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Les différents agents sécrétagogues et leurs récepteurs

Chapitre 2 : Le glucagon-like peptide 1

II. La sécrétion du GLP-1, un véritable casse-tête

2. Les différents agents sécrétagogues et leurs récepteurs

La sécrétion intestinale du GLP-1 est connue comme étant principalement stimulée en phase postprandiale afin de réguler la hausse de glycémie liée à la prise alimentaire. C’est ainsi que les niveaux de GLP-1 plasmatiques passent de 5 à 10pM en étant à jeun à des valeurs deux à trois fois supérieures après un repas. Le pic de GLP-1 plasmatique apparaît généralement 20 à 30 minutes après un repas, temps de latence pouvant être modulé par la taille et la composition nutritionnelle du repas (Vilsbøll et al., 2001; Alsalim et al., 2015).

Il est généralement accepté dans la littérature scientifique de catégoriser les voies de stimulation de sécrétion du GLP-1 en deux groupes : i) les voies « directes » pour la stimulation des cellules L directement par les nutriments de la lumière intestinale et ii) les voies « indirectes » lorsque la présence de nutriments dans l’organisme stimule les cellules L de façon indirecte. Toutefois, cette classification n’a pas été celle choisie ici et en voici les raisons. Premièrement, même si les nutriments utilisent des intermédiaires pour déclencher la sécrétion de GLP-1 et donc que l’action des nutriments en elle-même est indirecte, la stimulation des cellules, elle, reste bien directe via des récepteurs spécifiques (Figure 13). Deuxièmement, la stimulation de la sécrétion du GLP-1 peut aussi être indépendante des nutriments et donc de la prise alimentaire : les molécules intermédiaires peuvent devenir les agents sécrétagogues.

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La sécrétion du GLP-1 est un phénomène complexe impliquant de nombreuses voies de stimulation dont toutes ne sont pas encore découvertes. Cette étude bibliographique dresse un état des lieux mais n’est cependant pas exhaustive. La sécrétion de GLP-1 en réponse à des composés pharmacologiques ne sera pas abordée ici (Wang et al., 2015).

a) Régulation nutritionnelle

Les nutriments présents dans la lumière intestinale sont détectés par les prolongements cytoplasmiques des cellules L. Chaque nutriment est détecté de façon différente et conduit à une intensité de sécrétion qui lui est propre.

Les sucres

Le glucose est l’agent sécrétagogue historique du GLP-1 ayant permis la découverte de l’effet incrétine (Mcintyre et al., 1964). Au niveau des cellules GLUTag, l’effet du glucose passe par son absorption intracellulaire via les récepteurs membranaires sodium-glucose linked

transporter (SGLT) 1 et 3 (Gribble et al., 2003). L’utilisation de souris déficientes en SGLT1

inhibe la sécrétion de GLP-1 (Gorboulev et al., 2012). Le transporteur de glucose (GLUT) 2 est aussi impliqué dans la réponse des EEC au glucose, à la fois ex vivo et in vivo chez des souris (Cani et al., 2007b; Mace et al., 2012). Finalement, les récepteurs à l’origine de la perception du goût sucré, les type 1 taste G-protein coupled receptors (T1Rs) participent in vitro et in vivo aux effets sécrétagogues des composés sucrés (Jang et al., 2007; Kokrashvili et al., 2009). Le fructose (sucre contenu dans les fruits, le miel) et l’isomaltulose (miel, sucre de canne) sont aussi capables de stimuler la sécrétion de GLP-1 (Gribble et al., 2003; Hira et al., 2011). Ces observations suggèrent donc l’existence d’un autre mécanisme de détection des sucres : le GLUT5.

Concernant les édulcorants, la littérature scientifique est assez controversée . Une étude de 2012 réalisée sur des volontaires sains montre que le remplacement du sucrose d’un repas par des édulcorants tels que l’aspartame ou l’erythritol ne compense pas l’effet sécrétagogue du sucrose sur le GLP-1 (Sakurai et al., 2012). Cependant, une étude récente de 2016 montre qu’au contraire le xylitol et l’erythritol sont capables d’induire une augmentation du GLP-1 plasmatique chez des sujets volontaires (Wölnerhanssen et al., 2016). Toutefois, dans cette dernière étude, les édulcorants ne sont pas incorporés dans un repas mais sont administrés purs

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(dissolution dans de l’eau). De plus, même s’ils induisent une sécrétion de GLP-1, celle-ci est presque deux fois inférieure à celle induite par le glucose et ne module que très peu l’insulinémie et la glycémie.

