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1. Introduction 1!

1.1. Cancer de la prostate 1!

1.1.5. Prévention du cancer de la prostate 27!

“Prevention is so much better than healing because it saves the labor of being sick.” Thomas Adams, 1918 L’hypothèse en vogue de la carcinogenèse prostatique est une séquence d’étape moléculaire induite par des changements génétiques et épigénétiques qui dérèglent des cascades contrôlant la balance entre la prolifération et la mort cellulaire. La présence de lésions précurseurs qui représentent les stades intermédiaires entre des cellules normales et malignes, jusqu’à au moins vingt ans avant l’apparition du cancer, et la notion que l’incidence du cancer de la prostate et de tous les cancers dépend de l’âge, suggèrent que la carcinogenèse survient lentement sur un long intervalle de latence. En théorie, ceci donne l’opportunité d’intervenir avant que la néoplasie maligne soit établie avec des interventions diététiques, des changements des habitudes de vie (diète, tabagisme, exercice), ou par chimio-prévention. Ceci est défini comme l’utilisation des produits naturels ou synthétiques ayant pour objectif de renverser, d’inhiber ou de prévenir le développement du cancer. L’objectif primaire de la chimio-prévention est de diminuer l’incidence d’un cancer en particulier et en même temps de réduire les effets secondaires reliés au traitement, ainsi que ultimement la mortalité. L’agent utilisé pour la chimio-prévention doit être efficace, non toxique et ciblé sur les cascades moléculaires impliquées dans la carcinogenèse.

Le cancer de la prostate de par son incidence élevée, sa prévalence encore plus élevée et par une mortalité non négligeable, est un cancer attrayant pour la prévention primaire.

1.1.5.1. Les inhibiteurs de la 5-alpha-reductase

Le champ de la prévention du cancer de la prostate a vécu un changement révolutionnaire par deux études publiées dans les derniers sept ans à propos d’effets de médicaments inhibiteurs de la 5-alpha-réductase sur l’incidence du cancer de la prostate. La première étude, la Prostate Cancer Prevention Trial (PCPT), a démontré une réduction de 25% de la survenue de cancers de la prostate sur une période de sept ans d’interventions avec la finastéride versus un placebo154. La prévalence de tumeurs de grade élevé (7 à 10) était plus grande dans le groupe finastéride que dans le groupe placebo (6.4% versus 5.1%). Les effets sexuels étaient plus communs avec la finastéride alors que les symptômes urinaires étaient plus communs avec le placebo. La deuxième étude similaire, l’étude

Reduce a démontré sur une période d’étude de quatre ans, que la dutastéride réduit le risque

d’incidence de cancer de la prostate détecté à la biopsie de 23%. Il y avait plus de tumeurs de grade élevé dans le groupe dutastéride. Il y avait moins de symptômes urinaires dans le groupe dutastéride. Il y avait davantage de dysfonction érectile avec la dutastéride155.

Ces grandes études randomisées contrôlées ont démontré des résultats très similaires et ont établi l’efficacité des inhibiteurs de la 5-alpha-réductase pour prévenir le cancer de la prostate. À noter qu’il persiste une controverse quant à la possible augmentation des cancers de haut grade pour lequel une série d’explications existe et l’explique probablement. L’autre point de débat est au sujet de la pertinence clinique des cancers de la prostate qui sont réellement prévenus, soit ceux de bas grade (Gleason inférieur à 7 sur 10). Ces cancers sont ceux qui menacent le moins la vie du patient car la majeure partie est de forme indolente. Toutefois, d’un point de vue santé publique, cette approche de chimio- prévention est attrayante parce que le nombre de traitements curatifs serait diminué de près du quart, soit la réduction du nombre de cancers diagnostiqués par l’utilisation de la médication. En effet, une majeure partie des hommes diagnostiqués avec un cancer de la prostate de bas grade reçoit un traitement curatif malgré une absence de menace pour la vie, et une minorité est placée sous un protocole de surveillance.

1.1.5.2. Les autres agents de prévention

Le sélénium et la vitamine E ont été étudiés dans l’étude SELECT. Il s’agissait d’une étude de phase III randomisée contrôlée à l’aveugle avec un devis d’étude basé sur la population, conçue pour tester l’efficacité du sélénium et de la vitamine E seul ou en combinaison pour prévenir le cancer de la prostate. Les résultats de cette étude ont été publiés d’une manière prématurée en 2009 puisque les substances seules ou en combinaison n’ont pas prévenu la survenue du cancer de la prostate156. Ces trouvailles ont révolutionné le monde de la prévention et ont engendré tout un débat. En effet, les essais randomisés contrôlés sont particulièrement limités à l’intervention qu’ils testent. Dans ce cas-ci, la dose et les préparations pharmacologiques utilisées ont fait l’objet de tout un débat.

La même année, étaient publiés des résultats de l’étude randomisée contrôlée de la

Physicians’ Health Study II.157 Celle-ci évaluait l’effet de la vitamine C et E dans un devis factoriel pour prévenir le cancer de la prostate et l’ensemble des cancers chez les hommes. Cette étude fut aussi négative.

Ces résultats étaient surprenants compte tenu du niveau de preuves des études précédentes. Ces deux études ont non seulement remis en question les doses et les préparations pharmacologiques des interventions qui ont été étudiées mais aussi ont établi que la prévention du cancer ne pourrait pas se faire de la même façon chez tout le monde. En effet, les susceptibilités génétiques interindividuelles à certaines substances varient grandement. Le niveau basal des substances potentiellement bénéfiques étudiées peut aussi varier. Par exemple, les taux sériques d’alpha-tocophérol (vitamine E) peuvent varier beaucoup alors que la fenêtre bénéfique thérapeutique est assez étroite. On imagine facilement que la même dose de vitamine E puisse ne pas atteindre la fenêtre thérapeutique potentielle chez plusieurs individus alors qu’elle peut amener d’autres individus dans la zone toxique.

Enfin, une multitude d’études épidémiologiques suggèrent que certaines substances puissent exercer un effet préventif sur le cancer. La diète pourrait jouer un rôle avec le poisson et les acides gras oméga-3 d’origine marine158, les tomates et les lycopènes159, le

soya et les isoflavones160 ainsi que le thé vert et les catéchines161 pourraient toutes entraîner une réduction du risque du cancer de la prostate. Aussi, des médicaments pourraient jouer ce rôle : les anti-inflammatoires non stéroïdiens162, en particulier, les inhibiteurs COX2 spécifiques163. Les modulateurs sélectifs du récepteur de l’estrogène, comme le torémifène, semblent avoir un effet dans les modèles animaux.13, 164