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Chapitre 1. Autisme : description du handicap

2. Etiologie

Actuellement les causes précises de l’autisme restent une énigme, bien que nos connaissances soient de plus en plus précises et permettent d’imaginer la silhouette d’une forme de réponse. Deux pistes se distinguent notamment : une première relève d’une influence génétique prédominante, faisant l’objet d’un certain consensus (HAS, 2010, 2011 ; Miles, 2011 ; Robel, 2012), il s’agit de facteurs endogènes contribuant à expliquer la présence d’autisme ; une seconde concerne l’influence des facteurs environnementaux, apportant des influences partielles, en faveur ou en défaveur de l’autisme avec une certaine hétérogénéité des validations (HAS, 2010 ; Poirier & Des Rivières-Pigeon, 2013), ces facteurs exogènes viennent souligner l’impact d’éléments extérieurs sur le développement de l’individu.

L’autisme est donc un trouble neuro-développemental d’origine pluri-génétique et multifactoriel, ces deux dimensions interagissant dans des combinaisons multiples.

2.1. Origines Pluri-Génétiques

Les facteurs endogènes indiquant une forme de prédisposition de l’organisme à l’altération de son développement, associés au patrimoine génétique du sujet, ne sont pas une condition toujours suffisante pour déterminer l’autisme. La présence de gènes identifiés dans l’autisme ne suffit pas au diagnostic ; inversement, des diagnostics sont confirmés dans des situations où aucun marqueur génétique n’est identifié. Aujourd’hui, il n’existe pas d’élément biologique marquant l’autisme qu’il suffirait de relever pour poser un diagnostic : ce dernier reste exclusivement déterminé à partir d’observations cliniques, souvent pluridisciplinaires (HAS, 2010, 2011).

Une identité génétique spécifique permet d’identifier immédiatement le trouble associé, lorsqu’elle est constatée : par exemple avec la présence d’un chromosome surnuméraire dans le Syndrome de Down ou encore en cas de duplication du gène MecP2 provoquant le Syndrome de Rett. Il n’existe pas d’analogie dans l’autisme. Bien que de nombreux gènes soient aujourd’hui identifiés comme étant susceptibles de jouer un rôle dans la mise en place

37 d’un TSA, les combinaisons sont multiples dont certaines en mesure de compenser les effets induits par l’altération des gènes identifiés (Jamain, Bourgeron, Leboyer, 2005). Globalement, les auteurs s’accordent aujourd’hui sur le constat d’une anomalie du code génétique chez moins de 20 % des personnes présentant une forme d’autisme (Briault & Hébert, 2014 ; Miles, 2011). L’hypothèse est alors non pas qu’il n’y aurait pas d’élément génétique probant chez plus de 4 personnes avec TSA sur 5, mais plutôt qu’il nous reste encore de nombreux marqueurs à identifier. En effet, si l’attribution de moins de 20 % des cas d’autisme à des anomalies génétiques est parfois jugée surestimée par certains auteurs (Chamak, 2010), d’autres poursuivant leurs investigations font état d’une proportion encore plus forte, allant jusqu’à combiner des investigations de pointe1

permettant un diagnostic étiologique dans 35 à 40 % des TSA (Demily et al., 2016 ; Schaefer & Mendelsohn, 2013).

Pour synthétiser les nombreuses dimensions prises par les facteurs génétiques, il est fréquemment fait mention d’une origine pluri-génétique, insistant sur l’existence de plusieurs mécanismes contribuant à expliciter l’action de la génétique sur l’autisme. Globalement, les gènes contribuent à définir le plan de construction nécessaire au bon fonctionnement de l’organisme et, entre autre, du cerveau. En cas d’altération de certains gènes identifiés dans l’autisme, la construction du cerveau peut-être touchée (jouant sur son développement et sur les mécanismes attendus) au point de détériorer certains domaines de son fonctionnement. Il s’agit en particulier des mécanismes intervenant dans la transmission des informations, notamment au niveau des synapses, véritable point de liaison entre les neurones, permettant le transfert des informations par des mécanismes spécifiques (Berthoz et al., 2005 ; Gillet, 2013) Plusieurs syndromes génétiques sont aujourd’hui associés au TSA. Les individus porteurs de ces maladies génétiques ou anomalies chromosomiques présentent un haut risque d’être également porteur d’une forme d’autisme. Pour autant, ils ne représentent qu’une très faible proportion des personnes avec TSA (Poirier & Des Rivières-Pigeon, 2013 ; HAS, 2010).

Ces atteintes génétiques ou chromosomiques sont principalement les suivantes : - syndrome de Rett : par nature un TED et donc proche de l’autisme,

1 Les équipes du service de génétique de l’hôpital Necker à Paris déploient un vaste programme de diagnostics

étiologiques de l’autisme comprenant trois niveaux d’approche : standard (recherche des anomalies de l’X et caryotype de haute résolution ou CGH Array), avancé (puces de reséquençage ou panel de gènes) et de recherche (exome). La combinaison de ces trois approches permet de poser un diagnostic étiologique dans 35 à 40 % des TSA, la plupart des remaniements retrouvés sont de novo, c’est-à-dire non hérités des parents.

