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a. Profil des personnes refusant la vaccination

Le profil des personnes qui s’opposent à la vaccination est difficile à définir, notamment du fait que, trop catégoriser, conduit à une certaine stigmatisation des populations montrant une réticence vis à vis de la vaccination.

Il ne faut pas oublier que la vaccination est souvent perçue comme un acte individuel alors qu'il s'agit d'un acte collectif.

De nos jours, le citoyen se veut acteur et décisionnaire de ses choix ; ainsi la compréhension et l’interprétation de l’obligation vaccinale se trouvent parfois biaisées car celles-ci sont vécues telle une intrusion dans la sphère privée [36].

L’opposition à la vaccination rassemble des situations hétérogènes et correspond à un processus de décision influencé par des paramètres contextuels et individuels qui conduiraient à des catégories de comportement très différents.

Claire-Anne Siegrist, pédiatre de formation, Professeure suisse de Vaccinologie à la Faculté De Médecine de l'Université de Genève (première chaire de Vaccinologie en Europe) propose une classification des personnes selon leur comportement vis à vis de la vaccination :

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- les opposants, peu nombreux mais sont perçus comme les plus radicaux et les plus décidés à lutter contre les vaccins,

- les hésitants, catégorie qui ne cesse de croître et qui est méfiante en ce qui concerne les instances sanitaires et les informations qui lui sont fournies,

- les peu concernés, démarche non active vis à vis de la vaccination et sont pour la plupart indifférent à la maladie, mais ils suivent souvent les instructions,

- les demandeurs, sont complètement favorables à la vaccination et suivent les instructions [37].

Dernièrement, une équipe de chercheurs a soumis une classification analogue, dont l’objectif est de découvrir le raisonnement permettant de s'adresser à ces différents groupes [38] :

- les indifférents : ne se souciant pas des maladies infectieuses, ne percevant pas de danger, ils ne se sentent pas concernés par la vaccination ; le meilleur moyen de communiquer avec eux est probablement un meilleur dialogue avec les médecins, - les attentistes : leur comportement face à la vaccination reste positif mais leur déplacement chez le médecin étant réduit, il faut surmonter ces freins structurels et leur faciliter l'accès à la vaccination par les instances sanitaires,

- les méfiants : cette catégorie est la plus problématique, elle est constituée des activistes les plus réticents à la vaccination. Leur posture est due à des informations erronées sur la vaccination générant une vision faussée ; pour pallier ce problème, la communication doit être concise afin d’invalider les mythes autour de l'acte vaccinal. - les calculateurs : pouvant être désignés comme « hésitants », ils évaluent le bénéfice/risque et s’informent au maximum ; en règle générale ce comportement conduit à un refus de la vaccination si les renseignements obtenus sont divergents, mais il s’agit d’une catégorie faisant preuve de raison ; il faut donc communiquer avec eux et cette discussion est à établir par les médecins.

b. Réticences et politique contemporaine

Souvent le refus de la vaccination est assimilé à une résistance à l’État. Cependant, à l’heure actuelle on ne peut s’empêcher de trouver une connexion entre les réticences

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envers les vaccins et le rejet du progrès scientifique ainsi que son découlement social : le refus de la modernité.

Notre époque est perçue comme anxiogène or la peur a toujours été considérée chez l'homme comme un moteur de sa survie.

Plus la peur croît et plus il nous est complexe de songer à l’avenir de façon sereine, rendant notre rapport à la modernité difficile.

L’inquiétude est accentuée par un environnement rempli de doutes et notamment par l'écosystème sociétal ; de la crise économique aux catastrophes naturelles, tout est vecteur de peur pour la population ; cela étant propice aux théories du complot. Toutefois, la peur de certaines maladies, cause de dévastations dans un passé proche, disparait dans la mémoire collective, démontrant ainsi que le vaccin est réellement victime de ses propres succès !

Les crises économiques que nous subissons de manière régulière, accompagnées d’un ensemble de peurs qu'elles propagent (chômage, burn out...), tendent à augmenter de manière générale la crise de confiance dans l'avenir et de ce fait l’adhésion à des courants de pensée alternatifs, qui ont la spécificité de s'enrichir les uns les autres.

c. Les médias et les sciences

Il fut un temps où le médecin dit « de famille » était le seul référent en ce qui concerne les conseils sur la vaccination, mais cette époque est révolue. Le manque de confiance dans les autorités ne cesse de croître du fait que les individus sont en quête constante de renseignements avec la volonté d’être acteur et décideur de leurs choix, en particulier dans le domaine de la santé, et ne veulent plus jouer le simple rôle de spectateur des politiques sanitaires gouvernementales.

