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Chapitre 3 : Concepts et champs disciplinaires infirmiers

3.2 Cadre théorique

3.2.2 Présentation du modèle de soins

Au début des années 90, Campinha-Bacote, une théoricienne et

avocate notoire du Cap-Vert publie une première version de son modèle

« Culturally Competent Model of Care ». Plus tard, la théoricienne s’inspire

des travaux de Leininger (1978) et de Pederson (1998) pour revisiter son

modèle. «The Process of Cultural Competence in the Delivery of Healthcare

Services » est publié en 2007 par Transcultural C.A.R.E Associates

(Campinha-Bacote, 2003).

Ce modèle envisage la compétence culturelle comme « un processus

dans lequel l’infirmière s'efforce continuellement d'atteindre la capacité et la

disponibilité de travailler efficacement dans le contexte culturel du client, de

la famille ou d’une communauté » (Bacote, 1998; dans

Campinha-Bacote, 2003). Une approche qui exige du professionnel qu’il se considère

comme devenant culturellement compétent, et non comme déjà

culturellement compétent (Campinha-Bacote, 2002).

Durant près de vingt ans, l’auteur n’a cessé de faire évoluer son modèle.

Dans la quatrième version de celui-ci, l’auteur propose cinq concepts

interconnectés dans la construction de la compétence culturelle, qui sont la

conscience culturelle, la connaissance culturelle, les habiletés culturelles, les

rencontres culturelles et le désir culturel (Campinha-Bacote 2003a, 2011;

dans Campinha-Bacote, 2003). Le modèle considère le désir culturel comme

étant à l’origine du processus. Cette conclusion est symbolisée par l’image

d’un volcan en éruption, que l’auteur propose d’interpréter comme suit :

lorsque le désire culturel se manifeste, cela amorce le « processus de devenir

culturellement compétent, en recherchant la conscience culturelle avec

humilité, en développant des connaissances culturelles, en recherchant de

réelles rencontres culturelles et en menant des évaluation culturellement

sensibles » (Campinha-Bacote, 2002).

Afin de mieux comprendre cette notion, il convient de décrire chaque

dimension du processus. Tout d’abord, le désir culturel est défini comme la

motivation de l’infirmière à vouloir sincèrement s’engager dans le processus,

et non comme le fait de devoir y participer (Campinha-Bacote, 1999; dans

Campinha-Bacote 2003). Le désir culturel implique le fait de prendre soin de

chaque patient, indépendamment de ses valeurs, de ses croyances, de ses

coutumes ou de ses pratiques (Bacote, in press.; dans

Campinha-Bacote, 2003). Cela peut être particulièrement difficile lorsque le

comportement du patient entre en conflit direct avec les valeurs de

l’infirmière. Dans ces cas-là, l’auteur insiste sur le fait qu’il faut considérer le

patient comme un être humain unique.

Vient ensuite la conscience culturelle, qui se traduit par un processus

cognitif d’auto-analyse de ses propres préjugés et suppositions qui

interviennent dans sa rencontre avec l’autre. En effet, l’absence de

considération de l’influence de ses propres valeurs culturelles peut mener

l’infirmière à imposer ses propres croyances, valeurs, modèles et

comportements au sein d’une autre culture (Leininger, 1978; dans

Campinha-Bacote, 2003).

La connaissance culturelle est le processus par lequel l’infirmière

développe des connaissances au sujet des dimensions socioculturelles qui

influencent le soin et la santé des groupes culturellement divers

(Campinha-Bacote, 1998; dans Campinha-(Campinha-Bacote, 2003). Développer des connaissances

sur les valeurs et les croyances de santé des patients permet de mieux

comprendre leurs points de vue. Or, cette donnée rend compte de la manière

dont ils interprètent leur maladie et comment cela guide leur pensées et

leurs actions (Stabnicki et Coeling, 1999; dans Limbo Sagar, 2012).

Campinha-Bacote (1998) et Purnell (1998) ont identifié quatre étapes pour

atteindre la compétence inconsciente Cet état rend l’infirmière capable de

prodiguer des soins culturellement appropriés à des patients d’origines

ethniques diverses de manière spontanée (Campinha-Bacote, 1998; dans

Campinha-Bacote, 2003).

Les habiletés culturelles sont la capacité pour l’infirmière à réaliser une

évaluation culturelle, qui peut être définie comme l’examen des individus,

des groupes et des communautés par rapport à leurs croyances, valeurs et

pratiques culturelles, dans le but de déterminer les besoins et les pratiques

d'intervention spécifiques au contexte de l’individu (Leininger, 1978; dans

Campinha-Bacote, 2003). Mais cela concerne aussi les compétences

culturelles requises pour effectuer une évaluation physique sur des clients de

groupes ethniques divers. En effet, selon Purnell (1998 ; dans

Campinha-Bacote, 2003), l’infirmière doit connaître de quelle manière les variations

physiques, biologiques et physiologiques d'un patient peuvent altérer la

capacité du soignant à effectuer une évaluation physique précise et

appropriée.