Les lipides

Les lipides exercent leurs effets via des récepteurs membranaires de la famille des récepteurs couplés aux protéines G (RCPG ou GPR pour G protein-coupled receptor). Les acides gras longues chaînes mono-insaturés et polyinsaturés activent les GPR120 et GPR40 aussi bien in vitro qu’in vivo sur des modèles murins (Hirasawa et al., 2005; Xiong et al., 2013). Les acides gras à chaînes courtes sont majoritairement issus de la fermentation des fibres alimentaires par le microbiote intestinal. Ils induisent une sécrétion de GLP-1 via leurs récepteurs GPR41 et GPR43 (Nøhr et al., 2013). D’autres composés lipidiques, tels que les 2- monoacylglycérols issus de la digestion des TG alimentaires, sont des ligands reconnus de GPR119. Or, l’activation du GPR119 des cellules L conduit à une sécrétion de GLP-1 in vitro (Moss et al., 2016) et in vivo chez l’Homme (Hansen et al., 2011b). Hormis les RCPG, le récepteur fatty acid transport protein (FATP) 4 joue un rôle clé dans l’absorption intracellulaire de l’acide oléique ainsi que dans son effet sécrétagogue in vitro et in vivo (Poreba et al., 2012).

Les protéines et les acides aminés

Les composés protéiques stimulent la sécrétion de GLP-1 in vitro et ex vivo (Cordier- Bussat et al., 1998), cependant les mécanismes de détection sont loin d’être clairement établis. Le récepteur GPRC6A est exprimé dans les cellules GLUTag et induit une sécrétion de GLP-1 en réponse à de la L-ornithine (Oya et al., 2013). La détection des composés protéiques ferait aussi intervenir le récepteur peptide transporter 1 (PEPT1). Ce co-transporteur à protons connu pour l’absorption des peptides au niveau entérocytaire est aussi exprimé dans les cellules L (Diakogiannaki et al., 2013). La glutamine a un fort pouvoir sécrétagogue (plus conséquent que celui du glucose) in vitro sur les cellules GLUTag (Reimann et al., 2004) et in vivo chez des volontaires sains, obèses ou diabétiques de type 2 (Greenfield et al., 2009).

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Autres données en rapport avec l’alimentation

Les acides biliaires auraient des effets contradictoires sur la régulation du GLP-1. Ils induisent sa sécrétion via leur récepteur TGR5 in vitro et in vivo chez la souris (Katsuma et al., 2005; Brighton et al., 2015). Toutefois, le récepteur nucléaire farnesoid X receptor (FXR), un autre récepteur connu des acides biliaires, exerce un rôle d’inhibition de la production du GLP- 1 (Trabelsi et al., 2015). Deux polyphénols végétaux, la curcumine (Takikawa et al., 2013) et l’anthocyane (Kato et al., 2015), sont des agents sécrétagogues des cellules L en culture. La margose sauvage, une plante de la famille des Cucurbitaceae cultivée pour son fruit amer est aussi un agent sécrétagogue du GLP-1, ce qui expliquerait d’ailleurs ses effets thérapeutiques hypoglycémiants (Huang et al., 2013).

b) Régulations nerveuse et hormonale

La densité la plus forte de cellules L est localisée au niveau de l’iléon et du côlon (Eissele

et al., 1992). La sécrétion postprandiale de GLP-1 provient donc principalement de l’intestin

distal. Toutefois, les taux plasmatiques de GLP-1 augmentent rapidement après un repas, avant même que les nutriments ne soient arrivés au niveau des cellules L (Borgstrom et al., 1957). Cette disparité temporelle laisse suggérer l’implication d’autres mécanismes faisant potentiellement intervenir des voies nerveuses, hormonales ou bien même paracrines (Hansen & Holst, 2002; Lim & Brubaker, 2006).

