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a. Prise en charge vaccinale : le rôle de l’infirmier

Début 2016, le Ministère de la Santé, souhaitant rénover la politique vaccinale sur le territoire national, demanda la mise en place d’un débat national : il chargea un comité d’orientation de superviser une concertation citoyenne. La publication qui en découla en novembre 2016, préconise le renforcement de la formation en ce qui concerne la vaccination ainsi que les CV de la grippe, coqueluche et varicelle de l’ensemble des professionnels de santé, notamment les infirmiers, et autorise ces derniers à réaliser des actes de vaccination [23].

En région PACA, les infirmiers libéraux représentent la catégorie des professionnels de santé de premier recours les plus nombreux : en 2015 on ne dénombrait pas moins de 12 000 infirmiers libéraux pour 6.300 médecins généralistes [24]. Au quotidien, la vaccination fait partie intégrante de leur activité : en effet, sur prescription médicale, ils sont autorisés à pratiquer des injections de vaccins. Par ailleurs, les infirmiers entretiennent une relation régulière et de proximité avec leurs patients, et de ce fait,

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sont souvent amenés à avoir des échanges avec eux sur divers sujets médicaux tels que les vaccins. Leur présence en nombre sur le territoire ainsi que la diversité de leurs activités dans des milieux très différents sont des leviers majeurs qui permettraient d’atteindre l’objectif de couverture vaccinale.

Une enquête récemment menée sur la période 2017-2018 a permise d’étudier les pratiques et perceptions vis-à-vis des vaccins chez les infirmiers en région sud PACA. Cette étude avait pour but de comprendre l’attitude des infirmiers salariés et libéraux vis-à-vis de la vaccination avec un focus sur le vaccin contre la grippe saisonnière, ainsi que leurs avis relatifs au transfert de l’acte de vaccination aux infirmiers [10]. Concernant la majorité des vaccins - excepté le BCG - les résultats de CV concernant les infirmiers interrogés sont en-dessous des objectifs de santé publique. Pour la grippe, les infirmiers libéraux ont une CV légèrement supérieure à celle des infirmiers hospitaliers. D’ailleurs, de multiples études internationales ont montré les faibles taux de vaccination chez les personnels de santé hospitaliers (Bish, 2011). Nous pouvons mettre en relation ce taux avec le fait que les professionnels indépendants cherchent à préserver leur capacité́ de travail durant les périodes d’épidémies grippales.

On dénombre huit infirmiers sur dix favorables à la vaccination de manière générale. Les infirmiers libéraux se déclarant plus favorables que les salariés : 35% contre 28%. Toutefois, de nombreux infirmiers émettent des doutes en matière de vaccination. En effet, en région PACA, il a été observé que :

- 21% des infirmiers ont déjà refusé un vaccin pour eux-mêmes le considérant dangereux ou inutile,

- 8% des infirmiers ont retardé leur administration

- 24% des infirmiers ont admis s’être vaccinés malgré leurs interrogations quant à la balance bénéfices/risques

En résumé, près d’un infirmier sur deux interrogés font preuve d’une hésitation vaccinale, celle-ci étant plus rare chez les libéraux (47% contre 35%).

Pour conclure, cette enquête a permis de mettre en évidence des incertitudes dans les perceptions qu’ont les infirmiers de la région PACA concernant certains vaccins. Une formation initiale et continue efficace ainsi que des interventions personnalisées sont nécessaires afin de palier à cette hésitation vaccinale importante [10].

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b. Prise en charge vaccinale : le rôle du médecin généraliste

Début Mars 2015, la loi autorisant les pharmaciens à administrer certains vaccins, a été supprimée par les députés du projet de loi de modernisation du système de santé. Les conditions à la bonne exécution de l’acte de vaccination étaient considérées comme non appropriées. Or depuis Octobre 2017, et la parution de l’Arrêté du 25/09/2018 - loi n° 2016-1827 [25], l’Agence Régionale de Santé (ARS) autorise, dans 4 régions expérimentatrices, les pharmaciens et infirmiers à vacciner contre la grippe saisonnière les personnes majeures ciblées par les recommandations vaccinales. Toutefois, en France, le Médecin Généraliste (MG) est considéré comme le « pivot » des pratiques de prévention, il se voit confier l’acte de vaccination de manière quasi exclusive. En tant qu’acteur de la promotion de la santé et pilier de la médecine de premier recours, le MG est à ce jour le seul habilité à prescrire les vaccins avec certains autres spécialistes du milieu des professionnels de santé, tels que les pédiatres et gynécologues [26]. Le MG tient donc une place privilégiée pour informer le patient sur la nature de la vaccination, ses avantages, ses inconvénients, mais en particulier sur les conséquences liées à un possible refus.

Les recommandations du MG ont un impact important sur la prise de décision du patient. Selon les résultats du Baromètre santé 2010, la population paraît se reposer davantage sur son médecin traitant en ce qui concerne la mise à jour des vaccins : il est à l’origine de l’initiative de la dernière vaccination dans 42.2% des cas alors que la personne elle-même ne l’est que dans 24.2% des cas [27]. Cette tendance a doublé en 5 ans puisqu’il n’y avait que 21.4% des médecins en 2005 à l’origine de cette décision. Afin d’illustrer les résultats de l’acceptation de la vaccination par les parents, le Baromètre santé 2010 révèle que 55.9% acceptent le vaccin contre le ROR si un MG le lui propose, et 41.1% en ce qui concerne le vaccin contre l’hépatite B. D’ailleurs, ce rôle paraît s’accentuer en période de crise. Lors de la grippe A (H1N1) les MG n’ont pas été inclus dans la campagne de vaccination de masse en France, et selon certains auteurs, cette exclusion a contribué au manque d’adhésion de la population à ce vaccin [28].