Les rencontres culturelles sont le processus qui entraîne l’infirmière à

s'engager directement dans des interactions avec des patients issus de

milieux culturellement différents, afin de modifier les croyances existantes

sur un groupe culturel et d'éviter les stéréotypes (Campinha-Bacote, 1998;

dans Campinha-Bacote, 2003). En réalité, ce processus comporte deux

objectifs. Le premier est de développer des techniques de communication

aussi diverses que possible pour s’adapter à chaque contexte culturel (Sue et

al., 1982; dans Campinha-Bacote, 2003). Le second consiste à être en

interaction permanente avec des patients d’horizons variés, afin de

développer les envies culturelles, la sensibilisation culturelle, les habiletés

culturelles et connaissances culturelles. Cela permet aussi de reconnaître les

valeurs, les croyances et les pratiques existantes au sein d’un groupe culturel

pour les soutenir, les réajuster ou les modifier.

Comme expliqué précédemment, la conscience culturelle, le désir culturel,

la connaissance culturelle, l’habileté culturelle et la rencontre culturelle sont

reliés de manière interdépendante les uns aux autres. En outre, qu’importe le

moment où l’infirmière entre dans le processus, le principal est que chacun

de ces constructeurs soient abordés, voire expérimentés. Cette

interconnection implique qu’en travaillant sur un des constructeurs, l’équilibre

entre tous les autres s’améliorera (Campinha-Bacote, 2002). Plus le champ

d’intersection entre les domaines de la compétence culturelle se développera,

plus l’infirmière sera capable de se familiariser avec les éléments qui la

constituent (Campinha-Bacote, 2002).

L’auteur souligne que ce modèle est utile dans la prise en soin de toutes

les personnes, parce que nous appartenons tous à la même race, celle de

l’être humain, qui présente les mêmes besoins fondamentaux. Cependant,

ces besoins peuvent se manifester de manières différentes et l’interprétation

d’un soin de qualité peut varier selon chaque personne (Campinha-Bacote,

2003).

Pour guider sa pratique au quotidien et l’aider à fournir des soins adaptés

à la culture de l’autre, Campinha-Bacote (2003a, 2007; dans Limbo Sagar

2012) recommande à l’infirmière de se demander si elle se pose les bonnes

questions. Par conséquent, elle élabore le modèle awarness, skill, knowledge,

encounters, desire (ASKED), un système mnémotechnique des questions

impliquées dans le processus de devenir culturellement compétent. Les

questions de type Awarness (conscience) permettent d’examiner notre

sensibilité à nos stéréotypes et préjugés personnels au sujet des autres

groupes culturels (Campinha-Bacote, 2005a ; dans Limbo Sagar, 2012). Le

mot Skill (habileté) invite l’infirmière à s’interroger sur sa capacité à réaliser

une évaluation culturelle (Campinha-Bacote, 2005a ; dans Limbo Sagar,

2012). Le domaine du Knowledge (connaissance) permet de vérifier ses

connaissances sur la vision du monde du patient (Campinha-Bacote, 2005a;

dans Limbo Sagar, 2012). Par Encounters (rencontres), l’auteur

(Campinha-Bacote, 2005a; dans Limbo Sagar, 2012) suggère de se questionner sur le

nombre de rencontres avec des personnes de cultures différentes de la

sienne. Enfin, le terme Desire (désir) propose d’examiner la nature de notre

volonté de devenir culturellement compétent (Campinha-Bacote, 2005a;

dans Limbo Sagar, 2012).

Cependant, comme le modèle ASKED est subjectif, Campinha-Bacote

(2010; dans Limbo Sagar, 2012) conseille d’employer des outils pour

mesurer de manière quantitative le niveau de compétence culturelle. Ainsi,

l’auteur a élaboré deux outils pour auto-évaluer le niveau de compétence

culturelle chez les intervenants : l’Inventory for Assessing the Process of

Cultural Competence Among Healthcare Professionals-Revised (IAPCC-R) et

l’ Inventory for Assessing Biblical Worldview of Cultural Competence Among

Healthcare Professionals (IABWCC).

En employant son outil (IAPCC-R) dans plusieurs recherches,

Campinha-Bacote a pu observer que la rencontre culturelle était en réalité au

centre du processus de développement de la compétence culturelle

(Campinha-Bacote, 2015). C’est pourquoi l’auteur a repensé la conception de

son modèle en se focalisant désormais sur la composante de la rencontre

culturelle, grâce à laquelle l’infirmière pourra acquérir la connaissance

culturelle, la conscience culturelle, l’habileté culturelle et le désir culturel. Dès

lors, Campinha-Bacote (2015) comprend la compétence culturelle comme un

parcours immuable de rencontres culturelles toujours plus nombreuses.

Nous pouvons affirmer que ce modèle définit le processus dynamique

du développement de la compétence culturelle qui vise l’amélioration de la

qualité des soins transculturels en tenant compte de la culture de l’individu.