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Présentation du sujet

L’étude bibliographique que nous venons de parcourir met en évidence trois points majeurs concernant les androgènes :

¾ Les androgènes sont des hormones stéroïdes nécessaires au développement et au maintien des structures de l’appareil génital mâle. Ainsi, ces hormones contrôlent la maturation structurale de ces tissus mais assurent aussi leurs fonctions. De plus, les androgènes participent à la physiologie d’autres organes et tissus du corps humain. Le message initié par ces hormones est transmis à la cellule par l’intermédiaire d’un récepteur qui possède une activité de facteur de transcription et d’inducteur de voies de signalisation cytosoliques alternes.

¾ L’activité du récepteur des androgènes est modulée à de multiples niveaux par son interaction avec des protéines co-régulatrices. Ces protéines peuvent contrôler positivement ou négativement la capacité du récepteur des androgènes à initier la transcription de gènes cibles. Les mécanismes mis en jeu passent par une régulation de sa disponibilité, de sa localisation, de son propre recrutement sur l’ADN et de sa capacité à recruter d’autres facteurs impliqués dans l’activation de la transcription. ¾ La signalisation androgénique connaît des perturbations d’origine et d’intensité

variables. Ces dernières sont souvent associées à des désordres de l’activité du récepteur des androgènes, ne lui permettant plus de transmettre le signal hormonal ou au contraire faussant le message initial. Elles peuvent aussi bien toucher le récepteur lui-même que l’ensemble des acteurs qui régulent son activité. Une des pathologies en grande partie associée à un défaut de la signalisation androgénique est le cancer de la prostate, qui touche en France un homme sur sept.

Si l’on se focalise sur le contrôle de l’activité du récepteur des androgènes par son interaction avec des co-régulateurs, il est possible de réaliser le schéma suivant :

Ainsi, les androgènes, par l’intermédiaire de leur récepteur et de ses partenaires protéiques sont largement impliqués dans la physiologie de leurs organes cibles. La perturbation des équilibres mis en place dans une situation physiologique peut être à l’origine de l’évolution de cette dernière vers une situation pathologique.

Dans cette problématique, notre étude a consisté :

¾ dans un premier temps, à identifier des protéines interagissant avec le récepteur des androgènes dans cellules androgéno-sensibles au cours des processus cellulaires fondamentaux de prolifération et de différenciation.

¾ dans un deuxième temps, à étudier la capacité des partenaires identifiés à réguler l’activité du récepteur des androgènes, et leur représentation, dans le contexte de la pathologie tumorale prostatique.

Androgènes AR Prolifération Développement tumoral Co-régulateurs Différenciation Apoptose

Cellules prolifératives Cellules différenciées 0h 72h Microvillosités apicales Jonctions serrées AR AKR1B7 β-ACTINE - + - + PROLIF DIFF DHT

Figure n°42: Modèle de différenciation de la lignée VDEC: Vas Deferens Epithelial Cells.

Les cellules épithéliales sont dérivées de cultures d'explants de canaux déférents de souris prépubères. Les cellules sont capables de proliférer et de se différencier lorsqu'elle sont ensemmencées à confluence sur une membrane microporeuse qui permet l'accés des facteurs du milieu de culture aux membranes basolatérales. La différenciation est associée à la polarisation des cellules qui devient homogène 72 heures après ensemencement des cellules. On observe un changement de morphologie de la monocouche cellulaire. D'un point de vue structural, les cellules acquièrent des microvillosités apicales et des jonctions cellulaires serrées (zonula occludens et desmosomes). Les cellules épithéliales sont androgéno-sensibles et leur différenciation est associée à une augmentation de l'accumulation du récepteur des androgènes et de sa protéine cible AKR1B7 qui est un marqueur de l'action des androgènes in-vivo.

Pour aborder la recherche de partenaires du récepteur des androgènes, nous avons utilisé un modèle ce cellules épithéliales androgéno-sensibles qui reproduit en culture la maturation structurale et fonctionnelle d’un épithélium.

Présentation du modèle de différenciation des cellules épithéliales androgéno-sensibles.

