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La présentation des différentes possibilités de signification du terme amortissement amortissement

Chapitre I – La complexité de la détermination sous paramètres variables

Paragraphe 1 La présentation des différentes possibilités de signification du terme amortissement amortissement

346. Transposée du droit privé, la notion d’amortissement a reçue de multiples définitions qui ont tenté d’être utilisées dans le domaine des délégations de service public.

446 Ibid, p. l00.

Dans son sens générique, « l’amortissement est la constatation annuelle, en charge

d’exploitation et en diminution de valeur d’actif, de la perte progressive de valeur d’usage des immobilisations inscrites au bilan »447. Autrement dit, Il représente « une opération de gestion d’un actif immobilisé, permettant de repartir sur la durée de vie utile de ce dernier son montant amortissable ; c'est-à-dire ses pertes de valeurs et les dotations financières correspondantes »448.

Cette nouvelle notion a été transférée, pour la première fois, vers les contrats publics, par le biais de la Loi Sapin. Elle a été présentée par le législateur d’une façon un peu critique. En effet, ce dernier se comportait comme si cette notion était si concrète qu’elle ne nécessitait, de sa part, aucune explication ou élucidation de l’ambigüité qui l’entoure.

347. Suivre le raisonnement du législateur nous met devant une obligation primordiale de définir le terme de l’amortissement. Or les recherches ainsi que les diverses utilisations de cette notion dans l’ensemble du système du droit public et privé montrent que cette notion acquiert différentes possibilités de significations. Certaines recherches préfèrent adopter une distinction tripartite de cette notion (A), d’autres optent pour une distinction fonctionnelle dualiste de l’amortissement (B). La présentation de ces différents types acquiert une importance majeure étant donné que ni le législateur n’était clair sur le type visé par l’article 40, ni le Conseil Constitutionnel n’était précis, par la suite, sur le type à privilégier dans son interprétation de l’article 40.

A- Une distinction tripartite de la notion d’amortissement

348. Une première définition de la notion d’amortissement, normalement adoptée en domaine du droit public, présente trois branches de la notion, qui peuvent être, l’une comme les deux autres, employées en droit des délégations de services publics. Ces trois branches sont d’origine doctrinale et sont par la suite adoptées à des degrés différents par la jurisprudence administrative. Il ne s’agit pas de dévoiler un secret en annonçant que l’adoption de l’une ou de l’autre de ces définitions entraine des résultats

447 MENTRÉ Paul, « Les durées d’amortissement », Rapport au ministre d’Etat ministre de l’économie, des finances et de la privatisation, La Documentation Française, 1987, p. 7

448 VILA Jean-Baptiste, Recherches sur la notion d'amortissement en matière de contrats administratifs, Thèse Toulouse I Capitole, 2009, p. 25

très variables au niveau de la durée choisie.

Ainsi, les trois types d’amortissements sont : l’amortissement comptable (1), économique (2) et financier (3).

1- L'amortissement comptable

349. L’amortissement comptable ou fiscal, est celui qui retient la durée de vie normale du bien. En effet, la fonction comptable représente la première fonction de l’amortissement par laquelle ce dernier représente « la somme qui doit être déduite du

résultat brut pour que l’entreprise ne distribue pas des revenus entamant son patrimoine ; c’est la somme qui permet de reconstituer le patrimoine grâce à des investissements de renouvellement »449.

Autrement, l’amortissement comptable constitue « la constatation comptable d’un

amoindrissement de valeur d’un élément d’actif résultant de l’usage, du temps, du changement de technique ou de toute autre cause dont les effets sont jugés irréversibles »450.

350. Dans un sens plus clair et simple, l'amortissement comptable et fiscal désigne les usages professionnels résultant des normes comptables et des pratiques fiscales451. Il est en effet régi, principalement, par les dispositions du Code général des impôts et est le seul retenu par les services des impôts pour la détermination du résultat et de l'imposition. Il est calculé « en fonction d'une durée de vie théorique de

l'immobilisation » 452. Par exemple, s'agissant des bâtiments commerciaux, la durée de l’amortissement comptable est au minimum de 20 ans et elle est assise sur le coût historique d'acquisition.

