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C’est en 2010 queLythrum thesioides est redécouverte dans les Costières de Nîmes, près de 60 ans après y avoir été observée pour la dernière fois (à Pazac, chapitre 1). Cette

découverte s’est faite dans l’ancien étang de Campuget, en bordure de l’historique voie

ferrée Tarascon-Nîmes, sur la commune de Manduel (c.f. fig. 2d). Les individus de L.

thesioides ont été observés sur une petite surface, suite aux perturbations (creusement et

passage d’engins) réalisées dans le cadre de fouilles archéologiques préalables aux travaux

du contournement ferroviaire Nîmes Montpellier (ligne LGV). Cette portion de l’ancien étang figurait sur le tracé initial de la jonction entre l’ancienne voie Tarascon-Sète et la

future ligne à grande vitesse. En raison de la présence de L. thesioides, la jonction a été

légèrement décalée. Le terrain concerné, en bordure de voie ferrée, a alors été acquis par

SNCF-réseau et correspond à deux parcelles, d’environ 3 ha en tout (en rouge figure 6).

Figure 5 : Photos de

la zone humide de Campuget

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Contexte historique

L’ancien étang occupe une dépression imperméabilisée par le taparas, au sein

duquel s’est accumulé un dépôt sédimentaire limoneux (<1m). De Pouzolz y avait observé

Elatine macropoda, mais L. thesioides n’y a jamais été notée. L’étang s’étendait

probablement sur plus de 100ha, mais son drainage a réduit l’emprise de la zone humide actuelle à une vingtaine d’hectares (figure 6). Molinier et Tallon relate le drainage dès

1948. Dans ce cœur de zone humide (20 hectares restant), les premières cultures sont

entreprises en 1953, avec la plantation de riz. La populiculture vient ensuite rapidement remplacer le riz. Mais comme pour la céréale, cette dernière fonctionne mal. Des pommiers sont plantés dans les années 70, grâce au drainage renforcé précédemment évoqué.

L’arrachage des fruitiers intervient en 2000 et, après quelques tentatives de maraichage

(courgettes), toute culture y est abandonnée au début des années 2000 (Pirsoul 2013).

Hydrologie actuelle

L’hydrologie actuelle de la zone humide a fait l’objet d’une étude en 2015, initiée afin d’évaluer les impacts du creusement d’une carrière (aujourd’hui en eau, visible figure

6), sur le fonctionnement hydrologique de la zone à Lythrum. C’est cette étude qui définie

notamment la surface historique (>100ha) et la surface actuelle (20ha) de la zone humide. Ce travail met en évidence une relation étroite entre les eaux souterraines et les eaux de

surface. De plus, un écoulement, ainsi qu’un changement important dans le comportement

de la nappe souterraine sont observés selon un gradient allant du nord-ouest au sud-est.

L’étude soulève également l’importance du substrat limoneux qui ralentit les écoulements

et conclut à l’absence d’impact sur la zone humide actuelle du creusement de la carrière.

Enfin, des limites importantes sont soulignées, notamment concernant le manque de

données sur le réseau de roubines creusées dans l’ancien étang, accompagnées de la présence de deux pompes aux fonctionnements inconnus. Ces limites ne permettent dès lors pas une compréhension complète de la dynamique des eaux superficielles, qui apparait

Figure 6 : Zone humide historique de

Campuget (en pointillé), et zone humide actuelle (en bleu ciel)

(d’après Antea Group 2015). Les

parcelles en rouge sont celles

acquises par SNCF-réseau, et faisant

l’objet d’une convention de gestion

avec le CEN L-R. La carrière

aujourd’hui en eau apparait en limite

ouest de la zone humide (au sud de la parcelle SNCF-Réseau) et la future gare de Nîmes Manduel sera au

niveau de l’embranchement de voie

visible au Nord-Ouest des parcelles en rouge.

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complexe d’après les premiers éléments présentés. Cela suggère la nécessité d’une étude

plus approfondie à cette fin, non réalisée à ce jour (Antea Group 2015).

Figure 7 : Suivi hydrologique de la période printemps 2016 – été 2019 dans deux fosses

archéologiques différentes de Campuget (M1 : en noir et M11 : en gris, définies figure 8). Les bandes grisées représentent les saisons. Les altitudes des niveaux sont différentes d’une fosse à l’autre (écoulement de surface sur le site) et les lignes horizontales en pointillées définissent le socle de chaque fosse (la fosse est sèche quand le point est sur cette ligne horizontale).

Durant les trois années de cette thèse, nous avons également réalisé un suivi hydrologique simple au niveau de 2 fosses archéologiques. Nous avons alors pu retrouver

l’écoulement Nord-ouest / Sud-Est, ainsi qu’une fluctuation des eaux de surface particulière, présentant deux pics d’inondation (Automne et Printemps) et deux phases d’assèchement (hiver et été) (figure 7). La restauration d’une roubine à l’hiver 2019, à

proximité de la parcelle (mais sur une autre parcelle) semble avoir fortement réduit les

hauteurs d’eau observées au printemps de cette même année (fig. 7). Par ailleurs, une

inondation à la fin de l’été 2017, pourtant particulièrement sec et sans précipitation locale,

confirme un fonctionnement complexe et non endoréique de la zone humide de Campuget

(au moins en partie en raison d’une anthropisation importante : drains et pompe).

Diagnostic et problématique de gestion

Actuellement, la maitrise foncière de ce territoire pour les gestionnaires d’espaces

naturels se limite aux 3 hectares acquis par SNCF-réseau et dont la gestion est confiée au

Conservatoire d’Espaces Naturels du Languedoc-Roussillon. Or comme nous venons de

l’évoquer, l’hydrologie est complexe et son fonctionnement est régi à une échelle bien plus

vaste que la parcelle de 3 ha (en témoigne la récente restauration d’une roubine). Et au-delà

de l’hydrologie délicate, le contexte locale est incroyablement anthropisé avec à proximité

immédiate de la population de Lythrum des parcelles agricoles, une voie ferrée, un canal

d’irrigation, un bassin de rétention et une carrière, ainsi que la future gare TGV de Nîmes

Pont du Gard qui se situera à près de 500 mètres à vol d’oiseau de la parcelle à L.

106 des activités humaines sont également visibles, avec les fosses archéologiques encore présentes (figure 5), des ornières profondes et des résidus des cultures (tuyaux, bâches et barbelés notamment, sans compter les traces non visibles comme le labour passé). Enfin,

l’abandon de toute activité et la libre évolution de la végétation ces 15 dernières années a

entrainé une colonisation massive par une végétation pérenne, et notamment certains ligneux (Populus nigra principalement).

Ce contexte illustre la nécessité d’une action des gestionnaires d’espaces naturels,

puisque les menaces pour la conservation de la population de L. thesioides semblent

nombreuses. C’est pourquoi il était important, pour définir ces actions, d’identifier de manière précise la niche écologique de l’espèce, afin de favoriser ces conditions sur le site.

Je vais dès lors en premier lieu localiser précisément la distribution de L. thesioides au sein

de la zone d’étude. Je discuterai ensuite des connaissances acquises dans le cadre des

chapitres précédents et des expériences réalisées en laboratoire et sur cette parcelle de

Campuget, afin d’identifier les conditions favorables à la conservation de L. thesioides. Des actions possibles pour la gestion du site seront alors proposées

Figure 8 : Contexte locale de la parcelle étudiée (en rouge) dans l’ancien étang de

Campuget. Les fosses archéologiques encore présentes sont en bleu (les fosses M1 et M11 sont en bleu foncé, M1 au Nord Ouest, M11 au Sud Est).

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