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Prélèvement des sédiments et préparation des phases d’exposition

Chacune des phases d’exposition utilisées dans les essais de toxicité sur sédiments comporte des

incertitudes et des avantages (Tableau III.1), ainsi que l’ont rapporté Burton (1991) et Ingersoll et

al. (1997b). Ces incertitudes sont fonction des limites inhérentes aux essais (par exemple, les

essais entrepris sur sédiment entiers sont en général reconnus comme étant plus pertinents d’un

point de vue écologique que ceux réalisés sur eau interstitielle), mais également de l’importance

des manipulations effectuées pour leur préparation. Ainsi, parce que les extraits organiques (EO)

ne reflètent pas les conditions de biodisponibilité des contaminants associés aux sédiments, ils

sont jugés moins pertinents. De façon similaire, les élutriats et les sédiments humides peuvent, de

par leur mode de préparation, modifier la biodisponibilité des contaminants.

Tableau III.1 : Avantages et inconvénients associés à l’évaluation de la toxicité de phases

sédimentaires

Fractions Forces Faiblesses

Extrait

Organique de

sédiment entier

(OE) ou (EO)

• Peut être préparé avec n’importe quel type de

sédiments

• Permet de déterminer une relation de

concentration-réponse

• Limite de résolution plus grande; plus sensible

que les autres fractions pour détecter un effet

• Permettent de discriminer les effets des

polluants organiques extractibles par solvants de

ceux des polluants inorganiques ou organiques

moins solubles

• Ne représente pas un mode d’exposition réaliste

• Aucune technique d’extraction normalisée n’est

présentement acceptée

• La méthode d’extraction peut altérer la forme

chimique des contaminants, ce qui pourrait modifier

la réponse toxique

• Approche réductionniste

Eau

interstitielle

(EI)

• Représente un mode d’exposition directe pour

certaines espèces

• Très grande variété de bioessais disponibles

• Permet d’obtenir une courbe de

concentration-réponse

• On peut utiliser les résultats pour définir des

critères pour les sédiments

• Peut refléter un potentiel de toxicité pour les

organismes présents dans la colonne d’eau

• Il est difficile de recueillir l’eau interstitielle pour

certains échantillons de sédiments

• La méthode de récupération peut altérer la forme

chimique des contaminants, ce qui pourrait modifier

la réponse toxique

• Ne s’applique pas aux organismes qui ingèrent des

particules de sédiments

• Approche réductionniste

Phase

solide-humide (SH) • Peut être utilisée avec tous les types de

sédiments

• Permet d’obtenir une courbe de

concentration-réponse

• La manipulation ou la méthode d’échantillonnage

peuvent altérer la physico-chimie des sédiments

• Risques d’interférences par les particules

• Il existe peu de tests de toxicité comparativement à

la fraction EI

• Approche réductionniste

Sédiments

entiers (SE) • Représente un mode d’exposition très réaliste

pour plusieurs espèces benthiques

• Approche holistique et non réductionniste

comme c’est le cas avec les fractions EO et EI

• Les résultats peuvent servir à définir des critères

pour les sédiments

• La manipulation ou l’échantillonnage peuvent

altérer la physico-chimie des sédiments

• Des organismes indigènes peuvent être présents

dans les échantillons et fausser la réponse des

bioessais

• Ne permet pas d’obtenir une courbe de

concentration-réponse

• Ne reflète pas la toxicité potentielle pour les

organismes vivant dans la colonne d’eau

Il a été clairement démontré que le prélèvement, la conservation et la préparation des sédiments

pour la mise en œuvre des bioessais perturbent leur intégrité (Burton, 1992, ASTM, 1994,

Burton, 1995, Day et al., 1995), modifiant les gradients, la spéciation et la complexation des

contaminants (Schuytema et al., 1989; Moore et al., 1995). Ce constat fait prendre conscience de

la nécessité, dans le cadre d’une étude comparative (où par exemple l’indice SED-TOX est

appliqué) d’assurer que les modes opératoires utilisés pour le prélèvement, la conservation et la

préparation des sédiments sont identiques pour chacun des échantillons de sédiments afin de

faciliter l’interprétation et la comparaison des différents sites d’intérêt. Bien qu’au cours des

dernières années on ait assisté à l’émergence d’un grand nombre de méthodes et protocoles sur la

mesure de la toxicité des sédiments, ainsi que de guides sur le prélèvement, l’entreposage et la

manipulation des sédiments (ASTM, 1995, EC, 1994), il n’existe pas de marche à suivre

normalisée qui soit universellement acceptée à l’heure actuelle. Le choix de la procédure doit

tenir compte de l’objectif de l’étude et d’une appréciation des avantages et limites de chacune des

phases.

Les procédures utilisées dans le cadre de la présente étude sont décrites ci-après.

Prélèvement des sédiments aux sites à l’étude

Les échantillons de sédiments, incluant ceux de référence, ont été prélevés à partir d’une benne

de type Shipek (profondeur de pénétration de 0 à 10 cm). Après la fermeture de la benne sur sa

prise, elle a été remontée en surface et soigneusement lavée à l’eau du site pour en déloger les

matières susceptibles de contaminer l’échantillon au cours du transfert dans les contenants

d’entreposage de polyéthylène haute densité (préalablement lavés) de 1 L étiquetés et fermés

hermétiquement. Les échantillons ont ensuite été transportés dans des unités réfrigérées (à

4±2°C) et transférés au réfrigérateur dès leur arrivée au laboratoire. Les bioessais ont ensuite été

initiés dans les 72h suivant leur prélèvement.

Préparation des phases d’exposition en vue des bioessais

Les étapes effectuées pour préparer les différentes phases d’exposition en prévision des essais de

(géno)toxicité sont décrites ci-après et résumées à la Figure III.1.

