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Chapitre 2. Les Stratégies Psycho-Educatives

2. Accompagner les personnes avec Autisme, en France

2.3. Les Interventions Psycho-Educatives en France

2.3.2. En pratique : état des lieux concernant les pratiques

Etat des lieux des pratiques institutionnelles en France

Il n’existe pas de recensement détaillé des modalités d’intervention mobilisées dans les institutions auprès des personnes avec autisme. Des enquêtes existent néanmoins et permettent un état des lieux partiel, notamment en raison des biais méthodologiques :

72 démarches sur la base du volontariat des structures, profil similaire des répondants et absence systématique des institutions contestant l’évaluation des pratiques. La HAS et l’Anesm (2015) font état de deux études renseignant partiellement sur les pratiques institutionnelles.

Une première étude régionale menée dans le Languedoc-Roussillon propose l’utilisation d’un dispositif de recueil des pratiques de prise en charge en France à travers une enquête pilote (Baghdadli, 2007). Sur toutes les structures interrogées, 28 établissements ont répondu (dont 22 accueillant des adultes avec TSA, soit 45 % des 62 sites sollicités). Les résultats mettent en évidence un manque de spécificité des prises en charge proposées dans ces structures pour adultes : les projets répondent bien davantage au retard mental qu’à l’autisme, dans un objectif de maintenir les acquisitions bien plus que de développer les apprentissages.

La seconde étude porte sur une enquête quantitative déclarative dans des zones définies dans 3 régions françaises : 599 établissements et services pour adultes sont sollicités, 354 d’entre eux ont répondu (soit 59 %) parmi lesquels 91 accueillent des adultes avec TED (dont 90 % dans le champ médico-social et 10% dans le sanitaire), au total 926 adultes avec autisme sont concernés (Baghdadli, Rattaz & Ledésert, 2011). A nouveau, les résultats mettent en évidence que peu de structures (16 %) proposent des modalités d’accueil et un projet spécifiques pour l’autisme. Néanmoins, l’utilisation de projet individualisé est assez répandue (89 %) et proposée régulièrement (actualisation annuelle dans 87 % des cas). Les aménagements structurels ou architecturaux spécifiques sont relativement rares (22 %) mais des moyens pour favoriser la structuration spatiale sont utilisés dans 68 % des établissements. La présence de dispositifs favorisant la structuration temporelle est relevée dans 73 % des sites, dont 48 % proposent des emplois du temps individualisés à la semaine et 47 % des emplois du temps collectifs (Baghdadli, Rattaz & Ledésert, 2011).

Concernant les moyens déployés aux niveaux des domaines fonctionnels :

- Communication : 62 % des structures utilisent des supports de communication visuelle, mais un tel support n’est proposé de façon systématique que dans 18 % des sites. Moins de 10 % des répondants déclarent utiliser des outils de communication spécifiques à l’autisme dans la vie quotidienne.

- Socialisation : activités informelles non spécifiques à l’autisme (sorties, loisirs, etc.). Activités favorisant la compréhension et l’expression des émotions décrites par moins de 15 % des institutions et proposées de façon hétérogènes.

73 - Autonomie : principalement sous forme de mise en situation au quotidien des personnes avec autisme (58 %), moins de 10 % des structures proposent des séances spécifiques d’apprentissages en dehors du quotidien.

- Comportements : gestion de comportements difficiles évoquée par 76 % des établissements, dont 42 % utilisent des procédures systématisées (repérage et analyse).

- Santé : suivi objectif des personnes avec autisme dans 82 % des établissements. - Vie affective et sexuelle : moyens d’information et d’accompagnement utilisés par 35 % des structures.

En synthèse pour cette seconde étude, les auteurs soulignent des interventions principalement de nature peu spécifiques à l’autisme : les domaines habituellement touchés dans le TSA ne sont pas ciblés, les méthodes recommandées ne sont que peu (ou pas) mobilisées. Les actions sont souvent informelles ; en effet, moins de 10 % des structures proposent des activités spécifiques à l’autisme. Si les supports visuels à des fins de communication existent, leur usage est peu fonctionnel et non systématisé (Baghdadli, Rattaz & Ledésert, 2011 ; HAS & Anesm, 2015).