La stimulation nerveuse

L’implication du nerf vague dans la sécrétion du GLP-1 a été démontrée sur un modèle d’intestin murin isolé après vagotomie sous-diaphragmatique (Rocca & Brubaker, 1999). Les récepteurs cholinergiques stimulent la sécrétion de GLP-1 par les cellules L (Reimer et al., 2001; Anini et al., 2002). A l’heure actuelle, seuls les récepteurs muscariniques sont connus pour être exprimés sur les EEC murines et humaines (Anini et al., 2002; Anini & Brubaker, 2003a). Chez l’Homme, l’implication de ces récepteurs a été confirmée par l’administration d’un antagoniste, l’atropine (Balks et al., 1997). Concernant les récepteurs adrénergiques, leurs effets sont controversés (Claustre et al., 1999; Harada et al., 2015). Le neuropeptide gastrin-

releasing peptide (GRP), produit par les neurones GRPergiques du système nerveux entérique,

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modèle murin (Persson et al., 2000; Reimer et al., 2001). L’acide γ-aminobutyrique (GABA) et la glycine sont deux autres neurotransmetteurs capables d’induire une sécrétion de GLP-1 in

vitro (Gameiro et al., 2005).

La stimulation hormonale

Le GIP produit par les EEC de type K proximales est capable, in vitro, d’induire une sécrétion de GLP-1 par les cellules L distales murines (Brubaker et al., 1998). Etant donné la fréquente colocalisation cellulaire de cette hormone avec le GLP-1, un effet paracrine peut être envisagé (Mortensen et al., 2003). Toutefois, le récepteur au GIP n’a pas encore été montré comme étant exprimé par les cellules L. Cette sécrétion de GLP-1 dépendante de GIP ferait probablement intervenir les voies nerveuses précédemment décrites (Rocca & Brubaker, 1999).

D’autres hormones peuvent aussi réguler la sécrétion de GLP-1 par les cellules L. L’insuline et la leptine sont des agents sécrétagogues pouvant potentiellement agir directement

via leur récepteur spécifique exprimé par les cellules L murines et humaines (Anini & Brubaker,

2003b; Lim et al., 2009). La somatostatine inhiberait la sécrétion de GLP-1 via son récepteur

somatostatin receptor type 5 (SSTR5) (Chisholm & Greenberg, 2002). Le GLP-1 étant capable

de stimuler la sécrétion de somatostatine, il pourrait s’agir d’une boucle de rétrocontrôle (Brubaker et al., 1997). Pour finir, la sécrétion de GLP-1 par les EEC est aussi stimulée par l’activation de son récepteur spécifique le récepteur au GLP-1 (GLP-1R) (Kappe et al., 2013). Le GLP-1 pourrait donc s’autocontrôler.

c) Régulation par les facteurs de l’inflammation

Certains médiateurs de l’inflammation modulent aussi les taux plasmatiques de GLP-1. L’IL-6, une cytokine pro-inflammatoire, augmente in vivo la sécrétion d’insuline via une induction de la synthèse et de la sécrétion de GLP-1 au niveau intestinal (Ellingsgaard et al., 2011). Cette cytokine peut soit directement stimuler la sécrétion de GLP-1 par les cellules GLUTag, soit les sensibiliser. La pré-incubation des cellules avec de l’IL-6 améliore leur réponse lors d’une stimulation au glucose.

Les LPS, qui ont fait l’objet du premier chapitre de cette thèse, sont capables de potentialiser la sécrétion d’insuline stimulée par le glucose (SISG) via une augmentation des

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taux circulants de GLP-1. Ces effets insulinotropiques des LPS disparaissent lorsque les animaux sont traités avec des antagonistes du GLP-1R ou lorsque des souris déficientes en GLP-1R (GLP-1R knockout ou GLP-1R KO) sont utilisées (Nguyen et al., 2014). Même si cette étude témoigne d’une augmentation du GLP-1 circulant en réponse aux LPS, les mécanismes moléculaires reliant LPS et GLP-1 sont encore inconnus. Une autre équipe de recherche confirme cette cascade LPS / GLP-1 / insuline et propose un mécanisme dépendant de l’IL-6 pour expliquer la hausse de GLP-1 en réponse aux LPS (Kahles et al., 2014).