L’Indice SED-TOX s’est inspiré de l’approche BEEP (« Barème d’effets écotoxiques
potentiels »), à l’origine conçue pour l’évaluation du potentiel toxique d’effluents industriels
(Costan et al., 1993). Depuis, la stratégie BEEP a été appliquée par plusieurs pays et fait l’objet
d’un certain raffinement (Blaise et Férard, 2005). Le but des deux approches est identique :
intégrer un ensemble de données bioanalytiques (i.e., générées à partir d’une batterie
multitrophique de bioessais) en une seule valeur qui s’avère utile pour l’évaluation du danger
toxicologique global d’un échantillon à l’égard d’organismes exposés. Le « danger »
toxicologique reflète la possibilité que des effets toxiques néfastes se produisent ou puissent se
produire suite à une exposition à un ou des contaminants présents à un site sédimentaire
particulier (US EPA, 1992).
Les deux approches sont similaires en plusieurs points :
• toutes deux de nature déterministe, elles impliquent la transformation des données
bioanalytiques sur une échelle unique, de façon à les rendre comparables,
• les deux approches requièrent : (i) la transformation des réponses bioanalytiques en
Unité Toxique (UT) – expression quantitative du potentiel toxique des substances
dans un échantillon – sans tenir compte de substances responsables de la toxicité
observée, et (ii) le calcul de leur moyenne. Les UTs se calculent comme suit : UT =
100/mesure, où la réponse peut être exprimée de différentes façons. Dans le cas du
BEEP, les réponses toxiques sont rapportées en concentration seuil d’effet (CSE), ce
qui représente la moyenne géométrique de la concentration minimale dans une série
de dilutions à laquelle des effets nocifs sont observés (CMEO) et la concentration la
plus élevée sans effet observé (CSEO). La CSE représente un estimé de la
concentration d’effluent à partir de laquelle un effet toxique peut se manifester. Dans
le cas du SED-TOX, les réponses toxiques varient selon le bioessai utilisé.
• l’intégration des données bioanalytiques en une valeur unique et sa transformation en
unité logarithmique, augmentant ainsi son potentiel discriminant, est une autre
similarité liant les deux indices.
Les deux approches présentent toutefois des distinctions notables. Elles sont principalement liées
aux spécificités des matrices environnementales évaluées (i.e., liquides dans le cas du BEEP et
liquides/solides dans le cas du SED-TOX).
• Puisque le SED-TOX s’applique à des échantillons de sédiments, il doit tenir compte
de la diversité de phases possibles d’exposition, certaines étant de nature aqueuse
(e.g., eau interstitielle, extrait organique) ou solide (i.e., phase solide-humide et
sédiment entier). Cette complexité se retrouve dans le calcul de l’indice SED-TOX
qui comporte cinq étapes de conversion des données avant leur intégration dans une
valeur globale. En revanche, le BEEP n’en comporte qu’une seule (i.e.,
transformation en UTs).
• De plus, dans le calcul de l’indice BEEP, chaque bioessai a un poids identique, sans
égard à sa sensibilité relative. Dans l’approche SED-TOX, un poids plus élevé est
attribué aux bioessais de toxicité aiguë (voir § 2.3.8.1).
• Le SED-TOX attribue également un poids moins élevé aux bioessais réalisés sur
extraits organiques car leur pertinence environnementale est moins importante en
raison des changements que peut causer la procédure d’extraction sur la
biodisponibilité des contaminants.
• Une autre distinction entre le BEEP et le SED-TOX comprend l’établissement de
classes de danger potentiel. Ces classes de toxicité (i.e., marginale, faible, moyenne,
élevée) ont été établies à partir de données existantes (voir le Chapitre III pour des
détails sur la détermination des classes). La classe « marginale » a été établie à partir
de données provenant de sites de référence relativement non contaminés localisés
dans le fleuve Saint-Laurent. Un indice SED-TOX élevé pour un site indique une
probabilité de danger plus élevée pour les organismes exposés.
• Une autre distinction importante existe au niveau de l’étape d’intégration des
données dans le calcul de l’indice final: le BEEP implique la somme des unités
toxiques (UTs) obtenue pour chacun des bioessais, la multiplication de cette somme
par le nombre total de mesures démontrant des effets toxiques (valeur maximale de
N = 10) et le débit de l’effluent en m3/h), ainsi que la transformation de cette valeur
en logarithme (on ajoute la valeur « 1 » à la formule BEEP pour situer la limite
inférieure de l’indice à « 0 », lorsque tous les bioessais s’avèrent insensibles à
l’effluent évalué). L’indice BEEP représente ainsi la contribution de l’effluent au
débit total du cours d’eau récepteur en UT/h. Le BEEP varie généralement entre 0 et
10. En revanche, l’intégration des réponses toxiques du SED-TOX passe par les
quatre étapes décrites ci-dessous (voir s.3.5.2) et l’indice final peut varier entre 0 et
4.
• Enfin, le BEEP comporte généralement une batterie bien définie de bioessais alors
que le SED-TOX peut s’avérer plus flexible en ce sens (les Chapitres V et VI
fournissent deux exemples d’applications du SED-TOX avec des batteries
bioanalytiques différentes). En effet, le BEEP initialement conçu (Costan et al.,
1993) comporte quatre (4) bioessais, certains incorporant plus d’un paramètre d’effet
et réalisés dans des conditions différentes, pour un total de dix (10)
mesures toxicologiques:
1. Croissance de l’algue S. capricornutum avant une étape de biodégradation
2. Croissance de l’algue S. capricornutum après une étape de biodégradation
3. Génotoxicité chez E. coli (SOS Chromotest) sans activation métabolique avant
une étape de biodégradation
4. Génotoxicité chez E. coli (SOS Chromotest) avec activation métabolique avant
une étape de biodégradation
5. Génotoxicité chez E. coli (SOS Chromotest) sans activation métabolique après
une étape de biodégradation
6. Génotoxicité chez E. coli (SOS Chromotest) avec activation métabolique après
une étape de biodégradation
7. Bioluminescence bactérienne (Microtox) avant une étape de biodégradation
8. Bioluminescence bactérienne (Microtox) après une étape de biodégradation
9. Survie de C. dubia
10. Reproduction chez C. dubia
Tous ces bioessais sont reconnus fiables et supportés par des méthodes standardisées d’EC. Les
essais réalisés après l’étape de biodégradation ont pour but de simuler le traitement biologique
des eaux usées (Costan et al., 1993). En raison de son coût relativement plus élevé à l’époque,
l’essai avec C. dubia n’est réalisé qu’une seule fois (i.e., avant l’étape de biodégradation). Notons
cependant que dans certains projets où le BEEP a été appliqué pour évaluer le potentiel toxique
de matrices liquides (i.e., autres que ceux effectués dans le cadre du Plan d’Action
Saint-Laurent), l’indice a été légèrement modifié afin de répondre aux besoins particuliers de l’étude et
aux conditions environnementales du site étudié. Ainsi, pour l’évaluation des eaux de surface
dans le bassin de la rivière Fraser, où la protection des salmonidés est un enjeu clé, le SOS
Chromotest a été remplacé par un test aigu entrepris avec la truite arc-en-ciel (EC, 1993).
Dans le document
Développement d'outils écotoxicologiques pour l'évaluation de sédiments
(Page 69-72)