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Prévention de la transmission complémentaire au contrôle vec- vec-toriel

sonnée de la maladie de Chagas

6.3.1 Prévention de la transmission complémentaire au contrôle vec- vec-toriel

Les étapes de la transmission : points de contrôle éventuels La chaine de transmission de la maladie comporte trois agents : 1. L’hôte

2. Le vecteur 3. Le parasite

La prévention se concentre actuellement sur le contrôle du vecteur. Cette position était entièrement légitime tant qu’il s’agissait d’éliminer des vecteurs strictement domi-ciliés dont l’élimination était réalisable pour un coût accessible. Aujourd’hui, les popu-lations non strictement domiciliés de vecteurs ont un rôle primordial dans la transmis-sion de la maladie et nous avons montré que leur élimination est loin d’être aussi simple.

Rôle et contrôle des hôtes

Nous avons vu en introduction que le parasite peut théoriquement être transmis di-rectement aux mammifères par les opossums (p.18). Cette découverte a tout de suite amené à supposer que les épidémies locales de Chagas clairement associé à une conta-mination orale soit le fait de déjection d’opossums dans l’alimentation (Lenzi et al., 1984). Depuis, cette hypothèse a pu être reprise (Shikanai-Yasuda et al., 1991) mais sans que soit éliminée la possibilité d’un insecte écrasé dans l’alimentation, hypothèse qui reste la plus couramment soutenue (Pereira et al., 2009).

Une donnée indirecte renforce cette indication que les opossums sont de piètres vecteurs : les populations d’opossum qui ne sont pas associés à des Triatominae ne semblent pas présenter le parasite (Zeledón et al., 1975 ; Ceballos et al., 2006). Il semble donc peut probable que les opossums soient à l’origine d’une transmission régulière de la maladie à l’homme. Il n’est donc pas utile de développer des méthodes de lutte spécifiquement contre la transmission directe par l’opossum et a fortiori par les autres hôtes.

La transmission directe étant écartée, les hôtes interviennent à deux niveaux dans le système, d’une part en maintenant les populations de Triatominae et d’autre part en permettant l’infection du vecteur.

Les Triatominae étant extrêmement généralistes, une grande partie des animaux sy-nanthropiques sont susceptibles de favoriser le développement de populations de Tri-atominae : volailles, animaux de compagnie, rongeurs. Ce n’est pas le lieu de présenter une bibliographique détaillée sur le sujet, mais une telle étude devrait aisément mettre en évidence que deux genres sont particulièrement impliqués dans le maintien des Tri-atominae non-domiciliés dans l’espace domestique et péri-domestique : le genre Canis (chiens) et le genre Didelphis (opossums), voir par exemple (Zeledón et al., 2005) pour T. dimidiata au Costa Rica ; (Ramsey et al., 2005) pour T. pallidipennis au Mexique ; (Gürtler et al., 2009a) pour T. infestans dans le Gran Chaco ; citepSantos2005 pour T. vitticepsau Brésil ou (Valente et al., 1998) pour P. geniculatus dans le bassin amazo-nien.

Bien que les rongeurs puissent parfois être des réservoirs importants (Zeledón et al., 1975), ces mêmes genres Canis et Didelphis sont les plus importants réservoirs du para-site. Ils fournissent en effet la grande majorité des hôtes infectés dans l’ espace domes-tique et l’espace péri-domesdomes-tique (Zavala-Velázquez et al., 1996 ; Ramirez et al., 2002 ; Vasquez et al., 2004 ; Pineda et al., 2008 ; Dias et al., 2008a).

A titre d’exemple, on notera que dans la zone que nous avons étudié, la pénin-sule du Yucatan, Didelphis virginiana est fréquents à la saison sèche dans l’espace péri-domestique (Ruiz-Pina & Cruz-Reyes, 2002) et que l’augmentation saisonnière des abondances mais aussi des taux d’infection des Triatominae y est directement liée (Ruiz-Pina & Cruz-Reyes, 2002). En ce qui concerne le chien, Cohen & Gürtler (2001)

des vecteurs et par augmentation de leur infectiosité (Cohen & Gürtler, 2001). Ce der-nier aspect est directement lié au fait que les chiens infectés sont estimés transmettre 10 à 100 fois mieux la maladie que les hommes (Campos-Valdéz et al., 2001).