La grande majorité des modèles cellulaires utilisés pour étudier la signalisation androgénique sont dérivés de tumeurs. Ce sont entre autre, des lignées tumorales prostatiques qui possèdent un récepteur des androgènes endogène telles que les cellules humaines LNCaP dérivées d’une métastase au niveau d’un ganglion lymphatique ou les cellules du modèle de tumeur prostatique en xénogreffe CWR22R. Au contraire, d’autres lignées n’expriment pas le récepteur des androgènes : ce sont les cellules PC3 et DU145 dérivées de métastases au niveau des os et du cerveau respectivement. Une autre alternative est l’utilisation de cellules d’origine non-prostatiques telles que des cellules dérivées de rein CV1 ou COS-7 ou encore les fibroblastes NIH-3T3. L’inconvénient de ces lignées tumorales est qu’elles diffèrent toutes par des dérégulations de leur voies de signalisation (par exemples, perte d’expression de AR, voie PI3K suractivée par inactivation de PTEN, expression constitutive de ras, associées ou non a des mutations de gènes plus ou moins identifiées). Bien que les comparaisons puissent être enrichissantes, l’étude de la signalisation androgénique d’un récepteur surexprimé après transfection d’un vecteur d’expression de AR dans ces lignées pose certains problèmes. Les données obtenues sont divergentes d’une lignée à l’autre et peuvent être difficilement interprétables. Ces lignées caractérisent davantage les processus de la progression tumorale et ne permettent pas de comprendre les dérégulations qui sont mises en cause dans le déclenchement de la tumeur.

Le laboratoire a développé des outils pour étudier les modulations de la signalisation androgénique au cours des processus normaux de prolifération et de différenciation et identifier des causes de dérégulation qui peuvent aboutir au développement tumoral.

Une lignée de cellules épithéliales sensibles aux androgènes a ainsi été obtenue à partir de cultures primaires de canaux déférents de souris prépubères : la lignée VDEC, Vas Deferens Epithelial Cells (Manin et al., 1992) (figure n°42). Ces cellules, immortalisées de façon spontanée, sont capables de proliférer puis de se différencier lorsqu’elles sont ensemencées

sur un support microporeux qui permet l’accès des facteurs du milieu aux membranes basolatérales. Après ensemencement à confluence, une polarisation homogène de la mono-couche est observable, en microscope inversé, au bout de 72h par un changement de conformation des cellules. Ces cellules, cultivées dans un milieu défini sans sérum, expriment des marqueurs de différenciation comme le gène akr1b7 en réponse aux androgènes. La différenciation des cellules est associée à leur polarisation avec la mise en place de microvillosités apicales et de jonctions serrées (zonula occludens et desmosomes, figure

n°42).

Dans une étude préliminaire, j’ai analysé la signalisation androgénique au cours de la différenciation des cellules VDEC en ciblant les relations qui existent entre AR et certains régulateurs du cycle cellulaire. Ce travail nous a permis de montrer que les androgènes ne jouent pas un rôle majeur dans la prolifération ou dans l’arrêt du cycle cellulaire associé à la différenciation des cellules. Les androgènes ne modifient pas le pourcentage de cellules en phase S au cours de la prolifération; ils n’influencent pas les variations des profils d’expression des régulateurs du cycle cellulaire, qui dépendent de l’établissement des contacts entre les cellules: phénomène connu sous le nom « d’inhibition de contact de la prolifération cellulaire».

Nous avons également montré que dans ce modèle, le récepteur des androgènes, peu exprimé pendant la prolifération, voit son expression fortement accrue après polarisation des cellules en particulier en réponse aux androgènes, ce qui active la transcription de gènes cibles comme le gène codant pour l’aldose réductase AKR1B7. Ainsi se met en place une sensibilité accrue des cellules aux androgènes au cours de la différenciation cellulaire. L’accroissement des taux de AR est dû à la fois à : i) une augmentation de la transcription du gène indépendante des androgènes (augmentation du taux de messagers dans les cellules polarisées en l’absence d’androgènes) ii) des modifications post-traductionnelles avec une activation de la boucle d’autorégulation qui permet, en réponse aux androgènes, la mobilisation des messagers de AR vers les poly-ribosomes, leur traduction puis la stabilisation du récepteur néoformé.

Dans ces cellules épithéliales, nous avons montré que l’expression et l’activité de AR dépendent d’interactions avec les voies de signalisation intracellulaires et notamment la voie des MAPK activée par le facteur de croissance EGF. En effet, dans des conditions de faible densité cellulaire, mais qui permettent la polarisation des cellules, l’addition d’EGF ré-active le cycle cellulaire en association à une perte d’expression de AR. Cet effet est opéré via les

Figure n°43: Connections entre les voies de signalisation des androgènes et celles du facteur de croissance EGF.

