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5. Les Costières de Nîmes : un paradis à portée de drains

5.3. Un potentiel de restauration important dans les Costières de Nîmes

5.3. Un potentiel de restauration important dans les Costières

de Nîmes

Les zones humides des Costières, ces « Nouveaux écosystèmes »

Si retrouver un jour l’étang de Jonquières parait complètement absurde, restaurer un

étang comme Pazac ou encore le laquet du Sarrazin, qui présentent des surfaces moindres,

et une banque de graines encore viable (au moins pour Pazac) peut s’avérer plus réalisable.

De plus, un travail à plus petite échelle, comme préconisé précédemment pour Campuget,

peut également permettre le retour d’une richesse floristique aujourd’hui muette.

Actuellement, les zones humides des Costières peuvent être considérées comme des

‘Ecosystèmes nouveaux’. Ce concept (‘Novel Ecosystem’), a été formulé pour définir des écosystèmes dégradés pour lesquels le retour à l’état historique est impossible. S’il parait

parfaitement adapté aux zones humides de la région, le retour vers une hydrologie plus favorable peut faire en sorte que ces espaces retrouvent une partie de leur richesse

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pour la conservation d’espèces comme L. thesioides. L’état actuel de chacun de ces anciens

étangs laisse en revanche supposer un important travail préalable à tout projet de restauration. Ainsi un diagnostic des menaces et des fonctionnements écologiques locaux, à la manière de ce que nous avons présenté précédemment pour Campuget devraient être réalisés.

Au-delà de Lythrum thesioides

Le retour de zones humides temporaires dans les Costières de Nîmes serait un vrai

plus pour la biodiversité de la région, aujourd’hui principalement inféodée aux espaces agricoles, et comporterait également un intérêt paysager.

En effet, en dehors de l’importance pour L. thesioides de multiplier les zones d’habitat

favorables, la restauration des zones humides temporaires des Costières pourrait permettre

le retour d’autres espèces particulièrement rare (notamment L. borysthenicum, Isoetes

setaceae ou I. velata), qui voient leurs aires de distribution française aujourd’hui fortement

fragmentée, les populations de la mare de Grammont et des Costières ayant été détruites

(Médail et al. 1998). Une restauration permettrait ainsi de renouer avec une aire de

distribution plus proche de l’historique et une meilleure « connectivité » pour ces

populations. La diversité des niches écologiques entre les espèces de Lythrum, révélée en

chapitre 5, illustre également la diversité des zones humides historiques des Costières (conditions hydrologique et édaphiques), puisqu’au moins cinq des six espèces étudiées y

ont été observées au moins historiquement.

De plus, le recouvrement de différents niveaux trophiques dans l’écosystème est un facteur importants pour la réussite d’un programme de restauration (Fraser et al. 2015). Or

cela apparait d’autant plus possible que la flore et la faune benthique semblent encore

présentes dans le sol (encadré 7), la faune amphibie se retrouve aussi à proximité

(différentes espèces d’amphibiens, fig. 14e) ainsi que l’avifaune, qui fréquente encore

quelques zones humides de la région (e.g. chasse au gibier d’eau à Campuget).

Quels leviers pour mobiliser en faveur des zones humides dans les Costières ?

Avec ou sans projet de restauration, il parait important de travailler sur la thématique zones humides dans les Costières de Nîmes. Une gestion plus adaptée,

notamment hydrologique, pourrait permettre, même sans travaux, d’avoir une expression

de la flore des zones humides temporaires plus régulière. C’est notamment le cas pour la

population de L. thesioides à Saint Vincent, pour laquelle les pratiques agricole et

hydrologiques actuelles font peser d’importantes menaces sur la population (encadré 6). Il

semble donc y avoir un important travail d’identification et de médiation avec les

propriétaires et les agriculteurs des différentes zones humides.

Dans ce contexte local, L. thesioides apparait comme un possible levier d’action.