Ainsi, les opossums et les chiens sont non seulement fortement infectés mais aussi fortement capables de transmettre l’infection, ce qui a été mis en évidence théorique-ment comme un facteur majeur de maintient du parasite dans les populations par De-villers et al. (2008). Dans la mesure où une proportion importante des vecteurs non-domiciliés vient de l’espace péri-domestique, une diminution des populations de chiens et d’opossums à proximité des maisons à la fois exercer un contrôle sur les popula-tions de Triatominae mais aussi réduire drastiquement la transmission du parasite aux Triatominae et par suite aux habitants.

Des études sur la biologie des hôtes et particulièrement des opossums se justifie-raient donc pour identifier comment limiter ces populations. Une première piste pourrait être la déforestation ou au moins l’élimination des arbres morts (Ceballos et al., 2006). Pour les chiens l’élimination pourrait poser plus de difficultés mais les populations de-vraient être sensibilisés à l’importance de les maintenir à l’extérieur des habitations dès qu’il y a domiciliation au moins partielle des vecteurs (Cohen & Gürtler, 2001 ; Enger et al., 2004 ; Cohen et al., 2006 ; Pereira et al., 2006). Enfin, au cas où la vaccination apparaissait pour les chiens (Quijano-Hernandez et al., 2008), elle pourrait être envi-sagée non seulement pour son intérêt vétérinaire mais aussi pour son intérêt dans la prévention.

Vers une modélisation intégrée de la transmission

Après avoir montré la pertinence et l’efficacité de l’approche de modélisation dans la lutte contre les populations de vecteurs non-domiciliés de la maladie de Chagas il serait intéressant d’associer à un modèle simplifié de la dispersion des Triatominae un modèle de transmission du parasite intégrant les données évoquées ci-dessus, à l’image de ce qui a pu être développé pour des populations domiciliées (Cohen & Gürtler, 2001).

Nous avons montré dans notre étude sur les stratégies mixtes comment la démo-graphie peut être simplifiée, les déplacements des vecteurs pourraient être simplifiés de manière similaire et il serait possible pour la partie transmission de s’appuyer sur les comportements caractéristiques dégagés par Devillers et al. (2008).

Un objectif majeur de ce type de modèles intégrés serait d’éviter des effets pervers du contrôle. Il serait dommageable, pour prendre un exemple fictif catastrophique, que l’élimination des populations péri-domestiques d’hôtes ou de vecteurs induisent une immigration massive de populations d’hôtes ou de vecteurs en moyenne plus infestées par le parasite. En se focalisant sur le contrôle du parasite, ce type de modèle inté-grant l’expansion du parasite et sa transmission permettrait aussi d’être plus tolérant au développement de populations d’hôtes et même de vecteurs, tant qu’il n’y a pas dé-veloppement du parasite. Cela pourrait permettre d’espacer les mesures de contrôle et

sion suffisamment forte sur les vecteurs, les chiens et les opossums pour que le système péri-domestique voit son niveau d’infection diminuer fortement, à l’image de ce qui a été observé dans un contexte de vecteurs domestiqués en Argentine (Ceballos et al., 2006)et conformément à ce qui est prédit par la théorie lorsque les hôtes à forte capacité de transmission comme l’opossum et le chiens sont peu présents (Devillers et al., 2008). Une fois le parasite éliminé du système, les actions de prévention pourraient soit être maintenues au niveau permettant d’éviter un retour du parasite soit appliquées unique-ment lorsque le parasite commence à revenir chez les hôtes réservoirs, suivant ce qui est le plus économique.