Le programme IDDEES : exemple de formalisation des

interventions Psycho-Educatives

Si les institutions médico-sociales (et à fortiori sanitaires) mobilisent relativement peu les interventions Psycho-Educatives, d’autres dispositifs français existent et tâchent de répondre aux besoins des personnes avec autisme. Des professionnels en activité libérale n’hésitent pas à mettre en place des dispositifs innovants proposant la mise en œuvre des Stratégies Psycho-Educatives dans des modalités adaptées à leur pratique : c’est le cas par exemple du programme IDDEES23 du Cabinet ESPAS24 dans plusieurs régions de France (Gattegno, 2005).

Le programme IDDEES est créé au début des années 2000 afin faciliter l’intégration en milieu ordinaire de personnes avec autisme. Ce dispositif est appliqué par un regroupement de psychologues en cabinet libéral. Il se base d’une part sur un accompagnement individualisé assuré par des psychologues ou des diplômés de la Licence Professionnelle « Accompagnant de personnes avec autisme » de l’Université Paris Descartes et d’autre part sur la supervision des interventions ainsi proposées par des psychologues expérimentés dans l’autisme

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Programme IDDEES – Intervention Développement Domicile Ecole Entreprise Supervision

74 (Gattegno, 2005 ; Gattegno, Abenhaim & Wolff, 2011). Le programme IDDEES met en œuvre des stratégies Psycho-Educatives telles que décrites précédemment, ajustées aux différents contextes de ses interventions. Ce programme s’appuie sur trois modèles théoriques et pratiques (Gattegno, 2005):

- La psychopathologie du développement, en référence au développement normal, pour appliquer et adapter un projet aux individus, et pathologique permettant de prendre en compte des dimensions propres à l’autisme et des particularités de fonctionnement (Rogé, 2015), auxquelles s’adapter quotidiennement dans l’intervention.

- Le modèle des troubles de la régulation de l’activité cognitive et sociale chez les enfants porteurs d’autisme, intégrant des particularités de dysfonctionnement comme la rupture, la persévération, la lenteur, la variabilité et la dyssynchronisation (Adrien, 1996).

- Les principes éducatifs du programme TEACCH (Schopler & Rogé, 1988).

Au-delà d’un exemple de mise en place formalisé, d’interventions Psycho-Educatives en France, organisant les actions dans une triangulation formée par l’accompagnant, le superviseur et la famille au service du bien-être de la personne avec TSA, il s’agit aussi de mettre en évidence une évolution de la fonction du psychologue assez analogue à celle constatée dans les structures mettant en place ce type d’intervention. L’activité de psychologue clinicien dans une institution où les Stratégies Psycho-Educatives sont déployées évolue en effet vers des fonctions d’accompagnement et de supervision. La description du psychologue superviseur français du programme IDDEES (Wolff, Gattegno & Adrien, 2009) présente en effet des caractéristiques communes avec l’évolution du poste de psychologue en structure spécialisée revendiquant une approche Psycho-Educative. Cette similarité se retrouve à la fois dans les rôles décrits (aider, soutenir, résoudre les problèmes dans l’accompagnement) mais également dans les besoins (groupes de discussion entre psychologues, « analyse de pratiques » et supervision technique). Les compétences tendent également à être similaires : maitrise théorique concernant l’autisme et les modalités d’accompagnement avec une expertise technique dans ce domaine, capacité à encadrer des professionnels dans leurs propres acquisitions et utilisation des modèles d’intervention notamment. Les besoins de formation initiale pour soutenir les jeunes psychologues dans ce type de structure pourraient tendre à être similaires, notamment dans les compétences managériales, par exemple pour la gestion et la direction de réunions, à la communication avec les équipes et à la promotion de projets (Wolff, Gattegno & Adrien, 2009).

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