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Prévision tendancielle de la demande de transport à Montréal

CHAPITRE 2 REVUE DE LITTÉRATURE ET CADRE THÉORIQUE

2.4 Prévision tendancielle de la demande de transport à Montréal

Contrairement à un grand nombre de villes, la planification des transports montréalaise n’a jamais reposé sur le très répandu « modèle à quatre étapes »5 mais s’est forgée sur une toute autre

approche, basée sur les données d’enquête Origine-Destination historiquement bien établies dans la région métropolitaine (Morency, 2015). L’objet de cette section est de proposer une synthèse de l’approche de modélisation de la demande de transport typiquement utilisée au MTMDET afin de nous l’approprier dans le cadre de notre développement méthodologique lié à la simulation de scénarios. Cette approche, dite de factorisation, repose essentiellement sur une déformation des facteurs de pondération pour reconstituer la population à l’horizon d’étude.

2.4.1 Les enquêtes Origine-Destination (OD) de la GRM

Depuis 1970, les collectivités de la Grande Région de Montréal (GRM) ont mis au point une forme d’enquête auprès des résidents pour obtenir des informations sur l’utilisation moyenne des réseaux de transports (Trépanier & Chapleau, 2001). Les premières pages du document « Enquête Origine-

Destination 2008, la mobilité des personnes dans la région de Montréal » produit par le Secrétariat

aux enquêtes Origine-Destination métropolitaines (AMT, 2009) permettent de cerner les principes généraux, les objectifs et la méthodologie de l’enquête réalisée en 2008 sur laquelle nous avons basé nos recherches. Nous renvoyons le lecteur à ce document pour obtenir davantage d’informations sur cette enquête régionale qu’il ne pourra en trouver dans le présent rapport. Tous les cinq ans, pendant l’automne, une entreprise a la charge de contacter aléatoirement des résidents de la GRM (5% des résidents environ) et de les questionner à propos de leurs déplacements du jour ouvrable précédent (origines, destinations, heures de départs, modes de transport utilisés…), de leur situation personnelle (âge, genre, type d’emploi, possession d’un permis de conduire…) et de la situation de leur ménage (taille du ménage, nombre d’automobiles à disposition, revenu…). Pendant l’entretien, qui se déroulait au téléphone pour l’enquête de 2008, on demande aussi à la personne enquêtée de répondre au questionnaire pour tous les autres

membres de son ménage. Suite à la collecte et à un traitement des données, on dispose d’une base de données regroupant trois tables en relation par l’identifiant des personnes et des ménages. Par l’intermédiaire des données récoltées, on est capable de décrire les déplacements de chaque personne enquêtée et de situer le ménage de cette personne avec ses caractéristiques propres. C’est en grande partie sur ces données, qui représentent la mobilité métropolitaine durant un « jour moyen de semaine d’automne » que s’appuient les différents organismes publics du transport ou les opérateurs de transport en commun à Montréal pour avoir une idée jugée représentative de la demande de transport dans la GRM. Dans le but d’extrapoler les données collectées à l’ensemble des habitants de la Grand Région de Montréal (GRM) et afin de tenir compte de certains écarts des caractéristiques globales de l’échantillon et de la population réelle, un poidsest attribué à chaque personne et à chaque ménage enregistré dans la base de données. La méthode de calcul de ce poids s’appuie, pour l’enquête OD de 2008, sur les données du recensement canadien de 2006 (AMT, 2009), mais il faut noter que celle-ci n’est pas invariante d’une enquête à l’autre (notamment entre 2003 et 2008 (AMT, 2009)). Dans les données qui nous ont été fournies par le MTMDET, le facteur de pondération utilisé se base sur un estimé de la population en 2008 réalisé par l’Institut de la statistique du Québec (ISQ).

