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Chapitre 2 : Le glucagon-like peptide 1

I. Le GLP-1, ses origines et sa provenance

1. Il était une fois une incrétine

Dans le monde des découvertes scientifiques médicales, c’est bien souvent la réalisation d’un constat biologique qui suscite l’intérêt général et déclenche toute une panoplie de recherches visant à expliciter ce constat. La découverte du GLP-1 n’a pas dérogé à cette règle. En effet, le GLP-1 est une hormone principalement produite par l’intestin dont les effets biologiques ont été décrits avant même de savoir que le GLP-1 en était à l’origine ; il s’agit de l’effet « incrétine ». Avant de rentrer dans le vif du sujet, qu’en est-il du contexte historique ?

a) Mais qu’est-ce qu’une hormone ?

La découverte de la première hormone et par là même l’introduction du terme « hormone » remonte au tout début du 20ème siècle avec les recherches des physiologistes anglais W.M. Bayliss (1860-1924) et E.H. Starling (1866-1927) mettant en évidence la « sécrétine » (Bayliss & Starling, 1902). Ils montrent que l’infusion de composés acides dans une anse jéjunale isolée et dénervée d’un chien anesthésié aboutit à des sécrétions exocrines par le pancréas préalablement dénervé. Ces deux organes n’étant reliés au reste de l’organisme que par les vaisseaux sanguins, ils en déduisent l’existence d’un phénomène chimique « Then it

must be a chemical reflex », Starling, 1902. Ce composé chimique en provenance de l’intestin

est capable d’agir sur le pancréas via la circulation sanguine. C’est ainsi que le terme d’« hormone » sera pour la première fois introduit en 1905 par E.H. Starling. Provenant du grec « ὁρμῶν » et signifiant « mettre en mouvement, diriger, exciter », les hormones sont premièrement définies comme des messagers chimiques devant être transportés par le biais de la circulation sanguine depuis l’organe où ils sont produits jusqu’à l’organe qu’ils affectent (Hirst, 2004).

b) De la découverte des hormones à celle des incrétines

Inspirés par cette découverte, le biochimiste anglais B. Moore (1867-1922) et ses collaborateurs préparent, à partir d’intestins de cochons, ce qu’ils appellent « l’extrait de

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membrane duodénale ». Ils constatent que l’administration par voie orale de cette mixture induit une diminution de la glucosurie chez trois patients diabétiques. Ils font ainsi l’hypothèse que, comme le pancréas exocrine, le pancréas endocrine peut possiblement lui aussi être régulé par une hormone intestinale (Moore, 1906). Cette étude préliminaire a été confirmée en 1929 par Zunz et La Barre. Ces derniers relient la veine pancréatique d’un chien « donneur » à la veine

jugulaire d’un chien « receveur ». Ils injectent « l’extrait intestinal » au chien « donneur » et observent une forte diminution de la glycémie du chien « receveur ». Celui-ci ne recevant que le contenu de la veine pancréatique du chien « donneur », ils en déduisent une action de « l’extrait intestinal » sur le pancréas endocrine. Une année plus tard, en 1930, La Barre et Still affirment avoir réussi à isoler un composé responsable de la diminution de la glycémie via une action sur le pancréas endocrine et font l’hypothèse que cette action consiste en une augmentation de la sécrétion d’insuline. C’est ainsi que La Barre introduit pour la première fois

le nom d’« incrétine » en 1932pour « INtestine seCRETion INsulin ». Selon lui, l’incrétine serait donc le composé de « l’extrait intestinal » capable d’induire une diminution de la glycémie sans agir sur le pancréas exocrine (Creutzfeldt, 2005).

c) L’effet incrétine

Les recherches sur les incrétines se sont arrêtées pendant plus de 20 ans du fait du contexte de guerre et d’une remise en question scientifique quant à l’existence de ces molécules. Les progrès en biochimie des peptides des années 1960 (techniques de purification et dosages par radio-immunologie) ont ravivé l’engouement pour les incrétines. La première découverte qui en a découlé a été faite presque simultanément par deux équipes de recherche et portera le nom d’ « effet incrétine » : une dose de glucose administrée par voie orale stimule davantage la sécrétion d’insuline que la même dose de glucose administrée par voie intraveineuse (Mcintyre

et al., 1964; Elrick et al., 1964). Certains ont même estimé que les facteurs gastro-intestinaux

expliqueraient 50 % de l’insuline sécrétée après une administration orale de glucose (Perley & Kipnis, 1967). Une incrétine est définie selon trois critères : i) hormone produite par les cellules entéroendocrines (EEC) intestinales après l’ingestion de nutriments et en particulier de glucose, ii) hormone circulante stimulant la sécrétion d’insuline à une concentration physiologique et enfin, iii) hormone stimulant la sécrétion d’insuline uniquement en présence de glucose (Creutzfeldt, 2005).

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d) Et les responsables sont…

L’effet incrétine a donc été prouvé, quantifié et précisément défini, toutefois il faudra attendre les années 1970 pour découvrir les hormones qui en sont responsables. La première hormone décrite comme répondant à tous les critères a été le glucose-dependent insulinotropic

polypeptide (GIP) (Dupre et al., 1973). Même si le GIP était le candidat parfait, il s’est avéré

que l’effet incrétine de « l’extrait intestinal » persistait même en l’absence de GIP, suggérant ainsi l’existence d’une deuxième incrétine (Ebert et al., 1983). C’est ainsi que le GLP-1 et sa capacité à stimuler la sécrétion d’insuline ont vu le jour en 1985 (Schmidt et al., 1985). Ce peptide intestinal a été identifié par clonage et caractérisation du gène codant pour le proglucagon. Son homologie de séquence et de régulation avec une autre hormone également codée par ce gène, le glucagon, lui a d’ailleurs valu le nom de glucagon-like peptide. Plusieurs équipes de recherche ont ensuite confirmé l’effet insulinotropique de cette hormone (Drucker

et al., 1987; Kreymann et al., 1987), marquant ainsi la naissance de nombreux traitements

antidiabétiques novateurs basés sur le fonctionnement biologique de cette nouvelle incrétine, le GLP-1.