En effet, cette espèce pourrait être utilisée comme espèce « porte-drapeau » de projets de conservation/restauration dans les Costières de Nîmes. Heywood (1995) donne une définition de ce concept : « espèce populaire, charismatique, qui sert de symbole et de

141 temps, les espèces porte-drapeaux sont plutôt des animaux, qui plus est de grandes tailles

(Clucas et al. 2008). Cela ne correspond pas réellement à L. thesioides. Cette dernière

espèce ne remplit d’ailleurs qu’une petite partie des critères identifiés pour définir une

« bonne » espèce porte-drapeau (Bowen-Jones & Entwistle 2002). Toutefois, les Costières hébergent les dernières populations actuelles dans le monde de cette espèce. Il y a donc une

possibilité de mettre en avant la responsabilité du territoire pour sa conservation. C’est

dans un contexte proche, par exemple, qu’Eryngium viviparum, une espèce elle aussi de

zone humide temporaires, a été nommée de façon humoristique « le panda breton »17, la

Bretagne hébergeant ses seules occurrences françaises.

L’habitat mares temporaires méditerranéennes pourrait également être mis en avant. Un programme LIFE étant envisageable dans les Costières de Nîmes, car bien que

Lythrum thesioides ne figure pas dans la directive habitat Faune Flore, l’habitat mares

temporaires méditerranéennes y est inscrit comme habitat d’intérêt communautaire

prioritaire (directive 92/43/CEE).

D’autres espèces pourraient aussi se voir mises en avant pour la conservation de ces

espaces (notamment la faune benthique présentée en encadré 7). L’originalité de faire

‘ressusciter’ des zones humides semble aussi être un atout pour une mobilisation locale.

Les zones humides dans un contexte agricole et cynégétique

D’autres angles que la restauration et conservation d’espèces et d’habitats menacés

pourraient enfin être évoqués. Ainsi, des zones humides nouvellement restaurées

pourraient s’inclure dans un programme pastoral comme évoqué à Campuget, renforçant la

diversification agricole du territoire. Des zones en eau permettraient également un retour

de l’avifaune migratrice, anciennement très présente dans la région (Molinier & Tallon

1948). Une gestion permettant d’intégrer les enjeux cynégétiques et de conservation des

mares temporaires pourraient ainsi être discutées. A ce propos, une étude pilotée par la tour

du Valat (Lambret & Fontes com pers) est d’ailleurs en cours pour définir des pratiques de

gestion de mares temporaires permettant de combiner les enjeux cynégétiques et la conservation de la flore et la faune des mares temporaires littorales dans les Bouches du Rhône.

17

Article publié sur le site de Ouest France le 25/08/2018. « Brest. L’Eryngium, le « panda breton » du conservatoire botanique » : https://www.ouest-france.fr/bretagne/brest-29200/brest-l-eryngium-le-panda-breton-du-conservatoire-botanique-5935078

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Encadré 7 : Etude de la banque de graines des anciens étangs des Costières

Une brève étude de la banque de graines des zones humides anciennes des Costières de Nîmes a été mise en place. En parallèle de l’étude palynologique présentée en annexe 5, des échantillons de sol ont été récoltés dans 4 zones distinctes : l’ancien étang de Jonquières, Campuget, Pazac et la zone dite de l’étang. Pour cette dernière, les échantillons de sol ont été récoltés uniquement en surface (10 échantillons, d’environ 30 cL), tandis que pour les autres les échantillons ont été prélevés dans plusieurs carottes 3 pour Campuget et Pazac, et 6 pour Jonquières. Les profondeurs de ces prélèvements sont variables (jusqu’à 70 cm à Campuget, 60 à Pazac, et environ un mètre à Jonquières, avec 3 carottages dans un champ et 3 autres dans un canal). L’objectif de ce travail n’est pas de quantifier la banque de graines mais plutôt de la qualifier, d’où cet échantillonnage variable, qui suit en fait la méthode réalisée dans le cadre de l’étude palynologique.

Les échantillons ainsi récoltés en février 2018, ont été divisés en tranches de 10 cm de longueur et déposés dans des pots de 16 cm de diamètre et 14 cm de profondeur. Les échantillons ont été étalés à la surface d’un substrat composé d’un mélange de terreau universel (60%) et de sable (40%), avant d’être mis en culture (submersion), répartis de façon aléatoire dans 4 de grands bacs. Les pots ont été maintenus immergés durant plus de 2 mois (Février-Avril) pour étudier la flore aquatique, puis les niveaux ont été baissés lentement jusqu’à émerger les échantillons en mai, conservant un substrat saturé.

