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Ecologie et cycle de vie de Nitella mucronata

Nitella mucronata est une espèce cosmopolite qui colonise des eaux douces et parfois saumâtres, plus ou moins alcalines (fig. 35). Elle a été observée dans différents types de milieux - petites rivières, mares, étangs, fossés, lacs - sur des substrats divers, le plus souvent riches en matières organiques.

Elle serait une des espèces les mieux adaptées aux eaux courantes et semble assez peu sensible à l'eutrophisation. C'est une espèce assez tardive qui fructifie de juillet à septembre et peut se maintenir jusqu'en hiver si le climat est suffisamment tempéré.

En Suisse, elle a été observée dans un étang à Thalheim an der Thur (ZH) à la fin mai 2007 puis elle n’a plus été revue, malgré un suivi de plusieurs années de la station. Découverte dans la Seymaz, elle s'est montrée éphémère dans la rivière, mais elle a colonisé le marais voisin, les Prés de l’Oie, formant de petites colonies au pied des roseaux. Ces deux stations sont des milieux peu profonds (environ 0.5-0.7 m) mais N. mucronata peut aussi coloniser des milieux profonds. Dans les eaux claires d’une ancienne gravière à Pougny (Ain), elle forme une petite population monospécifique à 8-10 m de profondeur, sur un substrat vaseux et organique. A cette profondeur, elle se reproduit sexuellement : le sédiment contient des oospores mûres et de jeunes fructifications ont été observées sur les plantes au mois de juillet 2010. Récemment, elle a été retrouvée dans deux mares privées à Thônex et Chêne-Bourg sous un voile de lentilles d’eau et en situation fortement ombragée.

Elle a aussi été découverte sous des feuilles de nénuphars dans un des bassins du jardin botanique de Berne, à une profondeur de 50 cm, portant des oospores encore immatures (septembre 2015).

Le tableau 9 récapitule les observations de Nitella mucronata dans les marais de la Seymaz depuis 2007. La première observation de Nitella mucronata dans la Seymaz au niveau Pont de la Motte date du mois de septembre 2007 (fig. 34). L’ « apparition » de cette espèce est probablement à mettre en relation avec la renaturation du lit de la Seymaz qui a permis l’exposition (la mise à nu) de sédiment ancien contenant des oospores. En effet, la renaturation peut être vue comme une perturbation favorisant l’installation des espèces pionnières comme le sont les characées. Après son installation dans la Seymaz, N. mucronata a colonisé les Prés de l’Oie où elle s’est maintenue jusqu’en 2011.

Depuis elle n’a plus été observée dans le secteur, malgré des recherches intenses entre 2012 et 2015.

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Tableau 9. Stations et dates des observations de Nitella mucronata dans la Plaine de Sionnet.

Date X y Station Stade de

développement Conductivité

µS*cm-1 Température

°C 14.09.2007 507220 120475 Seymaz Pont de la Motte Fructifications rares

03.10.2007 507216 120485 Seymaz Pont de la Motte Fructifications rares 700 17.3

16.10.2007 De 507273

Motte Fructifications rares 640 20.3

14.10.2008 Seymaz Pont de la Motte Quelques pieds

résiduels 731 14.9

20.05.2009 507220 120483 Seymaz Pont de la Motte Quelques pieds avec Anthéridies et début

Seymaz aval Pont de la Motte Plantes décadentes à l’aval

Seymaz aval Pont de la Motte Plantes décadentes et stériles

18.02.2010 507223 120487 Seymaz amont Pont de la

Motte Plante absente

24.05.2011 507253 120605 Prés de l’Oie, devant la vanne Plante présente 507292 120632 Prés de l’Oie, bordure

Issu de la compilation des données que nous avons acquises, le cycle de vie présenté (fig. 35) reflète nos connaissances actuelles sur Nitella mucronata. Elle démarre sa croissance à la mi-mai et porte très rapidement des fructifications (fig. 36). Une fois mûres, les oospores se détachent rapidement de la plante. Il a été difficile de trouver des oospores mûres sur les plantes colonisant la Seymaz ; elles ont probablement été rapidement balayées par le courant. En revanche, dans le Prés de l’Oie des oospores mûres ont pu être observées en août et septembre. Au mois d’octobre, après une pleine reproduction, les plantes deviennent sénescentes.