L’essor de l'information au niveau mondial via les médias et réseaux sociaux, rend, toute information sur la vaccination ou problème médical publique et est relayée dès le lendemain, et ce à un niveau international, pouvant entrainer des conséquences imprévisibles.

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Depuis plusieurs années, on constate une crainte grandissante des citoyens français à l’encontre des pouvoirs publics, du monde politique et également de toute autorité qui en émane.

Toutefois, il est paradoxal d’observer que les individus se tournent davantage vers l'État, en matière de gestion, prévision, faisant de lui le « grand régisseur » de nos vies quotidiennes.

Les crises politiques, économiques, sanitaires, technologiques… publiées en continu par les médias, ont augmenté les peurs des individus, créant un environnement propice à la critique du monde moderne, des sciences et de la technologie, ce que l'on constate régulièrement dans les jugements vis à vis du monde scientifique et médical. Depuis son apparition, la vaccination est le seul moyen ayant permis d'épargner des millions de vies. Toutefois, de nos jours, tout cela est remis en cause par notre perte de confiance en l'avenir et notre sur-exigence de perfection médicale.

Internet, outil de savoir extraordinaire, peut toutefois devenir le moyen de partage de données le plus nuisible dans le domaine de l’information scientifique.

Ce phénomène fut étudié dernièrement par le sociologue Gérald Bronner qu'il désigne de « démagogie cognitive » [39].

L'un des obstacles auquel nous faisons face en matière d’anti-vaccination est le fait que le « croire » passe souvent avant le « savoir », cultivant ainsi un important trouble propagé via les réseaux sociaux.

Il est évident que, de nos jours, l’immédiateté liée à l’informatique constitue une réelle difficulté dans la communication scientifique, à laquelle se rajoute l'idée permanente du principe de précaution.

D’après l’étude de l'Ipsos de 2012 concernant les journaux « Le Monde » et « La

Recherche » sur le thème « Science et société » ; il est mis en évidence, de manière

flagrante, que les scientifiques rencontrent de plus en plus de difficulté pour convaincre sur le bien-fondé de leurs études.

Il est donc important de se demander quel est le rôle exact qu’entretiennent internet et les réseaux sociaux vis à vis du développement de l’hésitation vaccinale.

En 1996 on remarque que 0.5% des foyers français disposaient d'une connexion internet. Fin 2011 le chiffre était supérieur à 74%, mettant en évidence le besoin de « connectivité » de notre société.

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Il est assez complexe de s'y retrouver lorsque l’on effectue des recherches sur internet tant la quantité d'informations que l'on y trouve est gigantesque. Et d’ailleurs, comme le font observer de nombreux sociologues, cette quantité est nettement supérieure aux limites de capacité du cerveau humain à enregistrer ces informations.

Le domaine de la santé n'a pas échappé à ce phénomène ; d’ailleurs, en 2006, une étude a permis d’observer que 16% des internautes ont recherché des informations sur les vaccins [40].

Mais comme évoqué précédemment, l'information est désormais globalisée, mêlant des sites institutionnels à d'autres totalement indépendants : la parole de l'expertise se trouve de cette manière complètement affaiblie, perdant de sa valeur.

De plus, l'information étant répandue à l’international et Internet autorisant un anonymat total, la parole est de ce fait libérée et tout le monde peut s’exprimer sur les vaccinations, sans risque pénal.

On observe que la grande partie des parents qui s’oppose à la vaccination en ce qui concerne leurs enfants prend la décision après avoir consulté internet [40].

Nos émotions dirigent notre perception et de ce fait influencent nos choix. La sociologie cognitive est un élément nous aidant à comprendre ce qui conduit certaines personnes vers le chemin du refus de la vaccination suite à leur affirmation en ce qui concerne leur réserve envers les vaccins via internet.

On met en évidence une évolution de leur opinion, devenue plus tranchée, alors qu’à l’origine, cette dernière se trouvait dans la sphère de la neutralité.

