• Aucun résultat trouvé

4. Proposition pour la gestion écologique de Campuget

4.2. Des besoins communs

Un travail sur l’hydrologie primordial

Les trois différentes options de gestion proposées se focalisent toutes sur un enjeu

majeur : assurer un fonctionnement hydrologique compatible avec la niche de L.

thesioides. Le contexte mystérieux de Campuget, souligné lors de la première étude

réalisée (Antea Group 2015) est donc à éclaircir. D’autant que les récents travaux de

restauration de la roubine, réalisés à proximité de la parcelle à Lythrum thesioides, sont

concomitants à l’observation des plus faibles niveaux d’eau observés à Campuget lors des

4 dernières années (alors que l’année n’était pas la plus sèche sur la même période). Une

des priorités est alors de parvenir à échanger avec l’ensemble des propriétaires des

parcelles incluses dans la zone humide, l’hydrologie étant bien évidemment commune et

impossible à maitriser uniquement sur la parcelle de 3 ha que nous avons considérée. Cette première étape doit notamment permettre de faire la lumière sur le volume et les périodes de pompage dans la zone humide. La compréhension de ce fonctionnement est nécessaire à

sa possible gestion. A ce travail peut s’ajouter également une étude de la topographie fine,

de manière à calibrer de futurs travaux de creusement de mare par exemple.

Une gestion des ligneux

Pour toute gestion hydro-topographique, il est également nécessaire de travailler

sur le contrôle de la végétation du site. D’expérience, différentes mesures de gestion des mares temporaires ont été mises en place avec pour objectif un contrôle de la végétation environnante. Ainsi, le débroussaillage manuel a pu être réalisé et a permis par exemple

d’augmenter la richesse spécifique dans une mare de la plaine des Maures (Var, France)

(Grillas et al. 2004). Le retrait de ligneux s’est également révélé bénéfique pour la richesse

spécifique dans la réserve de Roque-Hautes (Hérault, France) (Rhazi et al. 2005). Mais ces

auteursnotent que le retrait seul ne permet par une gestion optimale du site, et qu’un effet

sur les plantes vivaces à fort recouvrement est nécessaire également, comme peut le permettre le pâturage par exemple. Le retrait de la végétation ligneuse reste toutefois un pré-requis pour la mise en place d’une gestion à plus long terme comme le pâturage (Barbaro et al. 2001).

Instauration d’un pâturage sur le site

Les mares représentent, pour le bétail, à la fois une ressource en eau et en végétation (Ghosn et al. 2010). Ainsi, le pâturage dans ces milieux est une pratique très

ancienne, et les communautés végétales s’y sont adaptées depuis des siècles voir des

millénaires (Ghosn et al. 2010 ; Amami et al. 2013). Toutefois, les effets du pâturage sont complexes et multiples ; sur la végétation par défoliation, sur la structure du sol par le

132 piétinement ou sur sa composition par les excréments des animaux par exemple (Van den

Broeck et al. 2019). Il est difficile les traiter de façon exhaustive ici. D’un point de vu

général, certains auteurs observent un accroissement de la richesse spécifique des plantes

vasculaires avec le pâturage (Marty 2005) quand d’autres observent une réduction

(Bouahim et al. 2010) dans les mares temporaires méditerranéennes. L’intensité de la

perturbation est toutefois différente entre les deux études citées, mais cela illustre des difficultés à étudier finement les effets du pâturage dans ces écosystèmes.

Historiquement, la zone humide de Campuget était pâturée jusqu’à sa mise en

culture dans les années 1950 (Pirsoul 2013). Renouer avec cette gestion historique, combiné à une hydrologie plus favorable, favoriserait la niche écologique de L. thesioides.

La gestion de mares par le pâturage est ainsi utiliser pour la conservation Teucrium

aristatum, dans la mare de Lanau, dans la plaine de la Crau, où il permet la croissance et la

reproduction de l’espèce (Grillas et al. 2004). Toutefois une telle gestion doit être bien réfléchie, de manière à éviter un pâturage non adapté, qui est une menace importante dans les zones humides temporaires (Bouahim et al. 2010, 2014). Il doit avoir lieu lorsque le

substrat est meuble, c’est à dire lorsque la zone est submergée ou, à minima saturée, assurant une perturbation du sol. Cependant, un piétinement réalisé lorsque les graines ont

déjà germé est à proscrire, de même qu’un pâturage lorsque les plantes sont adultes et se

reproduisent, d’autant que certains Lythrum sont responsable d’intoxication du bétail

(Lancaster et al. 2009; Tran et al. 2013). En termes de calendrier, les périodes adaptées

semblent donc être en automne, ou en début de printemps pour lequel la nourriture serait

probablement plus abondante. Il semble ensuite nécessaire d’éviter tout pâturage entre les

mois de mai et septembre (d’après l’hydrologie actuelle). Le type de bétail, devra être également discuté sur des considérations écologiques, notamment en termes de capacité de perturbation et de potentiel de fertilisation. Ce dernier est en effet connu pour réduire la diversité floristique (Croel & Kneitel 2011 ; Broeck et al. 2019), et L. thesioides ne semble

pas apprécier les sols trop riches (chapitre 5).

Evaluation de la gestion mise en place

Pour finir, il sera particulièrement important de réaliser un suivi afin d’évaluer

toute action de gestion mise en place à Campuget. Le manque de retour d’expérience, et

notamment sur les zones humides temporaires, est un frein important à la réalisation

d’actions de restauration (Rhazi et al. 2004). Plusieurs éléments sont importants à évaluer,

et le comptage exhaustif des individus ne semble pas suffisant. Le premier est d’avoir des données hydrologiques sur la zone. L’importance des niveaux d’eaux n’est plus à prouver

mais, aux vues des différents épisodes d’inondation ou d’assèchement observés sans

nécessaires relations avec la pluviométrie, il est important d’assurer un suivi régulier de la

hauteur de la nappe de surface. Ces données seraient également utiles pour poursuivre le suivi topographique réalisé durant les 3 dernières années. Enfin, des mesures du couvert végétal, et notamment en Jussie, et des données de présences absences comme réalisées et

présentées en encadré 2 permettraient de suivre l’impact du pâturage sur la démographie de

la population de L. thesioides de Campuget. La détection des individus étant en effet

133 détaillé. Il sera nécessaire de calibrer et positionner ces suivis en fonction des modifications apportées au site dans le futur. Enfin, ces suivis devront être assurés sur un

nombre d’années important en raison de l’expression écliptique de l’espèce et donc de son

immense variabilité interannuelle. La gestion devra dès lors être adaptée et affinée aux résultats obtenus durant ces suivis.

Synthèse pour la gestion de Campuget:

(1) Identifier le fonctionnement du pompage sur le site et hydrologique en

général

(2) Discuter de l’importance du drainage et du futur de celui-ci avec le

propriétaire des parcelles au sud.

(3) En fonction de l’hydrologie, réaliser le creusement d’une (ou plusieurs)

mare(s), en prêtant une attention particulière à la banque de graines, et

permettant d’assurer la croissance de L. thesioides lors des années

humides (pas nécessaire d’assurer une hydrologie favorable chaque

année, risquant surtout de favoriser la Jussie).

(4) Discuter de la possibilité d’un pâturage sur la parcelle, avec rédaction d’un cahier des charges et débroussaillage préalable de la zone.

(5) Mise en place d’un suivi scientifique pour évaluer l’efficacité des actions de gestion sur la population de L. thesioides.

134

photo de la dépression de Redessan, aujourd’hui disparue

135