351. Ainsi, la durée calculée en fonction de l’amortissement fiscal serait la

449 MELYON Gérard et NOGUERA Remédios, Comptabilité générale, ESKA, 4ème édition, 2004, note no 53, p. 351

450 VILA Jean-Baptiste, Recherches sur la notion d'amortissement en matière de contrats administratifs, op. cit., p. 25

451 DELAIRE Yves, La délégation des services publics locaux, Paris, Berger-Levrault, 3ème édition, novembre 2008, p. 302

durée pendant laquelle « l'exploitant est autorisé à inscrire une dotation représentant la

dépréciation du bien dans son compte de résultat. Les règles fiscales fixent des fourchettes d'amortissement, à l’intérieur desquelles l'exploitant opère son choix. Si l'exploitation est bénéficiaire, l'exploitant a intérêt à amortir sur une durée courte » 453.

352. Cette définition prouve la soumission des biens aux effets du temps à travers la dépréciation de leur valeur. On peut parler d’une usure, détérioration (diminution de valeur), disparition (extinction) ou même d’une obsolescence (désuétude en raison du progrès technologique). La fonction de l’amortissement sera dans ce cas de retracer l’ensemble des pertes de valeurs des actifs immobilisés au passif du bilan de l’entreprise454.

2- L’amortissement économique

353. Le deuxième type d’amortissement est l’amortissement économique. Cet amortissement vise à établir une compensation455 entre, d'une part, les ressources dégagées par l'exploitation du service concédé et, d'autre part, les charges subies par le délégataire et qui se rapportent principalement aux coûts des investissements réalisés, aux charges d'exploitation et enfin le remboursement des emprunts éventuellement contractés. D’une façon plus simple, l’on entend par amortissement économique, le temps nécessaire pour que « le revenu procuré par un investissement en couvre la charge. Il est qualifié

fréquemment de « temps de retour » d'un investissement » 456.

354. Parmi les différents types d’amortissements, l’amortissement économique constitue l’amortissement le plus malléable qui établit l’équilibre général dans le contrat. C’est l'amortissement que les entreprises pratiquent normalement pour avoir une idée réelle de la dépréciation de leurs immobilisations. Ainsi la durée calculée en fonction de l'amortissement économique doit tenir compte des conditions globales de rentabilisation

453 LONG Marceau (dir.), Négocier, gérer et contrôler une délégation de service public, Institut de la gestion déléguée, La Documentation française, Paris, 1999, p. 67

454 VILA Jean-Baptiste, Recherches sur la notion d'amortissement en matière de contrats administratifs, op. cit., p. 25

455 DELAIRE Yves, La délégation des services publics locaux, Berger-Levrault, Paris, 3ème édition, novembre 2008, p. 302

de l'activité. Elle vise, selon AUBY J.-F. « les conditions dans lesquelles un délégataire

peut dégager, sur son exploitation, les ressources permettant d'une part de couvrir l'exploitation courante du service, d'autre part les charges liées à l'investissement quelle que soit la manière dont cet investissement est financé (financement sur fonds propres, financement sur prêts bancaires, financement sur crédit-bail) » 457 . Cette notion d’amortissement économique représente « la résultante de la marge qui chaque année

peut être dégagée sur l'exploitation pour couvrir la charge (financière) de l'investissement » 458. Cette dernière englobe, selon cette approche, des dépenses annexes à l'immobilisation principale, voire des couts qui ne seraient pas considérés comme immobilisés (communication, formation). Cette marge dépend notamment de nombreux facteurs comme « les conditions de rentabilité de l'activité (...), le choix stratégique fait

par la collectivité en matière de tarifs » et « le caractère exclusif ou non exclusif de la prestation fournie aux usagers ». Dans le premier cas le tarif d’équilibre ne pourra pas

