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La pratique de la DSP : le contrat de gérance et ses principales

Section 2 : L‘encadrement juridique du contrat international de P.P.P en droit interne

B- La notion de la convention de délégation de service public en droit

3- La pratique de la DSP : le contrat de gérance et ses principales

Malgré les investissements faramineux et les réformes institutionnelles entrepris par le gouvernement algérien depuis l‘indépendance, les acteurs publics n‘ont pas pu atteindre les défis assignés au secteur de l‘eau et de résoudre les problèmes du secteur qui persistent voire s‘aggravent au fil du temps. Cela est dû essentiellement au manque du savoir-faire des institutions étatiques et du personnel. Ainsi, on constate des lacunes dans la gestion de l‘eau. Ces lacunes existent dans plusieurs volets : le raccordement des usagers aux réseaux publics de l‘eau potable et les réseaux publics d‘assainissement, n‘a pas pu couvrir tous les

1

Cf. Article 106 de la loi 05-12 relative à l‘eau, précitée. 2

Cf. supra. Chapitre 2, section 2, sous-section 1 : Tableau n°4 : Les formes de la DSP avant la loi SAPIN. 3

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citoyens ; des coupures d‘eau fréquentes atteignant plus d‘un jour sur trois dans plusieurs régions de pays et l‘état des ouvrages reste à désirer avec des ouvrages vétustes causant des pertes physiques affectant à la fois, la quantité et la qualité de l‘eau distribuée. Quant au volet de la gestion clientèle, l‘usager se voit loin d‘être impliqué dans le processus décisionnel, et on constate un manque de sensibilisation et d‘information. En outre, des fuites dans la facturation, estimées à 43.58%, pour les abonnés de l‘ADE1, mettant en évidence un gaspillage de l‘eau. C‘est les raisons pour lesquelles, l‘Algérie a fait recours à l‘expertise du secteur privé après avoir admis la DSP sur le plan juridique.

Ainsi, l‘Algérie qui dispose des ressources financières importantes et voulant subventionner le secteur de l‘eau par sa politique tarifaire2, a besoin d‘améliorer les performances techniques, commerciales et managériales des acteurs publics chargés de la gestion des services publics de l‘eau et de l‘assainissement, l‘ADE et l‘ONA en l‘occurrence. Elle vise aussi d‘améliorer la qualité des services et la gestion clientèle. Pour ces raisons, la formule choisie est le contrat de gérance (Management contract) entre ces acteurs publics et des firmes privées étrangères. A cet effet, quatre contrats de gérance ont été signé dans les quatre villes principales de l‘Algérie : Alger, Oran, Annaba/Taref et Constantine.

L‘ADE et l‘ONA comme concessionnaires respectifs des services publics de l‘eau et des services publics d‘assainissement, ont délégué la gestion à des filiales d‘exploitation dont les actionnaires à parité sont l‘ADE et l‘ONA. Ces filiales d‘exploitations qui sont des entreprises publiques économiques et des sociétés par action, ont à leur tour délégué la gestion des services publics de l‘eau et d‘assainissement, par le biais des contrats de gérance pour une période de 5 ans et demi (tableau suivant) :

Ces contrats sont conclus après le recours à une assistance technique de SUEZ Environnement, pour la ville d‘Alger et la Banque Mondiale pour les autres villes3

.

1

Pour un volume d‘eau distribuée de 1184 million de m3 , 668 million m3 étant facturé, cf. l‘ADE, organisation http://www.ade.dz/Organisation/org.php,

2

Supra, chapitre 1, section 1, sous-section 2, §2, « Le financement de l‘eau en Algérie, : un financement majoritairement public »

3

Khelladi, Maya, « Le secteur de l’eau en Algérie : le programme d’assistance technique remboursable», précité, p.65.

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Tableau n°5 : Les contrats de gérance de l’eau en Algérie1 : Société d’eau et d’assainissement (50% ADE /50%ONA) SEAAL (société d’eau et d’assainissem ent d’Alger) SEOR (Société d’eau et d’assainisse ment d’Oran) SEACO (société d’eau et d’assainisse ment de Constantine) SEATA (Société d’eau et d’assainisse ment d’Annaba) Le périmètre d’intervention Wilaya d‘Alger Wilaya d‘Oran Wilaya de Constantine Wilaya d‘Annaba et la wilaya de Taref L’opérateur privé Suez Environnement

Agbar Agua Société d‘Eau de Marseille

Gelsenwasser

Mode de

passation Le gré à gré Appel d‘offre Appel d‘offre Appel d‘offre Montant du contrat 117.731.000 d‘euro 30.500.000 d‘euro 23.315305 d‘euro 36.578.020 d‘euro. Durée du contrat 5,5 ans (reconduit pour 5 ans, en 2011)

5.5 ans 5.5 ans 5.5 ans

(résilié) Date de mise en vigeur Signé au mois de novembre 2005, SEAAL créé le 1 avril 2006. Reconduction du contrat le mois de novembre 2011. Avril 2008 Septembre 2008 Juin 2008 1

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Les principales caractéristiques des contrats de gestion entrepris en

Algérie

Les contrats de gérance conclus en Algérie présentent des caractéristiques qui les distinguent aux autres formes contractuelles.