L’angle émotif est un vecteur majeur dans l’argumentaire des partisans de l'anti- vaccination. Force est de constater que le dialogue est difficile à entreprendre lorsque votre interlocuteur se trouve être une mère ou un père heurté par les photos d'un enfant atteint d’autisme, dénonçant les vaccins et faisant preuve d’empathie.

Il paraît évident que les parents sont principalement sensibles aux témoignages des autres parents sur les réseaux sociaux et se créent leur propre opinion sur la vaccination via ce canal de communication [41].

La communication officielle s’orientant sur des raisonnements scientifiques qui ne sont pas de prime abord accessibles au grand public, est souvent dénuée d’émotion, alors que, comme évoqué précédemment, les témoignages ont un effet plus direct.

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Gérald Bronner, sociologue français, décrit ces phénomènes sociologiques tel un « marché cognitif » ; la libération démocratique, politique et technologique conduit à une diffusion de masse de l'information sur internet ; chaque individu ayant la possibilité d’y faire son « marché intellectuel ».

Cette stratégie repose sur l’indécision dont fait preuve les individus. Ce profil de personne est le plus propice à se laisser influencer par le marché cognitif qu'il va côtoyer. En effet, ne s’étant pas forger une opinion tranchée sur le sujet, ces individus sont donc plus sensibles à la manière dont le marché cognitif va rendre davantage disponible tel ou tel type d’argument.

L’instinct de survie conduit la majeure partie de nos réflexes ancestraux et nous entraine dans une certaine obsession pour le danger ; de ce fait tout concept s’appuyant sur la peur devient un témoin important de nos choix décisionnels et marque fortement notre esprit.

La rationalité n'est pas la qualité première de l'esprit humain et se retrouve diminuée par les capacités cognitives de l'individu : elle est ainsi limitée dans le temps et l'espace, mais également par son inscription culturelle ou ses erreurs de raisonnement.

Or internet a permis de développer un marché cognitif immense. De ce fait, dans un contexte de concurrence, la personne opte en règle générale pour la proposition qui interagira majoritairement sur son cognitif et qui correspondra à celle la plus aisée à accepter, id est celle qui s’accordera à son univers mental. C'est de cette manière qu’émerge le cadre de « croyance » qui se propage par adhésion, au détriment de la réflexion intellectuelle.

Les croyants offrent généralement des solutions qui suivent les aspirations naturelles de l'esprit produisant un effet cognitif très avantageux au regard de l'effet mental impliqué (Bronner 2005).

Internet facilite donc beaucoup plus les phénomènes de croyances au détriment de la connaissance avec une disposition à rechercher les éléments qui nous correspondent le plus [42].

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Se diriger vers ce que nous essayons de considérer représente le chemin le plus aisé et le moins coûteux en termes de choix intellectuels pour notre cerveau : il s’agit d’une sorte d'avarice mentale (Bronner 2013).

D'un point de vue cognitif, internet renforce un défaut que l’on rencontre souvent quand il s’agit de rechercher une information : rechercher et retenir uniquement les informations en accord avec nos propres convictions. On parle de phénomène de renforcement de la croyance [43].

De plus, plusieurs études ont permis de mettre en évidence la grande difficulté d'abandonner l'adhésion à une croyance [44], quel que soit le niveau d'études ou le niveau social de l’individu. L’univers du web crée l'illusion d'un monde plat constitué de différents acteurs dont l'histoire personnelle tend à disparaitre et qui paraissent tous égaux.

Dans un second temps, on tend à observer que cette disparition originelle de l'individualité laisse place à une surreprésentation des minorités actives en dépit de la majorité qui adhère de manière silencieuse. Les croyants sont davantage actifs que les autres sur internet pour soutenir leurs opinions ; c’est le cas des opposants à la vaccination.

Nous observons ce profil de croyants très actifs sur les blogs, forums et sites internet s’opposant à la vaccination, car ils font preuve d’un réel dévouement et passent une grande partie de leur temps à ce qu'ils pensent être la défense d'une juste cause. Les sites et liens se multiplient sans cesse et constituent le seul argument qu’utilisent de manière abondante les personnes opposées à la vaccination : on se retrouve, de ce fait, face à l’apparition d'un tunnel argumentaire et non pas dans la démonstration scientifique.

d. Contre-indications aux vaccinations

Il existe des contre-indications à la vaccination qui reste de l’ordre de l’exceptionnel. Celles-ci sont publiées et actualisées au sein des textes dits d’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM), tels que :

- le répertoire des spécialités pharmaceutiques se trouvant sur le site de l’ANSM - la base de données publique des médicaments.