être remis en cause par les usagers, alors que dans le second, le tarif d’équilibre, déterminé par les conditions de la concurrence peut justifier la variété des durées proposées. Cette marge peut, de même, tenir compte du fait que la dépense nécessaire au renouvellement de l'installation serait supérieure à la dépense initiale en raison de l'évolution technologique et des changements techniques qui rendent inappropriés les biens antérieurement acquis. L’avantage que requiert l’amortissement économique c’est qu’il peut recommander certains modes de calcul que la fiscalité ne peut autoriser, notamment l’amortissement progressif.

355. Dès lors, l'amortissement économique doit résulter du « chiffrage

prévisionnel des investissements et des conditions d'exploitation »459. Ce chiffrage prévisionnel serait préalablement déterminé en commun accord entre les deux parties de la délégation, et il aura une double mission : lors de la négociation, il servira les parties dans le choix de la durée du contrat, et à posteriori, il servira comme une base pour effectuer le contrôle de légalité par le représentant de l’Etat et par la suite, en cas de nécessité, le contrôle du tribunal administratif ou la chambre régionale des comptes.

457 AUBY Jean-François, « la délégation de service public : Premier bilan et perspectives », RDP 1996, p. 1095, spec. p. 1107

458 Idem

3- L’amortissement financier

356. Par amortissement financier, on désigne la durée des prêts, lorsque prêt il y a, sollicitée pour couvrir le financement de l'équipement. « Cette durée dépend des

pratiques bancaires au moment où l'investissement est financé, et de la part de l'investissement couverte par emprunt »460. C’est cette durée du prêt qui constitue la principale distinction entre l'amortissement économique et l'amortissement financier461.

357. Cependant, certains auteurs ont trouvé que la notion d'amortissement financier est trompeuse462, et ceci pour plusieurs raisons. Selon M. AUBY, les organismes financiers adoptent certaines pratiques de détermination de durée qui n’ont pas nécessairement un rapport particulier avec l'amortissement économique d'un service public. Il évoque l’exemple des prêts qui sont rarement donné pour de durées supérieures à 20 ans, alors qu’il existe des équipements publics de très grande taille qui nécessitent pour leur amortissement économique, une durée parfois supérieures à 20 ans.

C’est ainsi que fonctionne le système du marché financier. Dès lors, face à certaines conventions de délégation de service public qui nécessitent l’installation des équipements de longue durée de vie, le délégataire recourt souvent à bâtir des contrats durant lesquels l'amortissement financier va se développer sur une partie du contrat, la fin de celui-ci serait de sorte que le concessionnaire puisse récupérer les déficits qu’il a dû supporter pendant les années où il était contraint à couvrir, à la fois, les charges d'exploitation et les charges d'amortissement d'emprunt463.

358. Pourtant, l’un des désavantages de la notion d'amortissement financier est qu’elle ne prend point en considération la participation propre du délégataire au capital. Or il est certain que plus la participation en capital apportée par le délégataire sera élevée, moins les charges d'emprunt le seront. Et par conséquent il serait normal que les emprunts soient souscrits pour des durées plus courtes que si la totalité de

460 LONG Marceau (dir.), Négocier, gérer et contrôler une délégation de service public, op. cit., p. 67

461 DELAIRE Yves, La délégation des services publics locaux, op. cit., p. 302

462 AUBY Jean-François, « La durée des conventions de délégation de service public », art. prec., spec. p. 13

l'investissement était couverte par des prêts.

C’est ce critère de l’amortissement financier qui fait obstacle à ce que la durée contractuelle lui soit équivalente étant donné qu’on ne peut négliger la présence des investissements dont les coûts sont couverts par des capitaux propres ne relevant pas de prêts bancaires et que ces apports en capitaux doivent également être rémunérés. « Considérer donc l'amortissement financier pour servir de base au calcul de la durée

normale d'un contrat est donc une approche insuffisante, même si on peut le corriger en calculant un taux de rémunération de fonds propres »464.