Figure III.1 : Préparation des phases sédimentaires pour les essais de (géno)toxicité

Eau interstitielle (EI)

Pour extraire l’EI, les échantillons de sédiments ont d’abord été homogénéisés manuellement à

l’aide d’une spatule recouverte de TeflonMC jusqu’à l’obtention d’une texture et couleur uniforme

(5 min). Ensuite, ils ont été répartis entre les divers tubes à centrifuger [tubes coniques en

polypropylène de 50-ml [préalablement lavés avec une solution acide (HNO3, 10% v/v) et rincés

trois fois avec de l’eau déionisée (MiliQ)], et centrifugés pendant 30 min (3,000 rpm, 15 °C) au

moyen d’une centrifugeuse de grande capacité. L’eau de porosité a ensuite été décantée

soigneusement dans des récipients de verre propres et conservée à l’obscurité à 4±2°C pendant

24h au plus.

Sédiment-humide (SH)

Une fois l’eau de porosité extraite, les SH résultant de cette opération ont été conservés dans des

bouteilles de verre (30 ml) remplies à bord. Le pourcentage d’humidité résiduelle des sédiments

Bioessais sur l’extrait organique

Transfert de l'extrait organique

dans le DMSO

Evaporation du solvant

au jet d'azote

Extraction de la fraction organique avec un solvant:

le chlorure de méthylène

Sous-échantillon destiné aux bioessais

sur la phase organique

Bioessais sur

l’élutriat

Détermination de la teneur

en humidité

Bioessais sur

l‘eau

Récupération de

l'eau interstitielle

Bioessais sur la

fraction solide-humide

Récupération de la

phase solide-humide

Centrifugation Bioessais sur le

sédiment entier

Homogénisation

à la

Sous-échantillon destiné

dd ti éd ti é

aux bioessais sur l'eau interstitielle,

la fraction solide-humide et les sédiments

Elimination des organismes endémiques

et des débris par tri manuel ou tamisage

Echantillon ou sous-échantillon

portions de 25 g de sédiments humides qui ont été séchées au four à 105°C pendant 24 h. Les

portions ont ensuite été transférées dans un dessiccateur et le pourcentage d’humidité résiduelle

déterminé par gravimétrie. Cette dernière étape permet de déterminer le poids du sédiment sec,

dénommé composante z dans le calcul de l’indice SED-TOX. L’eau perdue par séchage

correspond à la composante eau interstitielle non-centrifugée (y) du sédiment, tandis que celle

recueillie par centrifugation est dénommée eau interstitielle centrifugée (x) (Figure III.2).

Eau interstitielle non centrifugeable (y)

Sédiments secs (z)

Phase

solide-humide

Eau interstitielle centrifugeable

Sédiments entiers (x)

Figure III.2 : Schématisation simplifiée des fractions et composantes de la matrice

sédimentaire3

Extrait organique (EO)

Il existe une grande variété d’approches qui font appel au couplage de techniques d’extraction, de

concentration et de fractionnement (ECF) pour extraire la fraction organique des sédiments en

vue de réaliser des essais de (géno)toxicité (White et al., 1998a,b; Balch et al., 1995; Gagné et

al., 1995; Gagné et Blaise, 1995; Hoke et al., 1994; Marvin et al., 1994; Ho et Quinn, 1993;

Fernández et al., 1992; Grifoll et al., 1992; Johnson, 1992a; Langevin et al., 1992; Holoubek et

al., 1990; Grifoll et al., 1990; Metcalfe et al., 1990; West et al., 1986) Cependant, aucune de ces

approches n’a été validée afin d’apprécier leur performance (reproductibilité); ceci s’explique

possiblement par leur utilisation relativement peu fréquente comparativement à d’autres phases

d’exposition plus communes (e.g., eau interstitielle). Au Chapitre IV, une procédure est décrite et

3

Les fractions apparaissent en souligné alors que les composantes apparaissent en italique. L’eau interstitielle est

une composante sédimentaire et une fraction utilisée dans certains bioessais. La fraction organique extractible n’est

évaluée pour la préparation des extraits organiques en vue de la réalisation d’essais de

génotoxicité.

Plusieurs facteurs jouent un rôle déterminant dans la composition chimique des fractions

sédimentaires et, par conséquent, dans leur contribution relative de contamination au biote

(Brown et Neff, 1993): solubilité dans l’eau, les partages inter-fractions des contaminants

(coefficients de partage eau-octanol Kow, eau-matière organique Koc, etc.), et les particularités des

sédiments (e.g.., teneur en carbone organique, granulométrie et pH) (Figure III.3).

D’autres facteurs liés à l’échantillonnage et aux procédures de fractionnement ou d’extraction

peuvent influencer la composition chimique des fractions et les résultats de toxicité. A titre

d’exemple, on peut citer le choix du solvant pour l’extraction des substances organiques dans le

cas de l’extrait (EO). A ce sujet, mentionnons que le chlorure de méthylène (i.e.,

dichlorométhane, ou DCM) est reconnu comme étant un solvant apolaire très efficace pour

extraire une vaste gamme de substances organiques apolaires (Holoubek et al., 1990).

contaminants en

solution dans l'eau de

porosité

Bio

d

isp

onibilité dans

le tem

p

s

Contaminants en

solution dans l'eau

de porosité

Contaminants

adsorbés

aux particules et

à la matière

organique

Contaminants

adsorbés aux

particules et à

la matière

organique

Kow

Hydrophiles Lipophiles

SE

OE

SH

EI

Koc

Contaminants

extractibles avec

un solvant

organique

1 - Bioconcentration

2 - Bioaccumulation

1

2

Kow Koc Kow