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Tissus périphériques

A. Les pathologies associées à AR

1. Les insensibilités aux androgènes.

Dans le cas des syndromes d’insensibilité aux androgènes, on distingue les insensibilités partielles (PAIS) et les insensibilités complètes (CAIS). Ces pathologies se caractérisent par une résistance aux androgènes au niveau des organes cibles et se distinguent donc des pseudohermaphrodismes causés par des déficits en 3-βHSD, 17-βHSD, des hypoplasies des cellules de Leydig dues à une inactivation du récepteur de la LH ou encore des déficiences de la 5α-réductase (Wilson et al., 1974). La résistance aux androgènes rencontrée dans ces pathologies est en relation avec un défaut de la structure même de AR qui le rend

partiellement ou complètement inactif. L’insensibilité aux androgènes est une affection récessive liée au chromosome X. Les individus atteints ont un caryotype 46 XY et présentent une ambiguïté sexuelle plus ou moins développée. Une classification a été établie par Quigley (Quigley et al., 1995).

En effet, dans le cas des CAIS, les taux d’androgènes circulants sont normaux voire élevés mais les patients présentent un phénotype féminin : l’appareil génital externe est de type féminin, les structures dérivées des canaux de Wolff tels que l’épididyme ou les vésicules séminales sont absentes, la prostate est absente, on note une gynécomastie et une absence de pilosité pubienne et axillaire. En revanche, la sécrétion d’AMH par les testicules intra-abdominaux a prévenu la formation de l’utérus et des trompes de Fallope. Les patients sont donc stériles et présentent une aménorrhée primaire. Dans le cas PAIS, les phénotypes observés sont plus hétérogènes. On distingue des patients avec un appareil génital externe de type féminin, certains présentant une ambiguïté génitale associée ou non à une gynécomastie (syndrome de Reifenstein) mais aussi des individus stériles avec un phénotype masculin (Avila et al., 2001).

Ces pathologies résultent de mutations ponctuelles et plus rarement de délétions dans le gène codant AR. Ces dernières sont à l’origine d’une non-expression de AR ou d’un AR tronqué qui ne possède plus aucune fonctionnalité et se traduisent par une insensibilité complète aux androgènes. Néanmoins quelques cas de mutations ponctuelles dans l’exon 1 induisant un arrêt prématuré de la synthèse de AR ont aussi été identifiés. Les mutations peuvent aussi affecter l’affinité du récepteur pour son ligand si elles se situent dans la région codant pour le domaine de liaison du ligand. Ces mutations sont les plus fréquentes et peuvent être à l’origine de CAIS ou de PAIS. En effet, certaines mutations entraînent une synthèse d’un AR dépourvu de son LBD ou encore d’un récepteur présentant une absence de fixation ou une affinité moindre pour son ligand. Ces différences vont établir la sévérité de l’insensibilité aux androgènes. En 1994 une mutation affectant le LBD de AR a été identifiée chez un patient présentant un phénotype mâle avec néanmoins un volume testiculaire faible et une oligospermie (Yong et al., 1994). Ces symptômes ont pu être corrigés par administration de l’analogue mestérolone. De façon intéressante, une étude ultérieure a montré que cette mutation touchant le LBD n’affectait pas l’affinité de AR pour son ligand mais plutôt son interaction avec le co-activateur TIF2. Dans un test de double-hybride, cette interaction a été retrouvée en présence de mestérolone mais non de DHT (Yong et al., 1994). Il faut également noter l’existence de mutations affectant le domaine de liaison à l’ADN de AR. Ces dernières, bien qu’elles soient moins nombreuses, touchent principalement le premier doigt de zinc du

Délétions ou insertions de 1-6 bp et mutations induisant un arrêt prématuré de la traduction

Substitutions d'acides aminés

Sites d'épissage et mutations au niveau des régions non traduites

Mutations au niveau des introns

Noir: mutations germinales induisant un CAIS Vert: mutations germinales induisant un PAIS

Bleu: mutations induisant un MAIS

Rouge: mutation somatique retrouvées dans les cancers de la prostate *: mutations retrouvées dans les cancers du sein chez l'homme #: mutations retrouvées dans le cancer du sein chez la femme.

Figure n°29: Position des différentes mutations retrouvées sur le gène du récepteur des androgènes.

CAIS: syndrome d'insensibilité complète aux androgènes; PAIS: syndrome d'insensibilité partielle aux androgènes; MAIS: syndrome d'insensibilité modérée aux androgènes; bp: paire de base. D'après Gottlieb et al., 2004.

DBD et sont responsables d’une absence d’activité transcriptionnelle du récepteur. Enfin, seules quelques mutations du domaine de transactivation N-terminal de AR ont été répertoriées et associées aux AIS. Une carte des différentes mutations associées aux AIS est disponible sur le site de l’université Mc Gill (figure n°29) http://ww2.mcgill.ca/androgendb/.