359. D’une façon générale, ces méthodes d’amortissement sont fondées sur la durée probable d’utilisation du bien465 . Cette définition tripartite de la notion d’amortissement est la plus connue et elle est souvent trouvée dans les manuels de droit public. Pourtant certains auteurs préfèrent une autre classification de cette notion.

B- Une distinction fonctionnelle dualiste de l’amortissement

360. Quoique la distinction tripartite de la notion de l’amortissement est assez claire et précise, certaines études ont opéré une seconde vision plutôt fonctionnelle de cette notion qui permet de l’établir suivant deux volets : l’amortissement industriel et commercial (1), et l’amortissement de caducité (2).

1- L’amortissement industriel et commercial

361. L’amortissement industriel et commercial désigne généralement la déduction opérée sur les produits d'exploitation, par les entreprises relevant de l'impôt sur le revenu (bénéfices industriels et commerciaux) ou de l'impôt sur les sociétés, en vue de constater et de compenser la dépréciation que subissent avec le temps certaines immobilisations sujettes à dépérissement. Cette procédure de dépréciation conduit normalement « à constater une accélération de la dégradation des immobilisations pour

des raisons externes ou internes en relation avec la politique de gestion de l’entreprise.

464 Idem

465 DEL PRETE Didier, L’avenant dans les contrats administratif, Thèse, Aix-en-Provence, 6 décembre 2002, p. 350

Mais elle contribue aussi à opérer une correction artificielle du décalage constaté : la base amortissable étant modifiée pour tenir compte de la valeur la plus faible »466.

362. Cet amortissement désigne également « l'opération consistant à étaler sur

un nombre réduit d'exercices, certaines dépenses importantes dont le montant est provisoirement inscrit à l'actif du bilan sous un poste d'actif (valeurs immobilisées) ne correspondant en fait à aucune valeur réelle. Tel est le cas de la déduction échelonnée des frais d'établissement »467.

363. Cette dénomination se réfère à la notion de l’amortissement comptable. Elle sert à constater le niveau d’utilisation des actifs de l’entreprise. Elle constitue un simple moyen de mesure de la dépréciation de ces actifs et de la perte de valeur des biens du fait de son usure ou de l'écoulement du temps. « Ainsi, le montant des annuités dépend

de la durée d'utilisation prévisible du bien lors de son entrée en fonction – sa durée de vie, en quelque sorte »468.

364. D’ailleurs, l’amortissement technique et industriel présente trois caractères469 : le premier est sa certitude, cette dépréciation étant inévitable. Le second est la dissimulation ou l’illusion que crée l’immobilisation en service car la diminution de sa valeur, pour indiscutable qu'elle soit, reste généralement dissimulée sous une apparence extérieure inchangée. Et ce n’est que lors de la vente, ou lors de la mise hors de service de l'élément que la moins-value véritable sera mise en évidence. Finalement, le troisième caractère est celui de l'imprécision du montant de la dépréciation subie au cours d'un exercice donné. Théoriquement, une telle détermination exige une comparaison entre la valeur de la réalisation de l'immobilisation à la date de clôture dudit exercice et celle qu'elle comportait à la fin de la période d'imposition précédente. Mais étant donné qu’une telle comparaison est quasi-impossible en raison des difficultés que présenterait une estimation exacte de la perte subie, les sociétés recourent à une évaluation annuelle

466 VILA Jean-Baptiste, Recherches sur la notion d'amortissement en matière de contrats administratifs, op. cit., p. 223

467 http://bofip.impots.gouv.fr/bofip/4544-PGP.html

468 COLLET Martin, Note sous CE, 11 janvier 2008, Société Sogeparc France, « L’amortissement fiscal des biens de retour dans les concessions de service public », RJEP, n° 655, Juillet 2008, étude 6, p. 3, spec. p. 4