2.4.2 Pondération des données d’enquêtes Origine-Destination (OD)

Dans les enquêtes Origine-Destination (OD), la pondération des personnes et des ménages intervient pour tenter de corriger les données du fait que la population échantillonnée ne présente pas exactement les mêmes caractéristiques que la population à l’étude pour permettre l’inférence statistique à l’ensemble de la population de référence6. À supposer, par exemple, que l’on ait

interrogé une proportion trop importante de personnes âgées par rapport à la proportion réelle de cette catégorie particulière dans la population de la région d’étude, on risquerait alors d’avoir des résultats faussés en extrapolant les comportements observés dans l’enquête du fait de la spécificité du comportement de mobilité de cette classe particulière de la population. Dans cet exemple, pour corriger le biais d’échantillonnage induit par le nombre trop important de représentants d’une classe

6 La population échantillonnée représente environ 5% de la population de la GRM dans les cas des enquêtes OD.

donnée, on cherchera à diminuer le poids des personnes âgées par rapport au poids des autres personnes. Au final, chaque personne de l’échantillon se voit attribuer un poids en fonction de ses attributs sociodémographiques dans l’optique de représenter au mieux la population de référence. En théorie, le facteur de pondération d’un certain segment région-groupe d’âge-sexe de population (hommes de 30 à 40 ans, femmes de 80 à 90 ans, femme de 40 à 50 ans qui réside dans le Plateau- Mont-Royal, etc.) s’obtient facilement dès lors que l’on connaît par ailleurs la proportion de ce segment de population dans la population à l’étude. Par exemple, si 70 000 hommes ont été échantillonnés parmi 150 000 personnes échantillonnées au total (répondants directs, ou personnes dans le ménage d’un répondant), soit 47% d’hommes dans l’échantillon d’enquête, et que l’on observe par ailleurs, avec une source externe de données fiable, que la proportion d’hommes dans la Grande Région de Montréal (GRM) est de 50%, soit 2 000 000 de personnes de sexe masculin parmi 4 000 000 de résidents, alors on va faire en sorte d’obtenir 50% d’hommes dans l’échantillon pondéré en attribuant un poids de 28,57 aux hommes alors que les femmes auront un poids de 25 seulement puisqu’elles représentent 80 000 personnes de l’échantillon. Ainsi, on reconstitue la population totale étudiée en appliquant les facteurs de pondération à chaque personne enquêtée : 28,57 ∗ 70 000 + 25 ∗ 80 000 = 4 000 000 de personnes à l’arrondi prêt du facteur de pondération.

En pratique, le recensement canadien produit des données de référence pour les personnes ainsi que les ménages et la méthode de pondération peut ainsi être appliquée en tenant compte de différentes caractéristiques des personnes échantillonnées et de la structure de leur ménage. Selon le document « Enquête Origine-Destination 2008, la mobilité des personnes dans la région de

Montréal » produit par le Secrétariat aux enquêtes Origine-Destination métropolitaines (AMT,

2009), la méthode de pondération de l’enquête Origine-Destination de 2008 s’effectue en deux temps : c’est d’abord l’ensemble des ménages qui fait l’objet d’un redressement, afin de garantir des proportions de typologies de ménages (selon la taille du ménage et l’âge des membres du ménage) conformes à celles du recensement de 2006, puis un poids est attribué à chaque enregistrement de personnes afin de respecter les proportions de personnes par groupe d’âge (AMT, 2009).

2.4.3 Utilisation des facteurs de pondération pour des fins d’analyse

Les facteurs de pondération sont utilisés pour toute analyse reposant sur les données d’enquêtes OD. Les facteurs de pondération des ménages s’appliquent dès que l’on cherche à établir une statistique relative à la mobilité des ménages de la GRM, comme par exemple le nombre de ménages motorisés dans un secteur particulier de Montréal ou encore le nombre de ménages dans une tranche de revenus particulière. Les facteurs de pondération des personnes, eux, s’appliquent pour le calcul de toute statistique portant sur la mobilité ou les caractéristiques des personnes de la GRM. Enfin, ce sont aussi les facteurs de pondération des personnes qui sont utilisés pour estimer des statistiques propres aux déplacements des personnes. Si une personne enregistrée s’est vue attribuer un poids de 25, par exemple, alors les déplacements qu’elle aura déclarés (ou que le membre répondant dans son ménage aura déclaré à sa place) compteront pour 25 déplacements identiques dans la GRM. En particulier, le mode de transport utilisé pour un des déplacements de cette personne comptera pour 25 déplacements dans ce mode de transport pour la GRM et si le motif de ce déplacement était d’aller travailler, alors on dénombrera 25 déplacements supplémentaires pour le motif « travail ».

