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Présentation des lipopolysaccharides au complexe TLR4/MD-2

Chapitre 1 : Les lipopolysaccharides

II. Endotoxémie et voies de détection des lipopolysaccharides

1. Présentation des lipopolysaccharides au complexe TLR4/MD-2

a) Prise en charge des lipopolysaccharides par les protéines LBP et CD14

Le complexe TLR4/MD-2 ne peut par lui-même détecter les molécules de LPS et requiert que celles-ci lui soient présentées. Cela est d’autant plus vrai que les LPS ne sont que très rarement retrouvées à l’état libre dans la circulation sanguine. En effet, étant amphiphiles mais principalement hydrophobes, les LPS circulants forment des agrégats micellaires ou sont pris en charge par des lipoprotéines. Fort heureusement pour l’hôte, il existe des mécanismes permettant la rencontre entre le complexe TLR4/MD-2 et les LPS. Parmi ces mécanismes, celui faisant intervenir le cluster de différenciation (CD) 14 et la lipopolysaccharide binding protein (LBP) joue un rôle-clé dans la réponse inflammatoire aux LPS (Schumann et al., 1990; Wright

et al., 1990).

Le CD14 est une glycoprotéine à la fois membranaire (mCD14) et soluble (sCD14). La forme membranaire de 55 kDa est retrouvée à la surface des cellules de l’immunité. Il existe deux types de formes solubles, une de 56 kDa directement sécrétée par les vésicules intracellulaires et une de 48 kDa produite après clivage de la forme membranaire (Labeta et al., 1993). Le CD14 est caractérisé par une conformation en fer à cheval qui constitue une poche hydrophobe pour l’accueil des LPS. Le mCD14 des cellules immunitaires permet une interaction avec les LPS circulants et une présentation de l’endotoxine capturée au complexe TLR4/MD-2. En ce qui concerne les cellules non immunitaires qui ne possèdent pas de mCD14, c’est la forme soluble qui intervient.

La LBP est une protéine plasmatique d’environ 60 kDa. Protéine de la phase aiguë de la réponse inflammatoire, elle est synthétisée et sécrétée par le foie en réponse à des stimulations cytokiniques telles que l’interleukine (IL)-6 et l’IL-1β (Kirschning et al., 1997). Elle peut aussi être produite par d’autres tissus non hépatiques comme l’intestin (Vreugdenhil et al., 1999). En cas d’infection, ses taux sanguins passent d’environ 5-10 µg/mL à 200 µg/mL en moins de 24 heures (Tobias et al., 1992). La LBP se fixe aux LPS avec une forte affinité (Tobias et al., 1989) et la formation du complexe LBP/LPS permet ensuite aux molécules de LPS de s’associer au CD14 (Hailman et al., 1994). L’albumine joue un rôle prépondérant lors de cet échange. Elle se charge de protéger le lipide A hydrophobe lors de son passage dans la circulation sanguine hydrophile depuis la LBP vers le CD14 (Gioannini et al., 2002).

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b) La formation extracellulaire du complexe TLR4/MD-2/LPS

Le récepteur TLR4 fait partie de la grande famille des toll-like receptors (TLRs) mise en évidence pour la première fois chez les humains en 1997 (Medzhitov et al., 1997). Les TLRs reconnaissent une variété de composants structuraux microbiens, aussi appelés motifs moléculaires associés aux pathogènes (PAMPs pour pathogen-associated molecular patterns). Une telle reconnaissance par les TLRs entraîne la production de médiateurs de l’inflammation dont le but est d’éradiquer l’infection. Ces TLRs sont spécifiques des PAMPs qu’ils détectent.

Ainsi, le TLR4 est décrit comme le récepteur de reconnaissance des LPS (Poltorak et

al., 1998). Il est exprimé à la surface des cellules myéloïdes et d’autres cellules non

immunitaires comme les cellules de l’épithélium intestinal ou encore les cellules endothéliales. Comme le montre la Figure 6, le TLR4 est une protéine transmembranaire comprenant trois parties : un domaine extracellulaire en forme de fer à cheval (forme caractéristique des TLRs), une zone transmembranaire et un domaine intracellulaire appelé toll/IL-1 receptor (TIR) (Park

et al., 2009).

Figure 6 :

Représentation schématique du complexe TLR4/MD-2/LPS

Représentation schématique du complexe TLR4/MD-2/LPS

Représentation schématique du récepteur TLR4 après dimérisation et donc après recrutement de la protéine MD- 2 associée à une molécule de LPS. La zone transmembranaire est représentée schématiquement. Figure adaptée de : http://pdb101.rcsb.org/, le site internet de « protein data bank »

Abréviations : TIR – toll/IL-1 receptor ; TLR4 – toll-like receptor 4 ; MD-2 – myeloid differentiation factor 2 ; LPS – lipopolysaccharides.

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Comme le montre la Figure 7, le scénario typique d’activation du TLR4 par les LPS commence par une fixation de ces LPS sur la LBP circulante. Puis, ces LPS sont transférés au niveau de la poche hydrophobe des protéines CD14. Par la suite, les CD14 présentent les LPS au complexe TLR4/MD-2 avec encore une fois l’intervention nécessaire de l’albumine pour faciliter les échanges (Gioannini et al., 2005).