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Nos observations et mesures nous permettent d’établir que Nitella mucronata est une espèce tardive par comparaison à d’autres espèces comme Nitella opaca présente aux Prés de Villette. En effet, dans la région elle apparaît à mi-mai et les oospores mûres sont observées en août et septembre.

Des températures relativement chaudes lui seraient donc favorables, comme le montre la chaleur accumulée exprimée en degrés jours de croissance (GDD). Cela peut être confirmé par sa présence dans des stations du Bas-Rhône à la hauteur de Montélimar (France) où elle fructifie davantage et plus précocement. On peut aussi constater qu’elle n’est pas affectée par des conditions trophiques plutôt élevées, comme celles qui prévalent dans la Seymaz et aux Prés de l’Oie.

Figure 35. Cycle de vie de Nitella mucronata aux Prés de l’Oie.

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Figure 36. Nitella mucronata. De gauche à droite : cellule terminale du dactyle de forme mucronée ; gamétanges immatures avec, à gauche, l’oogone (femelle) et, à droite, l’anthéridie (mâle) ; verticille avec oospores immatures et anthéridie orangée ; une oospore mûre.

Puisque l’espèce a germé spontanément aux Prés de l’Oie, on peut donc en conclure qu’une banque de graines de Nitella mucronata était présente dans le secteur de la Seymaz et a pu s’exprimer après les travaux de renaturalisation. Toutefois, depuis 2010 elle n’a plus été observée dans la Seymaz et n’a pas pu se manifester durant les étés 2013, 2014 et 2015 à cause de l’assèchement des stations surveillées aux Prés de l’Oie.

Quant à la disparition de N. mucronata dans la rivière Seymaz on suppose qu’en tant qu’espèce pionnière elle a fini par céder la place à d’autres espèces végétales, victime de la succession végétale, un phénomène inévitable en l’absence de nouvelle perturbation, par exemple des travaux de renaturation.

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Recommandations de gestion :

En matière de gestion Nitella mucronata est en concurrence avec Samolus valanderi, autre espèce prioritaire qui bénéficie d’un plan d’action dans le canton de Genève. Afin de favoriser cette Primulacée, les gestionnaires ont provoqué un assèchement estival en ouvrant la vanne à l’exutoire ouest du ruisseau du Chamboton. Cet assèchement est évidemment défavorable à Nitella mucronata, qui pousse intégralement submergée de mai à octobre. Cependant, un assèchement occasionnel semble au contraire favoriser la germination des oospores de characées lors du retour de l’eau.

Depuis la fin des travaux de renaturation, les stations à N. mucronata dans la Seymaz et les Prés de l`Oie n’ont pas subi de perturbation importante et la dynamique naturelle est insuffisante pour créer de nouveaux espaces à coloniser (zones décapées). Les stations à N. mucronata des Prés de l’Oie sont occupées par une roselière de plus en plus dense, qui laisse peu de place à d’autres espèces.

Enfin la qualité de l’eau de la Seymaz et du ruisseau du Chamboton est très médiocre. Outre des excédents de nutriments mesurés à certaines périodes, une faible transparence de l’eau tout au long de l’année est défavorable à toute végétation aquatique submergée. Bien que Nitella mucronata semble être une des characées les plus tolérante à des conditions trophiques élevées, des apports périodiques de désherbants ou les pesticides (dans la Seymaz et les Prés de l’Oie) ne constituent pas des conditions des plus favorables.

La dynamique de la Seymaz, semble insuffisante pour entretenir naturellement des milieux pionniers.

On pourrait donc imaginer de temps à autre des décapages. De petites zones peuvent suffire.

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