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Prévision des tensions interfaciales liquide / vapeur des fluides de Lennard-Jones

De nombreuses études ont été réalisées sur le modèle de Lennard-Jones pour mo-déliser toute sorte de fluide. Si ce modèle attire l’attention, c’est qu’il offre l’avantage d’être très simple à mettre en oeuvre en simulation moléculaire. Il n’est pas possible de comparer directement les résultats de cette étude avec ceux d’autres études por-tant sur d’autres molécules modélisées par le même type de potentiel car les para-mètres du potentiel de Lennard-Jones utilisés ne sont pas les mêmes. Cependant, pour uniformiser les résultats des différentes études, et donc pouvoir comparer entre eux les résultats, il est possible d’utiliser les paramètres réduits de Lennard-Jones :

Tú = kBT

(4.4)

et

ú = “‡2

(4.5)

avec Tú et “ú la température et la tension interfaciale réduites. En reportant ces deux valeurs sur une courbe “ú = f(Tú), les résultats des simulations moléculaires doivent conduire à des points alignés sur une même courbe quelles que soient les

valeurs de ‘ et ‡ considérées.

σ σ σ σ

Figure 4.19Comparaison des résultats de plusieurs études portant sur des fluides de Lennard-Jones grâce aux coordonnées réduites.

Sur la figure 4.19 sont donc représentés les résultats de plusieurs auteurs. Gloor et al. [92] ont utilisé la méthode TA pour calculer des valeurs de tension interfa-ciale, en testant différents rayons de coupure. Leurs valeurs de tension interfaciale obtenues ne sont pas corrigées par un terme de correction à longues distances, et dépendent donc du rayon de coupure choisi. Les valeurs obtenues par Janecek [80] sont à l’inverse corrigées par un terme de correction. Ces valeurs coïncident avec nos résultats sur l’argon, tout comme ceux des travaux de Errington [122]. Les travaux de Ibergay [83], effectués sur le méthane, dans les mêmes conditions que l’étude sur l’argon rapportent également des résultats comparables.

À part les résultats de Gloor et al., toutes les études donnent des points situés sur une même courbe. Dans toutes ces études, un terme de correction à longues distances a été utilisé pour calculer la tension interfaciale. Il semble donc que

l’utili-σ σ σ σ σ σ

Figure 4.20Effet du rayon de coupure et des corrections à longues distances sur les valeurs de tension interfaciale des fluides de Lennard-Jones.

sation de telles corrections aurait conduit Gloor aux mêmes résultats que les autres études. Pour le vérifier, des simulation-tests ont été effectuées avec différents rayons de coupure, correspondant à 3,5 ‡, 4,4 ‡ et 5,4 ‡. Pour chaque simulation, la valeur de tension interfaciale non corrigée (en bleu) et la valeur corrigée (en rouge) sont représentées sur la figure 4.20. Les courbes correspondant aux valeurs de tension interfaciale non-corrigées dépendent du rayon de coupure, tout comme les résultats de Gloor. Un rayon de coupure de 3,5 ‡ donne ainsi les meilleures prédictions de tension interfaciale. Les trois courbes correspondant aux valeurs corrigées montrent qu’une fois la correction à longues distances appliquée, les valeurs de tension inter-faciale ne dépendent plus du rayon de coupure, et surestiment la tension interinter-faciale expérimentale de plus de 30 %.

Ainsi, toutes les études effectuées sur la prédiction de la tension interfaciale pour des fluides de Lennard-Jones conduisent à une surestimation de cette grandeur. Ce

modèle, bien que très efficace pour reproduire des masses volumiques, des pressions de vapeur saturante, ou des coordonnées critiques, ne permet donc pas de prédire de manière satisfaisante la tension interfaciale [123].

Afin de mieux comprendre pourquoi le potentiel de Lennard-Jones ne permet pas de prédire correctement à la fois les masses volumiques, les pressions de vapeur saturante et les tensions interfaciales du méthane ou de l’argon, il faut préciser com-ment fonctionne ce potentiel. Le potentiel de Lennard-Jones est un potentiel effectif qui a pour but de représenter toutes les interactions possibles entres les particules d’un système grâce à un seul potentiel à deux corps utilisant deux paramètres. Ces deux paramètres sont optimisés pour chaque molécule de manière a reproduire au mieux les masses volumiques, les pressions, et d’autres grandeurs parmi lesquelles ne figure pas la tension interfaciale.

Pour mieux décrire les interactions entres les particules d’un système, il est pos-sible d’utiliser des potentiels plus précis comme les potentiels à trois corps. Ces potentiels ne sont alors plus des potentiels effectifs, mais des potentiels paramétrés à partir de simulations à l’échelle quantique. L’énergie d’interaction totale du système est calculée comme étant la somme d’un terme d’interaction à deux corps, et d’un ou plusieurs autres termes à trois corps [124]. Une étude en cours réalisée par F. Goujon de l’équipe TIM à l’Institut de Chimie de Clermont-Ferrand montre que les enveloppes de phase et les tensions interfaciales de l’argon sont très bien reproduites en utilisant ce type de potentiel. Pour ce faire, il a alors fallu développer une expres-sion de la tenexpres-sion interfaciale spécifiquement adapté à ces potentiels. Ces travaux seront publiés prochainement.

1.6 Conclusions

Dans cette étude, les équilibres liquide / vapeur de corps purs de quatre molé-cules ont été étudiés par simulation moléculaire de type Monte Carlo. Ces simulations avaient pour but de valider des modèles pour la prédiction de tension interfaciale, mais aussi des masses volumiques, des pressions de vapeur saturante et des coordon-nées critiques. Ces simulations ont été réalisées selon deux approches : en interface explicite ou dans l’ensemble de Gibbs. Ces deux dernières donnent des résultats semblables, ce qui permet de confirmer le fait que le système en interface explicite

utilisé a des dimensions suffisantes pour avoir des phases bien développées et des interfaces indépendantes.

Les modèles choisis pour cette étude donnent globalement de bonnes prédictions concernant les masses volumiques liquide et vapeur, les pressions de vapeur saturante et les coordonnées critiques. Il faut cependant préciser que ces grandeurs expérimen-tales sont souvent celles qui servent à l’ajustement des potentiels d’interaction. Il semble donc normal de retrouver ces valeurs.

Avec ces quatre systèmes étudiés, une tendance intéressante peut être dégagée sur la qualité de prédiction de la tension interfaciale. Il semble en effet que plus la part électrostatique dans les interactions intermoléculaires est grande, meilleures sont les prédictions de tension interfaciale. En effet, les meilleures prédictions sont celles obtenues pour le modèle dioxyde de soufre, pour lequel la part d’interaction électrostatique atteint 50 %. Pour le dioxygène et le diazote, la part des interactions électrostatiques étaient que de quelques pourcents. Ces modèles conduisent à un écart moyen de 15 % avec l’expérience sur la tension interfaciale. Enfin, le modèle Lennard-Jones pour l’argon ne fait pas intervenir d’interaction électrostatique, et aboutit à des écarts avec l’expérience de plus de 35 % sur les valeurs de tension interfaciale.

La prédiction des tensions interfaciales de l’argon modélisé avec un potentiel de Lennard-Jones sur l’intervalle de température 90-125 K aboutit à une surestimation de plus de 35 % des valeurs calculées. Ce résultat est commun à d’autres études sur des fluides modélisés par le même type de potentiel lorsque des corrections à longues distances sont appliquées. Pour améliorer la prédiction, il faut modéliser l’argon avec un modèle un peu plus complexe, comme par exemple des potentiels d’interaction à trois corps.