Possibilités de maitrise de la transmission à l’homme

Pour envisager l’ensemble des étapes de la transmission, il faut aussi s’interroger sur la transmission du parasite à l’homme. Le stéréotype couramment admis pour la transmission suppose que le dormeur est piqué en début de nuit puis qu’il s’infecte lorsque les fèces infectés sont mis au contact du point du piqure ou éventuellement des yeux.

Ce stéréotype a cependant commencé à être sérieusement battu en brèche par Pereira et al. (2009), qui démontrent que la transmission orale est assez répandue, au moins au Brésil. Plus généralement, il me semble qu’il est peu tenu compte de ce que la transmis-sion de la maladie de Chagas ne se fait pas par voie antérieure, directe mais par voie pos-térieure, indirecte. Contrairement à la malaria et à bien d’autres maladies vectorielles, la maladie de Chagas n’est pas transmise directement lors de la piqure, la transmission implique une action, involontaire, du nouvel hôte. Il doit se gratter, manger ou se frotter les yeux avec les selles infectés de l’insecte pour permettre au parasite de l’infecter. Au delà de rendre la probabilité d’infection très faible (Rabinovich et al., 1990) l’aspect indirect de la transmission pourrait permettre un contrôle de la transmission à l’homme en tant que telle.

Plusieurs indices me semblent indiquer que la pénétration au point de piqure n’est pas majoritaire dans les infections. Examinons d’abord les indices concernant l’impor-tance de la pénétration par les muqueuses oculaires (le signe de Romaña, cf.236). L’ar-ticle initial de Cecilio Romaña indiquait que ce signe était présent dans 66% des cas de Chagas qu’il observait (cité d’après Lugones (2002)), par la suite, c’est principalement ce signe qui a permis la prise de conscience généralisée de l’importance de la maladie en Amérique latine (Delaporte, 1997) et depuis, en Argentine au moins, c’est 80 à 90% des cas de Chagas aigüe diagnostiqués qui présentent le signe de Romaña Lugones (2002). Quelques études quantifiant de manière extensives des cas de Chagas mentionnent le signe de Romaña dans plus de 40% des phases aigüe soit au moins 10 fois plus que les chagomes, signant eux l’entrée par le point de piqure (Parada et al., 1997 ; Añez et al., 1999).

précédemment citées, aucun point d’entrée du parasite ne soient identifié chez un grand nombre de patients. Ces deux modes d’acquisition du parasite, oculaire et buccal se-rait alors à eux deux très largement majoritaires. Du fait que les fèces secs ne sont pas infectieux (Miles, 2010), la transmission peut alors être décrite dans la très grande ma-jorité des cas comme associée à ce qu’un dormeur piqué en début de nuit porte ses mains souillés à la bouche ou aux yeux pendant son sommeil ou peu après son réveil. Cette hypothèse permet entre autre de mieux comprendre que les jeunes enfants soient particulièrement exposés à l’infection (Moncayo & Yanine, 2006).

L’éducation des jeunes enfants à ne porter les mains ni aux yeux ni à la bouche dès le plus jeune âge peut paraître difficile, peut-être même est-elle déjà largement assurée par les habitants. L’impact potentiel d’une telle mesure et la gratuité de son application méritent tout de même que l’on s’en assure. En parallèle, il serait intéressant d’iden-tifier le temps nécessaire au parasite pour pénétrer les muqueuses, en effet, si celui-ci est suffisamment important un traitement oculaire ou oral anti-parasitaire pourrait être administré au réveil lorsque des fèces de Triatominae sont observés au réveil.

En l’état actuel de nos connaissances, les possibilités d’action sur l’étape de trans-mission à l’homme du parasite reste cependant restreintes et ne peuvent avoir qu’un rôle complémentaire des mesures déjà proposées. De manière générale, si l’étude du cycle du parasite et de la transmission peuvent ouvrir des pistes pour la prévention, la préven-tion par contrôle du vecteurs, appuyée par le contrôle des hôtes, devrait rester centrale dans la prévention de la maladie de Chagas.