• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 1 : ETAT DE L’ART SUR LA DELINQUANCE DES FILLES, PROBLEMATIQUE DE

IV. M ETHODOLOGIE

IV.1. La méthode de recherche

L’enquête de terrain est la méthode souvent utilisée pour l’enquête sur le contrôle social des femmes et des filles135. Les travaux de Cardi ont consisté en des observations d’une centaine d’audiences, des analyses documentaires approfondies, notamment l’examen de dossiers de mineurs placés et des entretiens auprès de divers acteurs dont des juges des enfants.

L’étude de Vuattoux sur les biais de genre du traitement judiciaire des filles et des garçons mène également une enquête de terrain, principalement au TPE de Créteil (durant une année) et puis au TPE de Paris (deux mois durant). Cette enquête s’est articulée autour d’observations (d'audiences et de réunions de travail), d’entretiens avec ces acteurs de la justice des mineurs (entretiens semi-directifs et focus groups) et d’analyses de dossiers judiciaires (pénaux (133) et civils (95)).

La présente étude du contrôle pénal de la délinquance des filles mineures ne déroge pas à cette tradition sociologique de l’enquête de terrain. Des observations ont été faites dans différents services du système pénal des mineurs dont la police, le palais de justice et la PJJ. Nous avons effectué une recherche documentaire puis mené des entretiens avec divers professionnels du système.

La consultation des dossiers judiciaires des filles a fait l’objet d’une analyse de contenu. Celle-ci a d’abord servi à produire des donnés chiffrés, utiles à une analyse quantitative. A cet effet, nous avons créé une matrice à partir de laquelle des donnés chiffrés ont été ensuite extraits. Ces données portent aussi bien sur les délits des filles que sur les différentes décisions prises à leur égard par les institutions de contrôle social.

135 Coline Cardi, La déviance des femmes : délinquantes et mauvaises mères : entre prison, justice et travail

social, thèse de Doctorat de Sociologie, Université Paris 7, 2008. Arthur Vuattoux, Adolescents, adolescentes face à la justice pénale », op. cit. Arthur Vuattoux, « Genre et rapports de pouvoir dans l'institution judiciaire…, op. cit.

Ensuite, elle a servi à reconstituer les carrières délinquantes des filles mineures puis à mettre à jour les articulations entre ces deux carrières, ma foi, indissociables. Les dossiers judiciaires constituent en quelque sorte le résumé de l’histoire de vie de la mineure. En effet, ils comportent un ensemble de documents émanant aussi bien de la police, de la justice que des services éducatifs. Ils nous renseignent sur les différents faits commis, l’action judiciaire à leur égard, leur histoire de vie personnelle (famille, scolarité, pairs, quartier, santé) et diverses autres expériences et évènements les concernant.

Les différentes décisions policières et judiciaires prises à l’égard des filles sont analysées comme autant d’éléments façonnant leurs carrières délinquantes et institutionnelles : une garde à vue, une mesure éducative, une mise en examen, une détention préventive, un placement en CER…Ces carrières se construisent ainsi au fil des décisions institutionnelles dont elles sont indissociables. Ces décisions reposent sur des savoirs codifiés explicites des professionnels qui la mettent en œuvre mais également sur des idées, des logiques plus implicites développées par ces professionnels : les représentations.

Il nous a donc fallu découvrir ces représentations à l’analyse, notamment des discours. Elles portent aussi bien sur les infractions, sur les jeunes filles auteures que sur la réaction à leurs méfaits. L’existence de représentations de genre chez les professionnels en contexte français a été mise à jour par la recherche : qu’il s’agisse de la valence des normes de genre comme critère de rédaction des RRSE par les éducateurs136 ou encore de la discrimination de genre et de classe opérée envers les « jeunes filles roumaines » par le JE à travers leur sur pénalisation137, de la perception masculino-centrée de la délinquance chez les éducateurs de la PJJ traduite par le rejet de la pratique de la mixité avec comme conséquence in fine la faiblesse de l’offre structurelle à destination des filles138.

Notre étude analyse les représentations distinctivement selon les différents groupes d’acteurs du contrôle pénal des mineurs: les policiers, JE, éducateurs de la PJJ. Cette distinction permet d’analyser les représentations de ces acteurs comme des logiques ayant cours lors de leurs pratiques en tant qu’acteurs de la chaine pénale.

136 Arthur Vuattoux, « Adolescents, adolescentes face à la justice pénale », op. cit.

137 Id. « Les jeunes Roumaines sont des garçons comme les autres », Plein droit, 2015/1 (n° 104), p. 27-30. 138 Camille Allaria, « La prise en charge des mineures délinquantes par la Protection Judiciaire de la Jeunesse

Les entretiens avec ces professionnels de la chaine pénale des mineurs fait l’objet d’une analyse de contenu. Celle-ci nous a permis d’accéder aux représentations de ces différents corps d’intervenants sur les filles et la délinquance.

Le caractère « fémino-centré » et non comparatif de cette recherche présente l’avantage de s’étendre en profondeur sur la question de la délinquance des filles et de sa construction par le système pénal des mineurs. En effet très souvent appréciée dans une perspective comparative, la situation des filles manque d’être examinée en profondeur parce que « trop peu pour compter »139 (Notre traduction). Toutefois, l’analyse du contrôle social des garçons n’est pas entièrement ignorée étant donné qu’elle est forcément évoquée en creux.

D’un autre côté, en ce qui concerne l’enquête de terrain, sans doute, qu’une observation participative aurait permis de saisir in situ le contrôle pénal des filles, c’est –à dire dans ses conditions de production. Cependant, la diversité des composantes de la chaine pénale des mineurs, objet de notre enquête, aurait excessivement élargi le terrain d’étude et rendu l’enquête trop fastidieuse. Le choix du recours à l’entretien et à l’analyse documentaire, présente l’avantage de saisir à la fois l’ensemble des étapes de la chaine pénale des mineurs sans pour autant nous détacher de la réalité au sens où les entretiens avec les professionnels et les dossiers des filles constituent des morceaux du réel.

Enfin, il ne nous est pas apparu d’utilité de recueillir le point de vue des jeunes filles délinquantes sur leur contrôle pénal, étant donné que l’objet de notre recherche porte sur l’objectivation de ce contrôle et non sur son vécu. Seulement, dans une perspective exploratoire à une éventuelle recherche sur ce sujet, nous avons mené un entretien auprès d’une jeune fille ; entretien dont nous avons ensuite cité un extrait dans notre travail. D’ailleurs, cet objet a récemment été investigué par la recherche française140.

En toute fin, on aura remarqué que le caractère principalement qualitatif de cette recherche a pris le pas sur la force des données soumis à l’analyse quantitative (62 dossiers).

139 Ellen Adelberg, Claudia Currie , Two few to count : Canadian women in conflict with the law, Press Gang

Publishers, 1987, réédité sous le titre In conflict with the law: women and the Canadian justice system, Press Gang Publishers, 1993.

140 Dominique Duprez, Elise Lemercier, Cindy Duhamel, « Analyse de la délinquance des filles mineures et de