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La place du médecin généraliste au sein de l’organisation du système de santé français et la relation de proximité qu’il entretient avec les patients, font de lui un acteur

prépondérant pour améliorer la couverture vaccinale de la population. Le MG est le

pivot de la prévention primaire en la matière, mais également l’intermédiaire entre la stratégie nationale de la vaccination et le patient. Il paraît donc essentiel de comprendre ses convictions et ses pratiques concernant la vaccination.

c. La pratique vaccinale du médecin généraliste

Les professionnels de santé principalement engagés dans le sujet de la vaccination, sont les médecins généralistes. En France, 90% des vaccinations ont lieu dans le secteur privé, majoritairement par les médecins traitants [29]. Les médecins généralistes représentent donc la pierre angulaire de la vaccination en France face à l’hésitation vaccinale grandissante de la population. En effet, leurs recommandations influent fortement sur la décision de leurs patients concernant le choix de se faire vacciner ou de faire vacciner leurs enfants [30,31].

Cependant une étude, menée par la Direction de la Recherche, des Études, de l'Évaluation et des Statistiques (DREES) en mars 2015, met en évidence des réticences de certains médecins généralistes à vacciner, qui préfèrent se fier à leur propre jugement. Cette tendance reste faible [29]. Or il est constaté que lorsqu’un MG émet une réserve sur la vaccination, celui-ci est alors moins enclin à la recommander auprès de ses patients [32].

L’étude transversale réalisée en 2014 en France auprès de 1580 MG de ville a pour objectif d’étudier leurs rapports concernant les différents vaccins et les populations cibles et de déterminer la prévalence de l’hésitation vaccinale chez les MG. Entre 16 et 43% des MG ne préconisent jamais ou seulement parfois certains vaccins aux populations cibles. La confiance des MG dans les autorités de santé a un impact majeur en ce qui concerne leur avis sur l’utilité et les risques liés à la vaccination. 18% des MG n’exprime aucune hésitation vaccinale, 68% une légère hésitation, 11% une hésitation moyenne et 3% une hésitation importante, voire une opposition aux vaccins. Ce constat est témoin que les nombreuses polémiques qui ont eu lieu en France, ont

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favorisé l’expansion de l’hésitation vaccinale chez les MG et que la confiance accordée aux autorités de santé est un facteur déterminant.

Les recommandations effectuées par les MG diffèrent selon le vaccin concerné : les médecins vaccinent continuellement contre les valences DTPC mais en ce qui concerne le vaccin contre l’HPV, seuls 45% le conseillent aux jeunes filles de 11 à 14 ans et 50% seulement proposent le vaccin contre le méningocoque C aux nourrissons. Des doutes concernant des risques d’effets secondaires importants de certains vaccins (par exemple l’hépatite B), subsistent chez certains MG, même si ces doutes sont contestés avec des résultats d’études épidémiologiques et de pharmacovigilance. De ce fait, certains médecins font face à des doutes et il peut leur arriver d’hésiter à recommander des vaccins obligatoires dont la balance bénéfices/risques n’est pourtant plus à prouver (par exemple le vaccin contre le méningocoque C et la rougeole).

Cette hésitation à vacciner pourrait être un facteur renforçant la réticence des patients et contribuer, ainsi, à l’insuffisance des couvertures vaccinales.

D’ailleurs au niveau européen, la France ne fait pas toujours figure de bon élève. Par exemple, elle présente la CV la plus faible de l’Union Européenne (UE) en ce qui concerne l’hépatite B, alors que certains pays tels que la Finlande possèdent une CV très satisfaisante sans que la vaccination présente pour autant un caractère obligatoire. Pour tenter de pallier ce constat négatif, des actions sanitaires ainsi que des initiatives privées [33] ont été mises en place dans le but d’améliorer la CV : semaines de vaccination, calendrier vaccinal simplifié, carnet de vaccination électronique, site institutionnel …

Au regard de ces résultats, la question sur l’enseignement de la vaccination des MG émerge naturellement. En France, une étude nationale sur la manière dont les étudiants en 6e année de médecine perçoivent la formation en matière de vaccination durant leur formation initiale a mis en évidence que 33% ne pensent pas être suffisamment préparés en ce qui concerne leur pratique future [34] : 64% en matière de communication, 42% sur les compétences pratiques, 41% au sujet des sources d’information et de la politique vaccinale, 31% sur ce qui est relatif aux maladies à prévention vaccinale et 21% concernant les aspects immunologiques [35]. Afin de

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soutenir ces futurs MG face aux réticences de leurs patients, des moyens tels que le renforcement de la formation initiale et continue devraient être renforcés de manière considérable.

En somme, les études se portent très souvent sur l’attitude des patients vis-à-vis de la vaccination et sur l’efficacité des messages institutionnels visant à promouvoir la vaccination. Pour autant, il s’avère primordial d’apprécier l’autonomie décisionnelle du MG en matière de vaccination qui semble prise en étau entre les politiques publiques, la communauté scientifique, et la volonté propre du patient. Est-il acteur-décideur ou relais des politiques publiques en matière de vaccination ?

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