2.4.4 Utilisation des facteurs de pondération pour des fins de modélisation

Au cœur d’une des méthodes que nous avons cherché à développer dans notre recherche, l’idée de jouer sur les facteurs de pondération à des fins de simulation n’est pas une idée nouvelle. En effet, le ministère des Transports (MTMDET) utilise déjà une telle méthode de factorisation afin d’établir des prévisions tendancielles sur la mobilité métropolitaine à travers son modèle de « prévision de

la demande en transport des personnes » (MTQ, 2016).

Pour tenir compte de la tendance de vieillissement de la population montréalaise entre les années 2008 et 20317 dans leurs prévisions, par exemple, la méthode employée consiste à corriger les

facteurs de pondération des personnes en fonction de l’âge (augmentation du poids des personnes âgées et diminution du poids des personnes plus jeunes) et résulte ainsi à un calage de la courbe de fréquence des âges observés dans l’échantillon à des données démographiques prévisionnelles

7 Cette tendance peut être observée et quantifiée par l’analyse des fichiers des enquêtes Origine-Destination successives

(provenant d’une analyse tendancielle ou d’une autre source de données) pour l’horizon 2031. En reconstituant la population que l’on pense vraisemblablement observer à un horizon de court ou moyen terme par l’intermédiaire des facteurs de pondération et en supposant que les comportements de mobilité ne changeront pas (analyse tendancielle), on obtient une estimation des mobilités à l’échelle métropolitaine pour l’horizon souhaité.

En pratique, les facteurs de pondération sont altérés en tenant compte non seulement de l’évolution de la démographie, mais aussi des statuts d’activité et de la motorisation dans des segments de population construits sur la base d’une agrégation par secteur de résidence, par genre et par groupe d’âge de 5 ans. Si l’on est capable d’estimer le nombre de personnes d’un certain segment de population à l’horizon de planification, ainsi que le nombre de travailleurs et le taux de motorisation dans ce segment, alors le nouveau facteur de pondération s’obtient en multipliant le facteur initial par les quotients des différentes variables (rapport des valeurs projetées et des valeurs courantes). La formule suivante, issue d’une présentation du MTQ (2016), résume le calcul du facteur de pondération à l’horizon 2031, basé sur l’enquête Origine-Destination de 2008 :

𝐹

𝑡𝑠𝑔2031

= 𝐹

𝑡𝑠𝑔2008

∗ (

𝑃𝑡𝑠𝑔 2031 𝑃𝑡𝑠𝑔2008

) ∗ (

𝑆𝑡𝑠𝑔2031 𝑆𝑡𝑠𝑔2008

) ∗ (

𝑀𝑡𝑠𝑔2031 𝑀𝑡𝑠𝑔2008

)

Où : 𝑃 = 𝑃𝑜𝑝𝑢𝑙𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 ; 𝑆 = 𝑆𝑎𝑡𝑢𝑡 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑝𝑒𝑟𝑠𝑜𝑛𝑛𝑒 ; 𝑀 = 𝑚𝑜𝑡𝑜𝑟𝑖𝑠𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 Et : 𝑡 = 𝑡𝑒𝑟𝑟𝑖𝑡𝑜𝑖𝑟𝑒 𝑑𝑒 𝑟é𝑠𝑖𝑑𝑒𝑛𝑐𝑒 ; 𝑠 = 𝑠𝑒𝑥𝑒 ; 𝑔 = 𝑔𝑟𝑜𝑢𝑝𝑒 𝑑’â𝑔𝑒

Suite à la mise à jour des facteurs de pondération selon la formule précédente, un algorithme de Furness est appliqué dans le but de redistribuer les déplacements à motif « travail » pour garantir la cohérence des prévisions avec l’évolution prévisionnelle de l’emploi dans les différents secteurs de la région métropolitaine. L’engouement pour le transport actif et le transport collectif est modélisé par une facteur d’ajustement indépendant appliqué aux nouveaux facteurs d’expansion (MTQ, 2016).

En théorie, cette approche de prévision par factorisation des données pourrait faire appel à d’autres variables pertinentes pour infléchir la mobilité métropolitaine. Les données disponibles peuvent cependant demander de privilégier certaines variables plutôt que d’autres dans le modèle. Dans le modèle de prévision du MTMDET, les variables sont aussi sélectionnées pour leur robustesse dans le paradigme d’une modélisation tendancielle la plus objective et la plus neutre possible.