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En outre, la réévaluation des recommandations vaccinales est réalisée de manière régulière et est mise à disposition dans le calendrier vaccinal par le ministère chargé de la santé après avis de la Haute Autorité de santé. Les médecins se doivent de consulter ce calendrier avant d’effectuer toute vaccination. En effet, celui-ci est la référence unique en matière de vaccination.

Le médecin est habilité à réaliser un certificat de contre-indication d’ordre médical si une pathologie héréditaire ou l’état de santé du patient ne lui permet pas de procéder à la vaccination de ce dernier.

Il est important de mentionner que ce certificat ne peut viser qu’une vaccination donnée. En effet, il ne peut cibler l’ensemble des vaccinations de manière globale, qu’il s’agisse de vaccinations à caractère obligatoire ou recommandé.

Le médecin se tient pour responsable de cette décision et doit être en mesure de justifier cette non-vaccination. Une contre-expertise médicale peut avoir lieu.

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e. Cadre légale de la vaccination en France

En France, la vaccination est encadrée par une législation spécifique régie par l’article 49 de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 : « les vaccinations suivantes sont obligatoires, sauf contre-indication médicale reconnue, dans des conditions d’âge déterminées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Haute Autorité de santé: 1 – Antidiphtérique

2 – Antitétanique 3 – Antipoliomyélitique 4 - Contre la coqueluche

5 - Contre les infections invasives à Haemophilus influenzae de type b 6 - Contre le virus de l’hépatite B

7 - Contre les infections invasives à pneumocoque 8 - Contre le méningocoque de sérogroupe C 9 - Contre la rougeole

10 - Contre les oreillons 11 - Contre la rubéole ».

Les enfants nés à partir du 1er janvier 2018, devront suivre les vaccinations obligatoires selon le nouveau calendrier vaccinal publié par le ministère de la Santé, afin de pouvoir entrer ou rester en collectivité [45].

• Prise en charge des vaccins par l’assurance maladie :

La prise en charge des vaccins suit le droit commun : 65% pris en charge par l’assurance maladie et 35% par les organismes complémentaires. Toutefois, il est important de préciser que la prise en charge du vaccin ROR est faite à 100%.

• Risque légal pour un professionnel de santé s’opposant à la vaccination

d’un enfant :

La loi a pour but de protéger la population de manière individuelle et surtout collective en ce qui concerne les maladies infectieuses à prévention vaccinale.

Le professionnel de santé est tenu responsable de proposer les vaccinations obligatoires (hors contre-indications) et d’expliquer les conséquences engendrées par un refus de vaccination. De ce fait, le non-respect à l’égard de ses responsabilités, engendre des sanctions disciplinaires sur la base des articles R. 4127-2, R. 4127-12,

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R. 4127-43 et R. 4127-49 du Code de la santé publique. D’autre part, la réalisation d’un certificat médical contrefait, relève de l’ordre du délit et est sanctionné pénalement par une peine pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement accompagné d’une amende de 45 000 euros (article 441-1 du Code pénal) ainsi qu’une radiation de l’Ordre des Médecins [46].

• Risque légal pour les titulaires de l’autorité parentale s’opposant à la

vaccination d’un enfant :

Le risque encouru par les parents est que leur enfant ne soit pas autorisé à entrer ou rester en collectivité. La sanction spécifique au non-respect de l’obligation de faire vacciner son enfant a été supprimée. L'article L3116-4, qui prévoyait six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende pour refus de vaccinations obligatoires est abrogé par la loi n°2017-1836 du 30 décembre 2017 - art. 49 [47]. Cependant, subsiste encore l’infraction générale du Code pénal concernant la mise en péril des intérêts de l’enfant. Par exemple, si leur progéniture décide de se retourner contre eux, les parents d'enfants en situation de handicap imputée à l'absence d'un vaccin encourent en effet deux ans d’emprisonnement et 30.000 euros d’amende, selon l’article 227-17 du Code pénal. L’infraction prévue par le présent article est assimilée à un abandon de famille pour l’application du 3ème de l’article 373 du Code

civil [48].

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