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3.2.1 Description du système

La plupart des études concernant l’émergence du compromis évolutif supposent que le système immunitaire finit par se débarrasser de l’infection (André et al. 2003, Ganusov et Antia 2003), même si l’étude deSasaki et Iwasa(1991) se démarque un peu. Dans la plupart des cas cependant, le système immunitaire est incapable de détruire le parasite ce qui engendre une infection dite « persistante ». La sévérité de telles infections est déterminée en grande partie par l’efficacité du système immunitaire (Sasaki et Iwasa 1991).

Ici, nous supposons que le système immunitaire ne peut pas éliminer le parasite. Notre approche s’applique donc aux infections longues (herpès, VIH, tuberculose) plutôt qu’à celles qui tendent à être rapidement éliminées (grippe). En termes de modélisation, le cas des infections persistantes se traduit par un taux de guérison (ν) nul.

Comme dans les études précédentes (Antia et al. 1994,Bonhoeffer et Nowak 1994,Ganusov et al.2002,André et al. 2003), nous lions l’échelle individuelle (dynamiques intra-hôtes) et l’échelle de la population d’hôtes (dynamiques épidémiologiques), mais notre étude diffère des précédentes sur de nombreux points essentiels. D’abord, contrairement à Antia et al. (1994), Ganusov et al.

(2002) et Ganusov et Antia(2003), nous n’introduisons pas une densité de parasites arbitraire au dessus de laquelle les hôtes meurent. D’après cette hypothèse répandue, la densité optimale de parasites se situe juste en dessous de la valeur seuil. Cela implique, comme le soulignentAndré et

3.2 PRÉSENTATION DU MODÈLE 52 al.(2003), que dans des conditions de virulence évolutivement stable (VES) aucun hôte ne mourra à cause du parasite. Ensuite, nous ne supposons pas que la population d’hôtes est hétérogène, contrairement à Antia et Lipsitch(1997) ou Ganusov et al.(2002), parce que pour une virulence fixée, cela se traduit par une mal-adaptation de certains parasites à leurs hôtes (là encore, cf.André et al.(2003) pour une discussion plus détaillée).

Dans cette étude, nous supposons que chaque hôte infecté est exploité par une unique souche de parasites. En réalité, il est assez peu probable qu’un parasite puisse empêcher son hôte d’être sur-infecté, mais une telle hypothèse nous assure que la virulence n’est pas une conséquence de la compétition entre parasites, comme pourNowak et May(1994) etVan Baalen et Sabelis(1995a). Comme nous le verrons dans la partie suivante, notre modèle peut facilement être modifié afin de prendre en compte les interactions entre différentes souches au sein d’un même hôte.

Notre approche a été inspirée par celle de Sasaki et Iwasa (1991), qui dérivent des stratégies optimales de croissance de parasites à partir d’un modèle de dynamiques intra-hôte. Nous éten-dons leur approche en relâchant l’hypothèse arbitraire d’un taux de croissance intra-hôte de type Lotka-Voleterra densité-dépendant et en introduisant à la place le système immunitaire de manière explicite.

3.2.2 Interactions entre parasites et lymphocytes

Afin de prendre en compte explicitement le système immunitaire, nous définissons une relation de type prédateur-proie entre lymphocytes et parasites, comme dans se nombreux modèles d’immu-nologie théorique (Nowak et al. 1990,Nowak et May 1992, Bonhoeffer et Nowak 1994, De Boer et Perelson 1995).

Nous faisons une série d’hypothèses pour simplifier la modélisation du système immunitaire. Premièrement, nous ne distinguons pas la réponse humorale (via les lymphocytes B) de la réponse cellulaire (via les lymphocytes T). Nous modélisons le système immunitaire d’une manière proche de celle deNowak et al.(1990) où chaque souche de parasite est attaquée par un clone spécifique de lymphocytes et par un clone de lymphocytes non spécifiques. Cependant, puisqu’il n’y a jamais plus d’une seule souche de parasite par hôte dans notre modèle, il n’est pas nécessaire de différencier les deux populations de lymphocytes car elles se comportent de manière identique.

Nous supposons que la souche de parasite (dont la taille de population est notée x) est reconnue spécifiquement par un clone de lymphocytes (y). Nous avons donc besoin de deux équations pour décrire la dynamique du système intra-hôte :

d x

d t = (ϕ − σ y) x

(3.2) d y

d t = b + c xk− δ y

ϕ représente le taux de croissance intrinsèque des parasites de la souche, σ le taux de destruction des lymphocytes, c l’augmentation de la production de lymphocytes due au parasite, b le taux de production de base des lymphocytes du clone et δ la mortalité des lymphocytes. Le paramètre k, que nous appelons la « coopérativité », reflète une activation plus efficace de la réponse immunitaire pour des parasites abondants. Ce phénomène induit ce qu’on appelle en enzymologie un « effet

3.2 PRÉSENTATION DU MODÈLE 53 coopératif », qui conduit à des taux qui dépendent des puissances des densités (les abréviations utilisées dans cette thèse sont résumées dans l’annexeA.1).