Au total, 336 graines ont germé. Plus d’un tiers provenaient des échantillons de Jonquières et étaient des graines de Typha sp. A Jonquières, presqu’aucune espèce annuelle n’a germé (les deux graines d’espèces annuelles étant potentiellement issues de contaminations car correspondant à des espèces présentes à proximité immédiate : Aster squamatus et Cyperus fuscus). Concernant les autres sites, la zone de l’étang présente le plus petit nombre de graines (mais le plus faible volume de sol récolté). Il s’agit d’une friche agricole cultivée jusqu’il y a peu (résidu de plan de maïs encore en place). 35 graines ont germé dont plus des 2 tiers sont des graines de Polygonum aviculare. Toutefois parmi les autres germinations, on peut noter la présence de Lythrum thymifolia

(4 graines) et Juncus pygmaeus (3 graines).

Pour la zone de Campuget, 31 graines ont germé. Malgré ce nombre assez faible, plusieurs espèces particulièrement intéressantes sont à noter : Lythrum hyssopifolia (1 graines), L. tribracteatum (2 graines), Riella notarisii (1 individu, déterminé par Benoît Offerhaus du CBNMED) et Chara globularis (3 germinations). Riellanotarisiin’a jamais été observée dans les Costières (alors que des Characeae sont couramment observées dans certaines fosses), mais cette espèce a été observée dans deux autres sites de mares temporaires méditerranéennes de France et présente une distribution méditerranéenne (Puntillo & Puntillo, 2014)

Enfin, la zone de Pazac apparait nettement comme la plus intéressante. En effet, sur les 3 carottages, 146 germinations ont été observées, comprenant des densités non négligeables de certaines espèces comme Lythrum hyssopifolia (7 graines), Juncus pygmaeus (27), Polypogon sp. (12) et J. bufonius (38). Enfin, une germination de Riella notarisii a également été observée, ainsi qu’une germination de Nitella opaca.

Pour chacun des sites, la distribution de la banque de graines semble plutôt homogène dans les 30-40 premiers cm probablement en raison du labour (avec une densité un peu plus élevée sur les premiers cm). A noter que les deux Riella notarisii observées proviennent d’échantillons d’une profondeur similaire sur les deux sites différents (entre 30 et 40 cm de profondeur).

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Encadré 7 : Etude de la banque de graines des anciens étangs des Costières

Enfin, il est intéressant de noter quelques observations annexes. En effet, dans l’eau des bacs utilisés pour l’étude de la germination de ces échantillons, il a également été observé des éclosions de divers branchiopodes. Des déterminations réalisées avec Samuel Hilaire (Tour du Valat) ont permis d’identifier un individu de Chirocephalus sp, un autre de Branchiopus sp. et enfin un individu de Cyzicus tetracerus, espèce évaluée comme CR sur la liste rouge UICN de France (UICN France & MNHN 2012). En raison d’une inondation dépassant la hauteur des pots, il est malheureusement impossible de conclure quant à l’origine des œufs de ces différentes espèces.

L’ensemble de ces observations montre l’existence d’une banque de graines limitée mais encore présente correspondant à des milieux temporairement inondés avec une durée d’inondation non négligeable (Riella, Chara, Nitella et les branchiopodes). La zone humide de Pazac apparait comme celle qui présente la banque de graines la mieux conservée et semble donc être une zone particulièrement favorable à un projet de restauration.

Figure : Photo des observations réalisées suite à la mise en germination des échantillons de sol des

Costières : (a) Cyzicus tetracerus, (b) Riella notarisii, (c) Chironopus sp. (d) Nombre de graines d’espèces caractéristiques des mares temporaires (Juncus annuels, Lythrum annuels, Riella sp.,

Characeae et Cyperus fuscus) en gris foncé, et des autres espèces en gris clair, par zone humide étudiée.

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Figure 14 : (a) Etang de Clausonne (drain à gauche), (b) zone humide sans nom à

proximité de Manduel, (c) Etang de Pazac, bordure de la parcelle en prairie semmée, (d)

Drain dans la zone dite de l’étang, (e) Juvénile de Triton palmé (Lissotriton helveticus) observé dans la zone de Saint Vincent, (f) Prospection dans un fossé de drainage de la zone de Saint Vincent.

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