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1.2. LE FARDEAU ET LE STRESS DE L’AIDANT

1.3.2. La détérioration de la santé psychique des aidants

1.3.2.1. Prévalence de la psychomorbidité et facteurs associés

L’augmentation de la psychomorbidité et du stress perçu ainsi que la diminution du bien-être et de l’efficacité personnelle, bien établies chez les aidants familiaux par rapport aux non-aidants, sont d’autant plus marquées lorsque la personne malade souffre d’une pathologie démentielle plutôt que d’un handicap physique (Pinquart et Sörensen, 2003a).

La prévalence des troubles varie sensiblement d’une étude à l’autre : la dépression oscillant entre 18% et 55 %, l’anxiété entre 9% et 35,4% et la prise de psychotropes entre 6 et 31 %, selon les méta-analyses de Schulz et al. (1995) et Carretero et al. (2009). Les taux les plus bas sont observés dans les échantillons représentatifs, issues d’études de cohortes dans la population générale au contraire des sujets recrutés par les réseaux gérontologiques ou associations spécialisées (Schulz et al., 1995).

78 Kerhervé, H., Gay, M., & Vrignaud, P. (2008). Santé psychique et fardeau des aidants familiaux de personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou de troubles apparentés. Annales Médico-Psychologiques, 166(4), 251-259.

63 Les antécédents psychiatriques

Aucune étude prospective chez les aidants ne permet d’évaluer les antécédents psychiatriques comme facteur de vulnérabilité. Russo et Vitaliano (199579) constatent une augmentation de la prévalence de l’anxiété et de la dépression chez les époux aidants (N = 82) en cas d’antécédents.

Dura et al. (1991, in Schulz et al., 1995) n’observaient pas cet effet chez les aidants enfants. Enfin Neundorfer, Mc Clendon, Smyth, Strauss, & Mc Callum (200680) observent même des résultats contraires. Ils étudient la dépression avant et pendant l’aide, afin de vérifier le modèle de vulnérabilité de la dépression (N = 111). Contre toute attente les résultats des régressions ne montrent pas de lien entre les symptômes dépressifs durant l’aide et ceux antérieurs à l’aide (symptômes ou syndromes). Mais des effets d'interaction sont observés : la présence d’un syndrome dépressif antécédent (pas les seuls symptômes) combinée à une plus grande dépendance du proche conduisent à moins de dépression durant l’aide. Ces résultats inattendus ne montrent pas de facteur de vulnérabilité dû aux antécédents dépressifs.

Les facteurs socio-démographiques

Comme dans la population générale, les facteurs socio-démographiques, les revenus bas notamment, ont un poids sur la santé physique et psychique (Pinquart & Sörensen, 200081). En revanche le rôle du genre, soit la question de la vulnérabilité des femmes, est particulièrement controversé.

Le genre

Zarit et al. (1986) ont d’abord évoqué une possible sous-évaluation fardeau ou une meilleure tolérance aux troubles chez les hommes, avant de constater d’importants conflits liés au rôle chez les femmes.

La dépression et le fardeau sont plus marqués tandis que le bien-être diminue chez les aidantes mais

79 Russo, J., & Vitaliano, P. P. (1995). Psychiatric disorders in spouse caregivers of care recipients with Alzheimer's disease and Matched Controls: A Diathesis-Stress Model of Psychopathology. Journal of Abnormal Psychology, 104(1), 197-204.

80 Neundorfer, M. M., McClendon, M. J., Smyth, K. A., Strauss, M. E., & McCallum, T. J. (2006). Does depression prior to caregiving increase vulnerability to depressive symptoms among caregivers of persons with Alzheimer's disease? Aging & Mental Health, 10(6), 606-615.

81 Pinquart, M., & Sörensen, S. (2000). Influences of Socioeconomic Status, Social Network, and Competence on Subjective Well-Being in Later Life: A Meta-Analysis. Psychology and Aging, 15(2), 187-224.

64 ces différences s’expliquent par l’implication en temps et soins personnels et non par le genre (Yee & Schulz, 200082 ; Pinquart et Sörensen, 2006). Par ailleurs à temps d’investissement égal, la meilleure situation des hommes, chez les conjoints par exemple, s’explique par la nature des soins prodigués, les femmes étant plus impliquées dans les soins personnels, mais aussi par l’adéquation entre les besoins d’aide du conjoint malade et les propres besoins du conjoints aidant (N = 315, Pruchno & Resch, 1989). Ainsi un époux aidant peut s’accommoder plus facilement de la responsabilité d’un proche, rôle social masculin, l’aide peut correspondre à un besoin de retour vers la sphère familiale. Inversement après s’être consacrées à leur famille durant la première partie de leur vie, les femmes souhaitent bénéficier de temps pour leur épanouissement personnel. Leur crainte d’être à nouveau enfermées dans un rôle tradiditionnel a un fondement bien réel puisque la majorité des aidants sont des femmes, qui comblent par des sacrifices personnels le fossé entre les besoins de la personne malade et l’offre publique (Braithwaite, 1992). Une fois contrôlés les stresseurs et ressources, les différences de santé psychique entre hommes et femmes ne sont plus imputables au genre en soi mais plutôt aux rôles sexués (Pinquart & Sörensen, 2006).

Le statut

Un facteur socio-démographique concerne le mariage, éclairant la vulnérabilité particulière des conjoints constatée sur différents indicateurs. Ceux-ci ont en effet une double fragilité, liée à leur âge et la probabilité de maladie chronique, mais aussi du fait de leur statut marital : la vie commune implique un même style de vie et accès aux soins, des revenus communs, ayant les mêmes conséquences sur la santé des deux membres du couple. Si un conjoint est dépendant, l’autre a également plus de risques pour sa santé (Pinquart & Sörensen, 2003b).

A cela s'ajoute le fait qu'une personne est touchée différemment par la maladie d'un parent âgé ou d'un conjoint. Plus qu’à la quantification des troubles psychiques et du fardeau, nous nous intéresserons aux différences de profil entre conjoints et enfants.

Le fardeau

Si l’association entre un fardeau élevé et la dépression a été confirmée, d’autres indicateurs comme l’anxiété et l’hostilité ou les indicateurs positifs, tel que le bien-être demeurent moins pris en compte (Carretero et al., 2009). Le poids des facteurs psycho-sociaux et des caractéristiques de la

82 Yee, J. L., & Schulz, R. (2000). Gender Differences in Psychiatric Morbidity Among Family Caregivers: A Review and Analysis. Gerontologist, 40(2), 147.

65 situation d’aide, telles que le lien de parenté ou statut de l’aidant ou la sévérité de la maladie du proche, susceptible de varier selon l’indicateur de santé psychique concerné, sera étudié au fur et à mesure pour la dépression, l’anxiété, l’hostilité et finalement le bien-être.