La différence la plus importante entre notre modèle et celui de Nowak et al. (1990) réside dans le terme d’activation des lymphocytes. Ici, il ne dépend que de la densité de parasites (x) tandis que dans une équation classique de Lotka-Volterra, il dépendrait du produit des densités de la proie et du prédateur (x y). Nous faisons cette hypothèse parce que les lymphocytes peuvent être activés sans être en contact avec leur « proie ». Le terme impliquant la densité de parasites (c x) représente un processus complexe d’activation, comme dans Bonhoeffer et al. (1997). Des développements futurs de ce modèle pourraient inclure une entité z qui lierait identification des parasites et activation des lymphocytes. Ce pourrait par exemple être une concentration de cytokines ou de cellules présentatrices d’antigènes (CPA).

Dans notre système, le parasite ne peut pas être chassé de l’hôte parce que l’activation de la population de lymphocytes tombe quand la densité de parasites diminue. Notre équation pour la dynamique des lymphocytes est proche de celle du modèle deDe Boer et Perelson(1995). Contrai-rement à d’autres approches (Antia et al. 1994,André et al. 2003), nous choisissons nos paramètres de telle sorte que les populations de parasites et de lymphocytes atteignent un équilibre. La popu-lation de parasites est donc régulée au travers de la mortalité induite par les lymphocytes, comme chez Nowak et al.(1990), Ganusov et al.(2002) et André et al. (2003), et la population de lym-phocytes est régulée au travers d’un terme de moralité densité-dépendante, comme chezMuller et al.(2001).

Ce modèle est conceptuellement simple mais reste relativement difficile à analyser. Pour facili-ter les calculs, nous supposerons pour le moment qu’il n’y a pas d’effet coopératif des lymphocytes (c’est-à-dire k = 1). Nous étudierons l’influence de ce paramètre séparément par la suite.

3.2.3 Taux de transmission des parasites et mortalité induite

En l’absence de parasites (c’est-à-dire si xo= 0), le système immunitaire s’équilibre à un niveau de base de lymphocytes (yo =b/δ). Si le parasite ne se reproduit pas assez vite, c’est-à-dire si ϕ < σ yo, alors il ne peut pas s’installer dans l’hôte.

Dans le reste de cette étude, nous admettrons qu’une telle élimination immédiate ne se produit pas, c’est-à-dire que le parasite se reproduit suffisamment vite. Nous sommes donc certains que les populations de parasites et de lymphocytes atteignent toutes deux leurs équilibres (noté ˜xpour le parasite et ˜ypour le lymphocyte) définis par :

˜ x(ϕ) =  δ cσ ϕ − b c 1 k (3.3) ˜ y(ϕ) = ϕ σ

Les densités de parasites et de lymphocytes peuvent dépasser leurs valeurs d’équilibre durant la phase d’établissement du parasite. La taille du dépassement dépend des valeurs de paramètres et nous supposerons qu’elle n’a pas d’influence sur les résultats.

3.3 RÉSULTATS 54 À partir de ces valeurs d’équilibre, nous définissons les deux paramètres épidémiologiques qui caractérisent les hôtes. Pour le taux de transmission (β ), nous choisissons une fonction linéaire de la densité intra-hôte de parasites. Ce type de relation est souvent utilisé pour des parasites qui n’ont pas de forme de dispersion spécialisée (Ganusov et al. 2002,Gilchrist et Sasaki 2002,André et al. 2003).

β (ϕ ) = a ˜x (3.4)

Quant à la mortalité induite par la maladie (α) nous supposons qu’elle est donnée par l’expres-sion

α (ϕ ) = u ϕ ˜x + w ˜y (3.5)

qui incorpore plusieurs hypothèses. CommeGilchrist et Sasaki(2002) etAndré et al.(2003), nous supposons que les effets négatifs du parasite ne sont pas proportionnels à la densité à l’équilibre des parasites ( ˜x seul) mais plutôt au taux global de réplication (ϕ ˜x). Ceci afin de tenir compte du fait qu’un parasite qui se reproduit nuit plus à son hôte qu’un parasite « inactif ». Enfin, nous supposons que le système immunitaire lui-même a un coût qui augmente la mortalité, d’où un terme « d’effet délétère » (ou d’effet collatéral) des lymphocytes (w ˜y). Cela implique que l’hôte ne peut pas augmenter ses défenses sans payer un prix. Par la suite, nous utiliserons le terme de « toxicité » pour désigner l’effet négatif immédiat des parasites afin de le distinguer de leur virulence (qui représente leur effet global sur la mortalité).

Si nous substituons les valeurs obtenues dans l’équation 3.3 pour ˜x et ˜y, et si k = 1, nous obtenons alors : α (ϕ ) = u δ c σ ϕ 2+c w− σ u b c σ ϕ (3.6) β (ϕ ) = a δ c σ ϕ − a b c

ce qui implique que le taux de croissance intra-hôte du parasite (ϕ) est positivement corrélé à la fois avec la virulence du parasite (α) et sa transmission (β ).