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CHAPITRE 1 : ETAT DE L’ART SUR LA DELINQUANCE DES FILLES, PROBLEMATIQUE DE

IV. M ETHODOLOGIE

IV.2. Présentation de l’enquête de terrain

Afin de mieux approcher l’objet de notre étude, à savoir le contrôle pénal des filles, nous avons opté pour une enquête de terrain. Notre enquête repose sur l’analyse documentaire et l’entretien. Des entretiens ont été menés avec divers professionnels du système pénal des mineurs et des documents de la PJJ, notamment des dossiers de mineurs ont été analysés.

IV.2.1. Les terrains de l’enquête

IV.2.1.1 L’agglomération de Grenoble

Nous avons fait le choix de mener nos recherches dans la région grenobloise. Deux raisons principales nous ont motivées. D’emblée, au moment de l’enquête, Grenoble est le lieu de notre résidence ; ce qui, du point de vue de la mobilité, a facilité nos démarches. Mais la seconde raison, et de loin la plus importante, tient à la présence dans le département de l’Isère (dont Grenoble est le chef-lieu) d’une direction territoriale de la PJJ. On y retrouve dès lors un service territorial de milieu ouvert (STEMO) ainsi que divers établissements de placement. En outre Grenoble possède un tribunal de grande instance (TGI) avec en son sein un tribunal pour enfant (TPE). Egalement, Grenoble abrite un hôtel de police. La réunion de ces éléments (des services importants de la PJJ, une juridiction des mineurs, un tribunal de police) a favorisé le choix de cette localité.

D’un point de vue sociopolitique, on peut noter comment depuis 2010, Grenoble a été à plusieurs reprises, au centre de l’actualité politique relativement à des questions de délinquance. On peut citer en 2010, une affaire d’actes de barbarie impliquant plusieurs jeunes filles mineures, le vol d’un casino dans la ville d’ Uriage entrainant des émeutes dans le quartier de La Villeneuve, en 2013, le lynchage et la mort d’un jeune homme à Echirolles, sans oublier le fameux discours de Grenoble du président Nicolas Sarkozy sur la sécurité141.

IV.2.1.2.L’hôtel de police joue le même rôle que le commissariat de police

L’hôtel de police joue le même rôle que le commissariat de police mais à la différence de ce dernier, il sert de siège aux forces de police nationale de l'ensemble d'un département. L’hôtel

141 Discours tenu le 30 Juillet 2010 lors de la cérémonie de prise de fonction du nouveau préfet de l’Isère Éric

de police de Grenoble héberge le siège de la direction départementale de la sécurité publique de l’Isère, le commissariat central de sécurité publique de Grenoble et l'antenne de la direction interrégionale de police judiciaire de Lyon. Cette circonscription de sécurité publique est compétente sur les communes de Grenoble, Saint-Martin-d'Hères, Echirolles, Fontaine, La Tronche, Saint-Martin-le-Vinoux et Gières, soit une agglomération de 398 819 habitants.

IV.2.1.3.Le TPE de Grenoble

Le TPE est une formation du TGI, spécialisée dans la justice des mineurs. C’est une juridiction spéciale du premier degré. En tant que juridiction pénale, le TPE se voit confier les affaires de contraventions, de délits et de crime dès lors que les auteurs sont mineurs au moment des faits.

Le palais de justice de Grenoble rassemble plusieurs des instances judiciaires de la ville : le tribunal d’instance, le tribunal de grande instance, le tribunal correctionnel, le tribunal de police, la cour d’assises, la cour d’appel, le tribunal de commerce, le conseil de prud’hommes et le tribunal pour enfants de Grenoble. On dénombre 4 (quatre) juges des enfants à Grenoble.

IV.2.1.4.Le STEMO de la PJJ de l’Isère

Le choix des services de la PJJ pour la consultation des dossiers judiciaires des mineurs répond à diverses raisons. Il s’agit de couvrir en une fois le maximum de renseignements sur l’ensemble du contrôle pénal aussi bien judiciaire qu’extra judiciaire de la mineure. En effet, les services et éducateurs de la PJJ sont concernés par l’ensemble de la chaine pénale des mineurs, soit pour mener des investigations (SEAT) soit pour effectuer le suivi des mineurs, aussi bien en milieu ouvert qu’au sein des établissements de placements. Par ailleurs, les dossiers des jeunes filles tenus par les services de la PJJ présentent également l’avantage de fournir des renseignements sur l’ensemble de l’histoire institutionnelle de la mineure et non uniquement les séquences pénales ; les services de la PJJ ayant en effet en charge le suivi et la mise en œuvre de l’ensemble des mesures prononcées par les magistrats de la justice des mineurs (ceux du parquet et du siège), soit au titre de l’enfance délinquante, soit en assistance éducative (cf. Annexe 4). Ses éducateurs, tiennent à cet effet un dossier pour chaque mineur suivi. Ce dossier contient des extraits des différentes ordonnances prononcées à l’égard du mineur, des compte-rendu des mesures d’investigation effectuées par l’éducateur (RRSE, MJIE), des comptes rendus chronologiques de la situation du jeune au juge (notes d’ informations sur l’évolution du jeune, sur des incidents…), des correspondances entre les

éducateurs de la PJJ et les éducateurs spécialisés en établissement de placement, entre éducateurs PJJ et d’autres professionnels (responsables d’écoles, assistants sociaux…), des rapports de psychologues (pour certains). Les nombreuses informations contenues dans ces dossiers nous permettrons de connaitre la dynamique des délits des filles et de suivre l’itinéraire de leur parcours afin de comprendre leur histoire de vie.