a- Des contrats basés essentiellement sur le transfert du savoir-faire

de l’opérateur privé

Le problème de l‘eau en Algérie est un problème de gestion et de manque du savoir-faire1. Les autorités algériennes ont chargé la multinationale Suez Environnement, pour faire un diagnostic pour les services publics de l‘eau et de l‘assainissement d‘Alger. Puis elles ont chargé la Banque Mondiale, pour le cas d‘Oran, de Constantine et d‘Annaba, qui ont délimité les problèmes au manque du savoir-faire du personnel local. Tout cela a conduit à choisir le contrat de gérance ou « mangement contract » comme mode de DSP. Ainsi, ces contrats ont pour vocation d‘améliorer les performances techniques et managériales de la gestion des services publics de l‘eau et de l‘assainissement. Le financement est assuré par l‘État qui verse un prix en contrepartie des prestations réalisées et des performances atteintes.

b- Le financement est à la charge du partenaire public

Le financement de ces contrats est à la charge du partenaire public. Celui-ci assume le financement des infrastructures et les ouvrages ; la rémunération du partenaire privé et du personnel local, sauf quelques dépenses qui sont à la charge du partenaire privé, comme la rémunération et les frais du déplacement du personnel propre (c‘est-à-dire les managers employés par le partenaire privé) ou les frais de formation du personnel. Le financement lié aux infrastructures et aux ouvrages est assuré par la société d‘eau et d‘assainissement de Wilaya, dont les actionnaires sont l‘ADE et l‘ONA, qui sont des entreprises publiques.

1

KERRAZ Khatim, Gestion intégrée des ressources en eau en Algérie, principes et moyens d‘une nouvelle politique. http://www.oieau.fr/ciedd/contributions/at3/contribution/kherraz.htm

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c- Les risques sont majoritairement à la charge du partenaire

public

Dans ce type de contrat, il n‘y a pas un partage de risque notable entre le partenaire public et le privé dans la mesure où la majorité des risques est assumée par le partenaire public qui assume le risque d‘investissement et d‘extension des ouvrages et assume aussi les risques d‘exploitations et le risque commercial. La majorité de la rémunération du partenaire est fixe, elle est prédéterminée dans le contrat et n‘est pas donc, liée substantiellement, aux résultats d‘exploitation.

On pourrait dire que la partie des risques assumée par le partenaire privé envisageable est la partie variable de sa rémunération, en cas de son omission de réaliser les prestations prescrites. Il s‘agit des prestations suivantes : la mise en place de la gestion clientèle ; la mise en place de la comptabilité générale et analytique et l‘activité de la cellule étude et suivi.

Une partie de la rémunération est liée aussi aux résultats d‘exploitation. Il s‘agit respectivement, des primes (bonus) et des pénalités (malus). Correspondant respectivement, à l‘atteinte ou la non atteinte des objectifs, conformément aux indicateurs de performances prescrits par le contrat. Il s‘agit des indicateurs suivants : Indicateur de performance globale représentant les efforts, technique (amélioration du rendement, recherche de fuites), commerciaux (recherches des usagers illégaux, meilleure lecture des compteurs, augmentation de la desserte, renouvellement des compteurs), de collecte de l‘opérateur, et en matière de réduction de compte client ; l‘indicateur de performance lié à la continuité du service de l‘AEP ou le H24 ; l‘indicateur lié à la qualité de l‘effluent à l‘exhaure de station d‘épuration ; Indicateur lié aux travaux d‘hydro curage préventif et enfin, l‘indicateur de continuité des stations de relevage1.

d- La décentralisation de la gestion des services publics

La gestion des services publics de l‘eau en Algérie est en principe centralisée et confiée à deux établissements publics nationaux qui sont l‘ADE et l‘ONA. En vue de déléguer la gestion des services publics de l‘eau. Ces établissement ont choisi la structure de sociétés d‘eau et d‘assainissement de wilaya qui sont SEAAL, pour la ville d‘Alger ; SEOR, pour la

1

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ville d‘Oran ; SEATA, pour la ville d‘Annaba et Taref et SEACO, pour la ville de Constantine. Cette démarche marque une décentralisation de gestion des services publics de l‘eau et de l‘assainissement à l‘échelle de la Wilaya. Ces sociétés par action, sont dotées de la personnalité morale et de l‘autonomie financière, donc, elles sont autonomes vis-à-vis leurs sociétés mères exerçant leurs activités au niveau central. Par la suite, l‘activité de chaque société est limitée territorialement à la Wilaya dont elle gère ses services. Ce qui nous permet de dire que la gestion par le secteur privé des services dans ces quatre villes est marquée par sa décentralisation.

e- Des contrats à courte durée

Les contrats de gestion sont des contrats à courte durée (de deux à six ans) si on les compare avec les autres contrats de P.P.P. (concession de 25 à 30 ans ou plus, affermage 12 ans approximativement), pour les contrats de gestion entrepris en Algérie, la durée du contrat conclu par ces sociétés est de 5 ans et demi.

La conclusion des contrats à courte durée apporte plusieurs avantages dans la mesure où elle permet de favoriser le principe de la liberté d‘accès et favorise la concurrence. On pourrait dire qu‘elle consiste un mécanisme qui incite le partenaire privé à améliorer ces performances en vue d‘une éventuelle reconduction des contrats. C‘est ainsi que le contrat conclu entre SEAAL et SUEZ Environnement qui est le contrat le plus réussi, est reconduit le mois d‘Octobre 2011, pour une période de cinq ans1

. Elle permet aussi d‘éviter les comportements opportunistes des opérateurs privés.