2. Le syndrome de Kennedy.

Le syndrome de Kennedy ou atrophie musculaire spino-bulbaire liée au chromosome X (SBMA) est une maladie récessive caractérisée par une dégénérescence des neurones moteurs de la corne antérieure de la mœlle épinière et souvent associée à une insensibilité partielle aux androgènes (Kennedy et al., 1968). Les patients présentent une atrophie et une faiblesse musculaire qui se met en place progressivement et des syndrômes neurologiques entre 30 et 50 ans. De plus, on note une atrophie des testicules, une gynécomastie et une diminution de la fertilité. Les taux de testostérone sont néanmoins normaux voire plus élevés que chez un patient non affecté (Greenland and Zajac, 2004).

La cause de cette pathologie est l’expansion, dans l’exon 1 de AR, du nombre de triplets nucléotidiques de type CAG (glutamine). Cette succession de polyglutamines varie de 10 à 36 chez les individus sains alors qu’elle est supérieure à 40 et peut atteindre 60 répétitions chez les sujets présentant un syndrome de Kennedy (La Spada et al., 1991). Ces modifications se traduisent par une diminution de la capacité de liaison de AR à son ligand ainsi que de son activité transcriptionnelle (MacLean et al., 1995; Mhatre et al., 1993). Des rapports font en effet état d’un défaut de l’activité co-activatrice de membres de la famille p160 ou de l’interaction du co-activateur ARA24 avec un AR portant une amplification du nombre de polyglutamines (Hsiao et al., 1999; Irvine et al., 2000). Au contraire, une diminution du nombre de répétitions entraîne un gain de l’activité transcriptionnelle de AR (Chamberlain et al., 1994). De telles expansions de triplets sont aussi à l’origine d’autres maladies neurodégénératives telles que la Chorée de Huntington ou l’ataxie spino-cérébelleuse.

L’agrégation du récepteur des androgènes muté a été suggérée comme jouant un rôle crucial dans la pathologie de Kennedy. En effet, le récepteur muté peut être retrouvé sous forme d’inclusions intranucléaires neuronales (NII) ou cytoplasmiques chez les patients atteints du SBMA ainsi que chez des souris reproduisant cette pathologie (McEwan, 2001; Merry, 2005). Ces agrégations du récepteur sont supposées être en relation avec un défaut de son repliement. De plus, d’autres protéines qui régulent l’activité de AR sont aussi associées à ces inclusions :

on note les HSP70 et HSP40, l’ubiquitine mais aussi des co-activateurs tels que SRC-1 ou CBP (McCampbell et al., 2000; Stenoien et al., 1999). La présence des HSPs pourrait s’expliquer par un rôle préventif sur la formation des agrégats ainsi que sur leur capacité à induire leur dégradation (Bailey et al., 2002; Kobayashi et al., 2000) bien qu’un rapport récent présente des résultas différents pour HSP90 (Thomas et al., 2006). Les co-activateurs pourraient eux, être séquestrés au niveau des inclusions. De plus, la présence du récepteur muté se traduit souvent par une cytotoxicité et une mort cellulaire neuronale dans des modèles cellulaires (Avila et al., 2003; Ishihara et al., 2003) ou animaux (Merry, 2005). Cette toxicité pourrait être liée à une induction de l’apoptose induite par le clivage du récepteur par la caspase 3 (Ellerby et al., 1999). Néanmoins, la diversité des résultats obtenus in-vitro ou à l’aide de modèles animaux ne permet pas de faire un lien direct entre les agrégats et une éventuelle toxicité. La divergence des résultats obtenus peuvent être attribuées aux différentes lignées cellulaires ou aux transgènes utilisés qui ne portent pas le même nombre de répétitions ou qui n’expriment pas le récepteur mutant dans les mêmes proportions. L’hypothèse d’une cytotoxicité neuronale induite par un gain et non une perte de fonction de AR est aussi largement argumentée (Poletti, 2004). Enfin, il faut noter l’implication même des androgènes dans le développement de cette pathologie. En effet, la castration de souris transgéniques mâles reproduisant un SBMA avant l’apparition des symptômes élimine complètement le développement de la maladie. En revanche, l’administration de testostérone à des souris femelles induit le développement de la pathologie beaucoup plus rapidement (Katsuno et al., 2002). Une autre étude a mis en évidence la récupération d’une partie des fonctions neuronales par castration bien que la dégénérescence cellulaire ait déjà été mise en place (Chevalier-Larsen et al., 2004). Ce phénomène s’accompagne d’une diminution du niveau de la protéine mutante ainsi que de la formation des agrégats. Même si la recherche sur le syndrome de Kennedy a permis de faire des progrès notables dans la compréhension des mécanismes impliqués, à ce jour il n’existe pas encore de traitement pour cette affection.

3. Le cancer de la prostate.

Dans le chapitre I de cette étude, nous avons vu que les androgènes étaient nécessaires au développement, à la différenciation morphologique et fonctionnelle et au maintien des structures et fonctions de l’appareil génital mâle. Ces effets des androgènes s’appliquent en particulier à la prostate. Néanmoins, les androgènes sont aussi impliqués dans les

Figure n°30: Localisation et structures anatomiques de la prostate humaine. A. Localisation de la prostate au sein de l'appareil génital masculin.