• Aucun résultat trouvé

1. Introduction 1!

1.1. Cancer de la prostate 1!

1.1.3. L’hypothèse causale inflammatoire 18!

1.1.3.1. L’hypothèse globale

L’hypothèse à propos des mécanismes sous-tendant la causalité du cancer de la prostate, qui est certainement la plus étudiée de par le monde, est sans contredit celle de l’inflammation chronique. L’inflammation chronique peut mener à l’hyper-prolifération cellulaire afin de réparer les tissus endommagés. Cette inflammation peut mener au développement de cancers classiquement associés aux infections tels que les cancers du côlon, de l’œsophage, de l’estomac, de la vessie et du foie79, 80. Des études actuelles supportent un processus similaire dans le développement du cancer de la prostate. Ces évidences sont de nature épidémiologique, histologique, génétique et interactive entre ces différentes variables. L’histoire scientifique qui se déroule au cours de la présente décade, qui est celle du gène HPC1, de l’enzyme RNASEL et de l’infection virale en est un bel exemple.

L’hypothèse étiologique infectieuse du cancer de la prostate trouve de plus en plus d’appui dans la littérature. Deux méta-analyses ont rapporté des associations statistiquement significatives entre le cancer de la prostate et l’antécédent d’infections transmises sexuellement (risque relatif 1.4) ou de prostatite (ratio de cote 1.57)59, 81. Des associations positives entre le taux d’anticorps contre la syphyllis, le virus du papillome humain et l’herpès virus 8 humain et le cancer de la prostate supportent cette hypothèse 80. Un taux plasmatique élevé de cytokines pro-inflammatoires semble conférer un risque de cancer de la prostate accru. Des pathogènes viraux ont été isolés et mis en évidence dans les tissus prostatiques humains qui incluent des polyomavirus et des virus de papillome humain ainsi que des cytomégalo virus82, 83.

D’autres sources d’inflammation intra-prostatique telles que des lithiases ou du reflux d’urine intra-prostatique ont aussi été proposées. Ces infiltrats inflammatoires peuvent mener à des lésions appelées de l’atrophie inflammatoire proliférative (Proliferative Inflammatory Atrophy, PIA) et sont fréquemment retrouvées dans les spécimens prostatiques84. Le processus inflammatoire intrinsèque à ces lésions a été bien décrit et se retrouve limité à ces zones anormales et non pas dans l’épithélium sain85. L’hypothèse est que ces lésions de PIA puissent se transformer en néoplasie intra- épithéliale prostatique. Cette trouvaille pathologique surtout lorsqu’elle est de haut grade représente l’équivalent d’un carcinome in situ de la prostate. Celle-ci est considérée comme un stade pré-malin du développement du cancer de la prostate.

Les mécanismes de défense cellulaire contre le processus inflammatoire incluent les enzymes antioxydantes qui transforment l’oxygène réactif et les espèces nitrogéniques (ce qui mène à la prévention des mutations du génome), les enzymes de réparation de l’ADN muté et l’habilité de suivre le chemin de l’apoptose si le dommage à l’ADN est trop sévère. Une analyse des gènes de susceptibilité connus pour le cancer de la prostate suggère que les mutations acquises ou transmises dans les gènes responsables des mécanismes de défense cellulaire contre l’infection et le stress oxydatif permettraient au cancer de la prostate de se développer. Un modèle intégré peut être proposé liant l’inflammation chronique et les défauts dans les capacités cellulaires de réparation aux différents niveaux mentionnés. Les concepts le supportant sont les suivants86 :

a) Les défauts de deux gènes de susceptibilité (HPC1/RNASEL et SR- A /MSR1) prédisposent les souris aux infections;

b) Les infections à inflammation chronique font la promotion de la synthèse de neuf gènes réactifs et des espèces nitrogéniques induisant un stress oxydatif;

c) L’évidence histologique de la présence et de la réponse inflammatoire quantifiée en terme d’infiltrant et de foyers d’atrophie inflammatoire proliférative est importante;

d) Les défauts dans les enzymes antioxydantes PON1 et GSTP1 facilitent le dommage oxydatif de l’ADN;

e) Les défauts dans les gènes SR-A/MSR1 et MIC1 permettent une réponse inflammatoire sans restriction;

f) Les défauts dans le gène RNASEL permettent aux cellules d’échapper aux mécanismes normaux du processus d’apoptose ce qui résulte en l’établissement de l’expansion clonale des cellules malignes.