Pour ce faire, le CD14 s’associe tout d’abord avec la protéine MD-2 qui dispose aussi d’une poche hydrophobe pour accueillir les molécules de LPS. Le complexe MD-2/LPS se fixe ensuite sur le récepteur TLR4 membranaire. (Park et al., 2009). La structure du lipide A peut moduler les interactions avec le complexe TLR4/MD-2 et faire fluctuer la réponse inflammatoire (Ohto et al., 2012). L’association de la molécule de LPS avec MD-2 d’un côté et TLR4 de l’autre provoque une dimérisation du récepteur TLR4 membranaire (Resman et al., 2009) ; cette dimérisation est à l’origine de son activation.

c) Voies de signalisations intracellulaires en réponse au complexe TLR4/MD-2/LPS

Le TLR4 est à l’interface entre le milieu extracellulaire et le milieu intracellulaire. Cette position transmembranaire lui confère un rôle de garde-fou. Son changement de conformation après fixation à des endotoxines bactériennes est un signal d’alerte pour les composants du milieu intracellulaire qui travaillent ensuite en étroite collaboration afin de défendre non seulement leur propre cellule mais également l’ensemble des cellules de l’organisme. En effet, ces cascades de signalisation intracellulaires, décrites dans la Figure 7, aboutissent à la libération de molécules pro- et anti-inflammatoires dont le but est de défendre l’hôte.

La dimérisation du récepteur TLR4 facilite le recrutement de deux protéines sur les ses domaines TIR intracellulaires. Il s’agit du myeloid differentiation factor 88 (MyD88) et du TIR-

domain-containing adaptor protein inducing interferon β (TRIF). Pour pouvoir se fixer sur les

domaines TIR, les protéines MyD88 et TRIF ont besoin d’adaptateurs spécifiques appelés « protéines adaptatrices ». Il s’agit de MyD88 adaptor-like protein (MAL) et de TRIF-related

adaptor molecule (TRAM).

La fixation de MyD88 sur le complexe TLR4/MAL déclenche rapidement les recrutements successifs des protéines interleukin-1 receptor-associated kinase (IRAK) (Motshwene et al., 2009; Lin et al., 2010). S’ensuit alors la mise en route de la cascade de

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signalisation du TNF receptor associated factor (TRAF) 6. Cette réponse inflammatoire dépendante de MyD88 aboutit rapidement à l’activation des facteurs de transcription nuclear

factor κB (NFκB) et activator protein-1 (AP-1) via des cascades de phosphorylations

dépendantes respectivement d’IκB kinases (IKK) et de mitogen-activated protein kinase (MAPK). NFκB et AP-1 induisent ensuite l’expression de gènes codant pour des cytokines pro- inflammatoires comme le tumor necrosis factor α (TNFα), l’IL-1β ou l’IL-6.

Lorsque la protéine MAL se dissocie du domaine TIR, cela aboutit à l’endocytose du complexe TLR4/MD-2/LPS (Kagan et al., 2008). Cette internalisation permet le recrutement des protéines TRAM et TRIF. La cascade de signalisation dépendante de TRIF aboutit soit à l’activation un peu différée de TRAF6, soit au déclenchement de la voie dépendante de TRAF3. Cette dernière est associée à une translocation intranucléaire du facteur de transcription

interferon regulatory factor 3 (IRF3) qui stimule à son tour la transcription de certains gènes

tels que celui codant pour l’IL-10 ou encore ceux inductibles par l’interféron (IFN) de type 1.

d) Activation du récepteur TLR4 et interaction avec les protéines « raft »

Des travaux font référence à un autre facteur important gouvernant l’activation du TLR4 par les LPS ; il s’agit de microdomaines de la membrane plasmique appelés « raft » ou « radeau lipidique » en français. De par leur composition (riches en cholestérol et sphingolipides), ces rafts sont plus rigides que la membrane plasmique, ce qui leur permet de « flotter », d’où leur nom ; une dynamique membranaire qui a notamment pour objectif de faciliter la rencontre des molécules transportées (Lingwood & Simons, 2010).

Une fois activé, TLR4 migre vers les rafts membranaires contenant déjà la protéine CD14 (Triantafilou et al., 2004), ce qui favorise l’endocytose ou macropinocytose du complexe TLR4/MD-2 (Zanoni et al., 2011). D’autres protéines des rafts sont capables d’interagir avec le récepteur TLR4 et sont particulièrement bien décrites par Plóciennikowska et ses collaborateurs (Płóciennikowska et al., 2015).

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Figure 7 :

L’activation du récepteur TLR4 par les LPS L’activation du récepteur TLR4 par les LPS

1. Formation du complexe extracellulaire TLR4/MD-2/LPS : la LBP se lie aux LPS circulants et les transferts au

CD14 membranaire. Les protéines CD14 et MD-2 se rapprochent (intérêt des rafts), s’associent et s’échangent la molécule de LPS. Le complexe MD-2/LPS se fixe sur le récepteur TLR4. 2. Cascade de signalisation dépendante de MyD88 : la dimérisation du récepteur TLR4 permet le recrutement de MAL, MyD88 et IRAK au niveau des domaines TIR intracellulaires, il s’en suit une cascade de signalisation via TRAF6. 3. Cascade de signalisation dépendante de TRIF : l’endocytose du complexe TLR4/MD-2/LPS s’accompagne du recrutement de TRAM et TRIF au niveau des domaines TIR puis l’activation de TRAF3 ou TRAF6. Figure adaptée de : Płóciennikowska

et al., 2015.

Abréviations : LPS – lipopolysaccharides ; CD14 – cluster de différenciation 14 ; MD-2 – myeloid differentiation

factor 2 ; TLR4 – toll-like receptor 4 ; MyD88 – myeloid differentiation factor 88 ; MAL – MyD88 adaptor-like protein ; IRAK – interleukin-1 receptor-associated kinase ; TRIF – TIR-domain-containing adaptor protein inducing interferon β ; TRAM – TRIF-related adaptor molecule ; TRAF6 – TNF receptor associated factor 6 ;

MAPK – mitogen-activated protein kinase ; AP-1 – activator protein-1 ; NFκB – nuclear factor κB ; TRAF3 –

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