IV.2.2. Les techniques de l’enquête

IV.2.2.1. L’analyse des dossiers de la PJJ

Des informations fiables sont disponibles dans des documents écrits par divers professionnels et consignés par les services de la PJJ, en l’occurrence chargée de mettre en œuvre les décisions de la justice des mineurs. Il s’agit principalement des dossiers judiciaires de chaque mineur dont elle s’occupe. Au niveau de la police, nous avons également eu accès à quelques documents statistiques. L’analyse documentaire nous apparait particulièrement avantageuse pour observer la matérialité du contrôle exercé à l’égard des mineures à travers les diverses décisions et orientations prises par les différents services tels que la police, le parquet, les tribunaux, la PJJ… Ces dossiers sont d’autant plus intéressants qu’ils sont replacés dans leur contexte de production et ne sont pas lus comme des écrits « neutres ».

Concrètement, nous avons consulté les dossiers des jeunes filles dans les locaux du STEMO de l’Isère. Nous avons d’abord recueilli des dossiers à l’UEMO Grenoble Nord et à l’EPEI de Corenc (UEHC Chartreuse et UEHD Chartreuse). Le recueil de ces données a duré trois mois (Février, Mars et Avril 2013). Au total, nous avons consulté plus d’une soixantaine de dossiers archivés (62) des trois années précédant l’année de notre enquête, soit 2010, 2011, 2012. On entend par « dossiers archivés », les dossiers judiciaires de jeunes filles ne faisant plus l’objet de suivi pour des mesures par la PJJ l. Nous avons ensuite adjoint à ces dossiers, quelques dossiers des années 2009 et 2008 afin d’étoffer notre échantillon. La reproduction des dossiers de la PJJ étant interdite, nous avons procédé par l’enregistrement vocal de leurs contenus que nous avons ensuite retranscrit. Ces dossiers comportent différents documents : les décisions des magistrats (juge des enfants, délégué du procureur) à l’égard des filles, les rapports d’évolution des éducateurs de la PJJ au juge concernant le suivi des mesures à eux confiées (RRSE, MJIE, LSP, SME…) les rapports des psychologues, les comptes rendus des éducateurs des structures de placement, les courriers échangés entre les professionnels eux- mêmes. Ces documents fournissent de précieuses informations sur les situations familiales des filles, leurs parcours socio-judiciaires et scolaire, leur projet professionnel etc.

IV.2.2.2. Les entretiens avec les professionnels de la justice des mineurs

Les dossiers des jeunes filles sont très riches en discours écrits des professionnels du système pénal des mineurs tels les éducateurs (PJJ et éducateurs spécialisés), le JE, le psychologue etc. Leurs avis, motivations, appréhensions, doutes, craintes, espoirs, convictions et recommandations au sujet de la situation des jeunes filles y sont mis en récit à travers différentes rapports et correspondances (RRSE, MJIE, Notes de situation, Ordonnances, procès-verbaux d’audiences…). Mais ces écrits (uniquement) ne peuvent être retenus comme des sources fiables de représentations sociales du fait de leur caractère formel et professionnel. C’est pourquoi, pour cette étude des représentations sociales des professionnels du système pénal des mineurs, il convenait de recueillir directement le discours des concernés au moyen d’entretien. Cette démarche nous a permis de recueillir des avis et opinions personnels, des informations complémentaires et non-dits sur la situation des filles auteures de délits. Afin de couvrir l’ensemble de la chaine pénale des mineurs, divers acteurs ont été interrogés dont des agents de police, juge des enfants, éducateurs de la PJJ, éducateurs spécialisés (CER, CEF), chefs d’unité éducative, psychologue.

L’entretien semi directif s’est révélé efficace pour le recueil des discours des intervenants judiciaires au sens où tout en nous permettant de collecter une grande quantité de données qualitatives, il nous a réservé la possibilité de guider puis de rediriger nos interlocuteurs vers nos préoccupations essentielles.

Les entretiens ont été menés auprès des professionnels suivants :

- Trois agents de la police nationale. Nous avons notamment rencontré à l’hôtel de police de Grenoble, un agent de la brigade de protection des familles, un agent du service des « violences urbaines » et un policier du poste de commandement,

-Un juge des enfants du TPE de Grenoble, - Deux éducateurs de la PJJ.

- Deux chefs de service de deux CER dans la région Rhône-Alpes, à savoir le CER « Itinérance » (CER mixte) de Saint-Etienne et le CER « Les Gônes » filles de Renaison (CEF pour filles), tous deux situés dans le département voisin de la Loire.

Tableau 1 : Récapitulatif des effectifs des dossiers judiciaires consultés et des entretiens menés

Dossiers judiciaires 62

Dossiers UEMO Nord 2010 54 Dossiers UEHC-UEHD Chartreuse 8

Entretiens 6

Agent de police nationale 3

Juges des enfants 1

Chapitre 2 : Aperçu historique du traitement institutionnel des filles mineures