38 - syndrome du X-Fragile : autisme associé dans 10 à 25 % des cas (HAS, 2010), - syndrome de Down (Trisomie 21) : autisme dans 5 à 40 % des cas (Krieger, 2016), - syndrome de Prader-Willi : autisme dans 25,3 % des cas (HAS, 2010),

- syndrome d’Angelman : autisme dans 40 % des cas (HAS, 2010),

- sclérose tubéreuse de Bourneville : autisme dans 16 % des cas (HAS, 2010),

- syndrome de Di-Georges, délétion 22q11 : autisme dans 20 % des cas (HAS, 2010), - syndrome de Williams-Beuren : autisme dans 7 à 15 % des cas (HAS, 2010).

2.2. Origines Multifactorielles

La littérature met en évidence que de nombreux facteurs environnementaux pourraient intervenir au niveau pré-, péri ou postnatal : facteurs épigénétiques, pathologies infectieuses, perturbations hormonales influençant le développement du fœtus, traumatismes périnataux, prématurité etc. (Plumet, 2014). L’influence des facteurs environnementaux est régulièrement reprise et explorée dans la littérature sur l’autisme (HAS, 2010) et se retrouve également dans les publications plus récentes (Plumet, 2014 ; Yvon, 2014 ; Poirier & Des Rivières-Pigeon, 2013 ; Dede, 2012).

Les points essentiels (non exhaustifs), concernant les origines multifactorielles de l’autisme, sont les suivants :

 Les caractéristiques psychologiques et sociales des parents n’ont pas d’influence sur l’autisme éventuel de leur enfant : « Contrairement à ce qui a pu être cru dans le passé, il n’y a pas (…) de preuve supportant l’hypothèse que l’autisme serait causé par une éducation parentale déficiente ou inadaptée » (HAS, 2010, p. 30).

 Il n’y aurait pas de lien entre la survenue de l’autisme et la vaccination combinée rougeole-oreillons-rubéole (HAS, 2010).

 Selon la HAS (2010) il n’y a pas de lien entre l’autisme et la maladie cœliaque (entéropathie chronique, secondaire à une intolérance digestive au gluten, avec prédisposition génétique) ; cette maladie ne préservant pas de l’autisme, il est pour autant possible qu’un sujet présente les deux pathologies, sans qu’il n’existe de lien entre elles. Depuis, des études complémentaires précisent les choses : dans la population des personnes avec autisme, il n’y aurait effectivement pas plus de risque de présenter une maladie cœliaque que dans la population générale (risque estimé à 0,93 %). Néanmoins, dans une population de personnes présentant une maladie cœliaque, le risque est trois fois plus important de présenter une forme

39 d’autisme, c’est-à-dire de 3,09 % (Barcia et al., 2008 ; Ludvigsson, 2013). La situation serait ainsi analogue aux maladies génétiques et chromosomiques précédemment évoquées, dans le sens où, dans la population TSA il n’y a pas plus de risque de présenter la maladie, alors qu’il y a un risque plus important de présenter un autisme dans la population des individus porteurs de la maladie cœliaque.

 L’exposition à certains médicaments (notamment Thalidomide ou Valproate) est reconnue comme tératogène (susceptible d’engendrer des malformations et d’agir sur le développement du fœtus) et se trouve parfois associée à la survenue d’une forme d’autisme (Dede, 2012).

 Les polluants environnementaux sont de moins en moins négligeables vis-à-vis de leur influence contribuant à une augmentation des risques d’autisme avec un rôle soit contributif soit causal (Cazalis, 2014). Des études soulignent par exemple la responsabilité des pesticides organochlorés : multipliant par six le risque d’autisme chez les enfants dont la mère, durant la grossesse, vit à proximité d’un champ traité (Roberts et al., 2007). En 2014, Cazalis rapporte également que des résultats en faveur de l’influence de ces facteurs environnementaux sur l’autisme sont obtenus avec les polluants atmosphériques urbains (Windham et al., 2006) et avec les polluants des autoroutes (Volk et al., 2011). Notons également que les polluants, en tant que molécules de l’environnement susceptibles de perturber le développement du fœtus, s’apparentent ici à un dispositif « agressif » en mesure de produire les mêmes conséquences que celles identifiées par les mutations génétiques touchant le bon fonctionnement des synapses. L’interaction gènes-environnement est alors très forte et contribuent d’autant plus à augmenter les risques d’autisme (Amelio & Persico, 2005 ; Briault & Hébert, 2014 ; Cazalis, 2014).

2.3. Au-delà de l’étiologie

S’il est important d’identifier l’origine de l’autisme pour nous éclairer sur la compréhension des mécanismes à l’œuvre dans sa mise en place, les approches développementales, cognitives et comportementales du champ de la psychopathologie se focalisent davantage sur les mécanismes atypiques contribuant à l’évolution des personnes porteuses de TSA. Comme l’explicite clairement Plumet (2014), l’importance pour l’intervention consiste à saisir le plus finement possible le fonctionnement de l’individu et les chemins inhabituels que suit son développement. L’objectif est toujours de contribuer à optimiser son potentiel et à l’accompagner dans une compensation des effets de son handicap

40 pour limiter le plus possible le poids de l’autisme sur son évolution. Lui permettre d’évoluer dans un environnement adapté à ses particularités et respecter ses spécificités. Il n’est pas question de nier l’autisme ou de s’efforcer de transformer la vie de la personne qui en est atteinte pour qu’elle soit le plus proche possible de la vie d’une personne « ordinaire ».Plutôt, il s’agit d’intégrer ses besoins particuliers pour l’aider à évoluer dans le respect de ses intérêts, de ses forces et de ses faiblesses et à vivre sereinement avec son autisme -et non malgré son autisme- dans un but visant toujours l’amélioration de sa qualité de vie et de celle de ses proches.