Les cellules épithéliales de canal déférent en culture expriment peu le récepteur des androgènes lorsqu'elles sont en phase de prolifération. Par contre, dans les cellules épithéliales en voie de différenciation, l'arrêt du cycle cellulaire induit par l'établissement des jonctions cellulaires via les E-Cadhérines, s'accompagne d'une augmentation de l'expression du récepteur des androgènes associée à l'activation de la transcription de ses gènes cibles comme akr1b7. Cet accroissement de la sensibilité aux androgènes est en partie dépendant de l'inhibition de la voie EGF-MAPK. En effet, dans des cellules différenciées et polarisées à faible densité dans un milieu dépourvu d'EGF, l'addition d'EGF provoque une réentrée des cellules dans le cycle cellulaire, avec activation de la voie MAPK et une diminution parallèle de l'expression de AR qui peut être empêchée par un inhibiteur de la voie MAPK. La répression de la voie MAPK dans les cellules différenciées est renforcée par la présence des androgènes alors que, paradoxalement, les androgènes stimulent la phosphorylation de EGFR (tyrosines 1068 et 1173). Tout se passe comme si les androgènes induisaient un découplage de la voie EGFR-MAPK. Les mécanismes de ce découplage restent à élucider.

AR, androgen receptor; EGF, epidermal growth factor; EGFR, EGF receptor. EGF EGFR AR AR AR pERK Cellule épithéliale proliférative Cellule épithéliale différenciée Résidu phosphorylé EGF EGFR E-cadhérines AKR1B7

MAPKs puisque l’inhibition de cette voie empêche la chute du taux de AR en réponse à l’EGF.

Si les androgènes ne jouent pas un rôle majeur dans l’arrêt du cycle cellulaire, ils interviennent dans le maintien des fonctions différenciées, notamment en contrôlant le niveau d’activité de la voie MAPK ; le niveau de phosphorylation des ERKs étant toujours plus faibles en présence de DHT. De façon surprenante, la DHT provoque une phosphorylation du récepteur EGFR mais qui n’aboutit pas à l’activation de la voie MAPK (pas de phosphorylation des substrats ERKs). Il y a donc un découplage par les androgènes de la voie EGFR-MAPK. La phosphorylation de EGFR implique le récepteur AR puisqu’elle est bloquée en présence d’un anti-androgène comme le bicalutamide ou par transfection des cellules avec des ARN interférents dirigés contre AR. En revanche, ces mêmes traitements ne modifient pas de façon significative la phosphorylation des ERKs. Ceci suggère que la voie MAPK est inhibée par des effets indirects de AR via le croisement avec d’autres voies de signalisation ou bien par des effets non génomiques n’impliquant pas AR (figure n°43). L’ensemble de ces résultats fait l’objet d’une publication actuellement en révision et présentée en annexes. D’autre part, des travaux sont en cours pour essayer de démontrer les mécanismes de contrôle de la voie EGFR-MAPK par les androgènes.

La présentation des résultats se focalisera sur l’identification d’un nouveau co-régulateur de AR qui affecte la signalisation androgénique et dont la dérégulation pourrait être un facteur lié au développement tumoral: la nucleophosmine B23.1/NPM.

Les résultats qui suivent sont présentés sous forme de deux articles soumis aux éditeurs, auquels sont associés quelques résultats complémentaires :

¾ Le premier article décrit la méthodologie utilisée pour identifier la nucléophosmine/B23.1 (NPM) comme un nouveau partenaire d’interaction du récepteur des androgènes, la relation étroite qui existe entre les profils d’expression et de localisation de ces deux protéines dans les tissus androgéno-sensibles, leur capacité à interagir in-vivo et une caractérisation de la nucléophosmine dans chacun des états de prolifération et de différenciation.

¾ Le deuxième article analyse l’implication de la nucléophosmine dans la tumorigenèse prostatique en corrélant sa capacité à réguler positivement l’activité du récepteur des

androgènes dans des cellules tumorales de la prostate et une dérégulation de son niveau d’accumulation dans le tissu tumoral par rapport au tissu sain.

¾ Les résultats complémentaires portent sur la régulation de l’activité d’autres récepteurs nucléaires par la nucléophosmine.

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Résultats