Cette hypothèse donne un banc de travail pour les études expérimentales futures mais aussi donne la rationnelle théorique pour utiliser les agents antioxydants ou anti- inflammatoires comme agents de chimioprévention du cancer.

1.1.3.2. Précisions à propos de la cascade inflammatoire

Les sources potentielles d’inflammation intra-prostatique incluent la diète87, les infections bactériennes59, 88, les infections virales89, 90 et les reflux d’urine intra- prostatiques91, 92.

L’inflammation chronique pourrait jouer un rôle sur le développement et la progression tumorale par différents mécanismes :

a) La mutagenèse causée par le stress oxydatif généré par la réponse immune aux pathogènes et aux autres agressions;

b) Le recrutement de cellules immunitaires;

c) L’induction de cytokines et de facteurs de croissance pouvant contribuer à stimuler un environnement prolifératif et angiogénique.

De nombreux gènes et facteurs de transcription qui jouent un rôle dans l’immunité innée et dans l’inflammation ont été associés au cancer de la prostate. Ces gènes incluent les récepteurs de reconnaissance des patrons extracellulaires (PRR) MSR193-99 et les toll- like (TLR). Les TLR sont une classe de protéines qui jouent un rôle clé dans l’immunité innée puisqu’ils reconnaissent les molécules antigéniques dérivées des microbes et activent

les réponses cellulaires immunitaires. Les TLR4100, 101, le locus TLR1, 6, 10 102, et TLR5103; le gène antiviral RNASEL51, 98, 104-107; les gènes contrôlant la production des cytokines macrophages inhibitory cytokine-1 (MIC1)97, IL8108, tumor necrosis factor-alpha (TNF-")109, 110 et l’antagoniste du récepteur IL1 (symbole du gène IL1RN) aussi appelé IL1 inhibiteur IRAP (IL1 Receptor Antagonist Protein) : IL1 inhibitory activity103, 111.

Le gène pro-inflammatoire COX2 a aussi été associé à la carcinogenèse prostatique112, 113. L’équipe du Dr Witte, le laboratoire où j’ai travaillé à San Francisco, a récemment montré que la variation génétique de COX2 était associée au risque de cancer agressif de la prostate114. Les études de biomarqueurs supportent aussi l’association d’un statut pro-inflammatoire avec le développement du cancer de la prostate : des taux circulants plasmatiques élevés de marqueurs pro-inflammatoires comme les cytokines IL1- beta et TNF-alpha – ainsi que des marqueurs anti-inflammatoires – ont été associés au risque de cancer de la prostate dans des études de devis cas seulement et de cas contrôle115- 117. Enfin, les facteurs de transcription jouent un rôle important dans le contrôle de l’appareillage cellulaire. NF-kappa-B est un facteur de transcription pléiotropique, actif dans le noyau, lorsque exprimé dans de très nombreux types cellulaires. Il est stimulé et activé par une variété très grande de stimuli inflammatoires. Les travaux de l’équipe du laboratoire du Dr Fred Saad, dont ceux que j’ai pilotés118, ont démontré que NF-kappa-B était un prédicteur de la récidive de cancer post-prostatectomie de stade pT3. Ces études ainsi que les travaux dirigés par les autres membres de l’équipe caractérisant les mécanismes de contrôle de la signalisation cellulaire impliquant NF-Kappa-B119-121 ont contribué à l’établissement de la cascade NF-Kappa-B comme un des liens reconnus et grandement étudié reliant l’inflammation au cancer122.

Si les dérèglements cellulaires entraînant des situations pro-inflammatoires semblent importants, bloquer la réaction inflammatoire semble aussi avoir un effet protecteur sur le cancer. En effet, plusieurs études épidémiologiques ont lié la consommation d’aspirine et d’autres anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) à une réduction du risque de cancer de la prostate123, 124. Les AINS inhibent les enzymes COX et

réduisent donc les produits pro-inflammatoires qui en résultent, mais pourraient aussi avoir d’autres mécanismes d’action. L’équipe du laboratoire du Dr Witte a récemment observé que l’effet protecteur des AINS sur le cancer de la prostate était modifié par la variation génétique de l’info toxine alpha (LTA)125.

1.1.4. Considérations endocrinologiques moléculaires pour l’étiologie du