• Aucun résultat trouvé

2.3 Différentes catégories de modèles intra-hôtes

2.3.1 Modèles d’infections aiguës

Dans le cas des infections aiguës, le parallèle entre écologie et évolution est bien sûr affaibli car peu de prédateurs conduisent leurs proies à extinction. Cependant, nombre d’auteurs modélisent les infections aiguës en utilisant des approches inspirées de modèles prédateur-proie. Dans de telles interactions, le résultat de l’infection (c’est-à-dire la guérison ou la mort) se produit rapidement.

2.3 DIFFÉRENTES CATÉGORIES DE MODÈLES INTRA-HÔTES 39 Lymphocytes immortels

Une manière de modéliser les infections aiguës est de supposer que les lymphocytes ne meurent pas et s’accumulent dans l’hôte (Antia et al. 1994,Ganusov et al. 2002,Gilchrist et Sasaki 2002,

Ganusov et Antia 2003). Une hypothèse additionnelle de ces modèles est que les lymphocytes réagissent mal aux parasites rares. Comme nous l’avons écrit plus haut, c’est l’équation 2.1 qui reflète les variations de la densité des parasites (x). La dynamique des cellules immunitaire (y) est ici donnée par

d y

d t = c y x

x+ Φ (2.2)

où c est le taux de croissance des lymphocytes et Φ est la densité de parasites qui stimule les cellules immunitaires pour croître à la moitié de leur taux maximal.

Avec une telle équation pour le système immunitaire, il est clair que, pourvu qu’on attende suffisamment longtemps, le système immunitaire parvient toujours à se débarrasser de l’infection (voir la figure2.1A). Afin d’introduire de la mortalité des hôtes, les auteurs définissent a priori une densité maximale de parasite (D) au dessus de laquelle l’infection aiguë entraîne la mort de l’hôte. La principale prédiction de cette classe de modèles est que les parasites devraient évoluer vers des taux de croissance intermédiaires afin de se reproduire le plus possible sans tuer l’hôte.

Le problème majeur avec ces modèles est que la « virulence » est difficile à définir : il y a une discontinuité entre les souches 100% virulentes (celles qui mènent à la mort rapide de l’hôte) et les souches avirulentes (pour lesquelles l’hôte guérit rapidement). Non seulement il ne peut y avoir d’infections persistantes, mais en plus le résultat de l’infection est connu a priori via le taux de croissance du parasite. Comme le suggèrent André et al.(2003), dans ce modèle, on s’attend à ce que les parasites évoluent vers une virulence nulle (afin de maximiser leur taux de croissance sans tuer l’hôte).

Cependant, il existe des moyens de dépasser ce dernier point.Antia et Lipsitch(1997) montrent qu’ajouter un polymorphisme des hôtes à ce modèle permet de se débarrasser de ce basculement entre virulence totale et virulence nulle. De plus,Ganusov et al.(2002) montrent que l’hétérogé-néité des hôtes en général influence l’évolution de la virulence. Une autre possibilité est de supposer que la virulence ne s’exprime pas en termes de mortalité de l’hôte, mais plutôt en baisse de fécon-dité ou autres effets sous-létaux. Dans ce cas, il pourrait encore y avoir une gradation entre parasites délétères en fonction de leur taux de croissance intra-hôte.

L’hypothèse « exploiteur-tueur »

Il est possible de simplifier encore plus le modèle précédent en utilisant ce qui, en écologie, est connu sous le nom d’hypothèse « exploiteur-tueur » (Van Baalen et Sabelis 1995b). Cette hypothèse s’applique dans les cas où la densité de proies est bien supérieure à celle de prédateur. On peut alors considérer que le taux de croissance du prédateur est toujours maximal et n’est pas limité par la densité de la proie. Ici, cela signifie que les lymphocytes ont une dynamique propre qui ne dépend pas de la densité de parasites.

