne qualité de l’eau passe des étangs permanents en zone alluviale passe par une politique agricole à l’échelle du bassin versant :

limitation de l’usage d’engrais et de produits phytosanitaires,

lutte contre l’érosion des sols agricoles en favorisant des pratiques protégeant les surfaces contre les précipitations et les ruissellements.

Auderset Joye, D. & Rey-Boissezon, A. 2013. Les Characées de Genève et environs.

Distribution et Ecologie. Groupe d’Ecologie aquatique, Institut Forel et Institut des Sciences l’Environnement, Université de Genève, 92 pp.

Auderset Joye, D. & Rey-Boissezon A. 2015. Phénologie et dynamique des populations de characées dans des plans d’eau genevois. Groupe d’Ecologie aquatique, Institut Forel et Institut des Sciences l’Environnement, Université de Genève, 89 pp.

Oertli, B. & Frossard P.A . 2013. Mares et étangs. Ecologie, gestion, aménagement et valorisation. Presses polytechniques et universitaires romandes.

Rey-Boissezon A., Auderset Joye D., 2012. A temporary gravel pit as a biodiversity hotspot for aquatic plants in the Alps. Arch. des Sci. 65, 177–190.

Etang Géroudet aux Teppes de Verbois

© D. Auderset Joye

© D. Auderset Joye

E LM E NTS TE CHNI Q UE S

Tout milieu aquatique s’atterrit plus ou moins rapidement en fonction le niveau trophique. Pour conserver des stades précoces de la succession végétale, la création de nouveaux plans d’eau connectés avec une nappe souterraine est idéale.

Une des solutions simple consiste à conserver une gravière en eau après l’extraction des graviers au lieu de les remblayer ou de les rendre à l’agriculture.

Une solution plus interventionniste consiste à curer une gravière en cours d’atterrissement ou encore de creuser un nouvel étang dans un secteur favorable, c.-à-d. au dessus d’une nappe souterraine superficielle et avec un bassin versant majoritairement non anthropisé.

Substrat

Un substrat trop compact ou trop grossier est généralement défavorable à l’enracinement des plantes. Un substrat de type limono-sableux semble convenir à un maximum d’espèces.

Un déversement d’argile nuirait à la circulation de l’eau à travers les sables graviers et dénaturerait le caractère particulier de ce type d’écosystème. Toute intervention compromettant cette connexion à la nappe d’accompagnement du Rhône serait dramatique pour la flore charophytique.

Morphologie

Les gravières ont généralement un profil de type «piscine» avec des berges très abruptes et un développement de rives faible limitant le nombre de micro-habitats disponibles. Afin d’améliorer la capacité d’accueil pour la flore et la faune, il faut augmenter la complexité morphologique de ces gravières. Le reprofilage de rives en pentes douces avec une sinuosité plus élevée sont à considérer lors de la réaffectation de ce type de milieu.

Le manque de variations des niveaux est l’une des principales menaces pour les espèces végétales pionnières caractéristiques des milieux temporaires et que l’on peut observer sur les bordures des étangs qui s’assèchent une partie de l’année. L’aménagement des berges en pente douce doit donc tenir compte à la fois du régime hydrologique de la nappe et donc du plan d’eau et des exigences écologiques des espèces cibles en termes de durée et de période d’assèchement. Pour les characées et autres plantes aquatiques submergées pionnières, l’assec doit intervenir en automne, soit à la fin de la saison de croissance lorsque les espèces ont produit leur banque de propagules.

Pour assurer aux plans d’eau nouvellement créés une diversité de conditions maximale et une fréquentation par l’avifaune aquatique (agent de dispersion des propagules), il faut que la

Des précautions doivent être prises car les anciennes gravières sont souvent situées dans des nappes de surface partiellement polluées, principalement par les engrais de synthèse. Si l'eau de la nappe n‘était pas filtrée avant de pénétrer dans la gravière, les engrais transformeraient rapidement l’étang. On peut parer à cet inconvénient en créant une ceinture d’arbres (zone tampon) d’une dizaine de mètres autour d’une partie de l’étang en veillant à ne pas ombrager la totalité du plan d’eau. Cette ceinture se situera de préférence sur la rive localisée en amont par rapport au sens d’écoulement de la nappe vers l’étang.

En créant des zones peu profondes on laisse une chance à une bordure d’hélophytes comme les roseaux de s’installer. Ceux-ci sont aussi en mesure de filtrer les engrais, de retenir et d’absorber la matière organique en provenance des feuilles des arbres de la ceinture extérieure.

E LM E NTS TE CHNI Q UE S

Distance > 50 m

Schéma type

E LM E NTS TE CHNI Q UE S

• Réaménagement de l’existant : période automnale et hivernale, de novembre à février

• Création de nouveau plan d’eau : pas de contraintes

Valorisation des déchets

• Le produit de coupe peut être utilisé pour créer des tas à proximité du plan d’eau (site de ponte de la couleuvre à collier et la couleuvre vipérine).

• Quelques troncs peuvent être laissés en zone peu profondes et soumises à des exondations (structures pour les reptiles et pour la tortue cistude).

• Les déblais issus des travaux d’excavation peuvent être recyclés dans la création de bordures peu profondes et à pentes faibles ou de buttes sur le périmètre du projet.

Interventions de stabilisation

En cas de création de nouveau plan d’eau, une surveillance la première année permet d’assurer la détection précoce et l’arrachage d’éventuels néophytes invasifs (essentiellement élodées).

Entretien

Si la connexion à la nappe est maintenue et si l’apport externe de nutriment est absent ou limité, ce type de plan d’eau évolue très peu et ne nécessite pas d’entretien.

Dimensions minimales

• Surface: ≥ 500 m2

• Profondeur : Suffisante pour atteindre la nappe et assurer que le centre de l’étang soit toujours sous 1 m d’eau.

Coûts moyens estimés

• Réaménagement des berges d’un plan d’eau existant : 15.-/m3

• Excavation d’un nouveau plan d’eau (environ 1500 m3): 50 .-/m3

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