Cette approche a été appliquée aux dynamiques de lymphocytes parGilchrist et Sasaki(2002) et André et al. (2003). La dynamique des parasites est toujours donnée par l’équation 2.1. Si y

2.3 DIFFÉRENTES CATÉGORIES DE MODÈLES INTRA-HÔTES 40 A) temps densités 2 4 6 8 10 2 4 6 8 10 B) temps densités 2 4 6 8 10 2 4 6 8 10

FIG. 2.1 – Densités de parasite et de lymphocytes dans le cas d’infections aiguës avec (A) un modèle classique et (B) un modèle de type « exploiteur-tueur ».

La courbe tiretée représente la densité de parasites et la courbe pleine la densité de lymphocytes. La ligne pointillée horizontale sur la figure A représente la densité (D) au dessus de laquelle le parasite tue son hôte. Les valeurs de paramètres sont ϕ = 1, σ = 1, c = 1, D = 8 et Φ = 0,1. correspond à la densité des cellules immunitaires (le prédateur), on a alors

d y

d t = c y (2.3)

où c est le taux de croissance des lymphocytes (notez que cette équation est identique à l’équation

2.2dans le cas où Φ = 0).

Ce modèle fait une forte hypothèse simplificatrice en négligeant les stages d’activation pré-coces. En revanche, il permet une approche analytique complète au travers de l’intégration des équations2.1 et2.3. La connaissance des fonctions x(t) et y(t) permet de dériver des taux instan-tanés de virulence et de transmission à n’importe quel temps t de l’infection. Gilchrist et Sasaki

(2002) utilisent ces équations pour mettre au point un modèle emboîté (qui lie dynamiques intra-hôtes et épidémiologie) et étudier un modèle général de co-évolution hôte-parasite. André et al.

(2003) développent aussi un modèle emboîté pour montrer comment un compromis évolutif émerge entre la virulence et d’autres paramètres épidémiologiques (tels que la transmission ou la guérison). Ils étudient aussi l’influence du système immunitaire de l’hôte sur le compromis évolutif.

Cependant, ce modèle ne peut pas aboutir à des infections persistantes car, comme dans le pre-mier modèle, les seules issues à l’infection sont la mort rapide et la guérison rapide. De plus, le fait qu’il n’y ait absolument aucune limite à la croissance des lymphocytes (figure 2.1B) rend im-possible le suivi des dynamiques intra-hôtes une fois le parasite éliminé (contrairement au modèle précédent où la densité de lymphocytes se stabilise après la guérison).

Le programme de prolifération indépendant des antigènes

Le modèle précédent suppose que la croissance des lymphocytes est indépendante de la densité des parasites. Cette hypothèse est confortée par de récents travaux expérimentaux qui montrent que certaines cellules immunitaires (les CD8+) pourraient faire preuve d’une activité de prolifération « pré-programmée » en cas de rencontre avec un antigène de parasite (pour plus de détails, voir

2.3 DIFFÉRENTES CATÉGORIES DE MODÈLES INTRA-HÔTES 41

Antia et al. 2003a). Un tel comportement justifie la croissance indépendante des lymphocytes et explique aussi comment l’hôte se débarrasse de ses parasites.

Cependant, d’un point de vue évolutif, il y a des problèmes avec cette hypothèse. Ceci peut se résumer à la question de savoir comment le système immunitaire évite de lancer des réponses superflues. Car, à moins qu’il n’existe un mécanisme permettant d’arrêter cette réponse une fois lancée (mais alors peut-on encore parler de pré-programme ?), cela fait du système immunitaire une défense très coûteuse. Cette question est soulevée parGraham et al.(2005) mais des approches théoriques pourraient permettre de mieux comprendre comment un tel mécanisme peut évoluer.

Dans la suite, nous verrons comment un modèle simple peut conduire à des dynamiques qui peuvent apparaître aussi complexes qu’une réponse pré-programmée. Ce modèle a deux avantages : primo les conséquences d’une activation erronée sont minimes et secundo sa simplicité aide à comprendre son évolution.