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2.3 Indicateurs toxicologiques

2.3.5 Phases sédimentaires

Diverses phases sont utilisées dans les essais de toxicité des sédiments. Chacune présente des

avantages et des lacunes qui limitent leur applicabilité à toutes les situations et études.

L’utilisation conjointe de ces phases permet de palier à certains inconvénients lorsque chaque

phase est étudiée isolément. Le sédiment entier (SE) présente les trois composantes (ou phases)

suivantes :

ƒ Eau interstitielle (EI) : correspond à l’eau qui occupe l’espace entre les particules

sédimentaires; elle représente une fraction importante du sédiment et constitue

généralement plus de 50% de son volume (Förstner, 1987).

ƒ Phase solide-humide (SH) : correspond au sédiment duquel l’eau interstitielle a été

retirée par centrifugation ou autre méthode physique. Cette phase comprend les

particules inorganiques (principalement des argiles, carbonates, silicates) et

organiques.

ƒ Phase organique (EO) : n’occupe qu’un faible volume du sédiment. Selon sa taille,

la matière organique est classée en carbone organique dissous (COD < 1 kDa),

colloïdal (1 kDa < COC < 0,22 μm) et particulaire (COP > 0,22 μm).

Les essais sur sédiments entiers ont été développés pour évaluer les effets des sédiments in situ

(US EPA, 1994a, 1994b; ASTM, 1995; EC, 1997c,d). Les essais de toxicité sur l’eau interstitielle

ont été développés pour évaluer le potentiel d’effets in situ de sédiments contaminés sur les

organismes aquatiques (Ankley et al., 1991a,b). Pour plusieurs invertébrés benthiques, la toxicité

et la bioaccumulation des contaminants associés aux sédiments tels que les métaux et

contaminants organiques non-ioniques ont été corrélés aux concentrations de ces substances

chimiques dans l’eau interstitielle (Di Toro et al., 1991). Les essais de toxicité sur extraits

organiques ont été développés pour évaluer les effets associés aux concentrations maximales des

contaminants organiques associés aux sédiments (Chapman et Fink, 1984). Les essais sur

élutriats et la phase solide-humide ont pour but de mesurer le potentiel toxique associé au rejet

des contaminants du sédiment vers la colonne d’eau pendant les activités de dragage ou de dépôt

du matériel sédimentaire ou encore lors d’évènements qui provoquent la remise en suspension

des sédiments (Shuba et al., 1978; ASTM, 1995).

L’étude de chacune de ces phases comporte des avantages mais peut également amener des

incertitudes qu’il importe de connaître avant leur sélection (voir Chapitre III pour plus de détails).

Ingersoll et al. (1997b) ont effectué une étude comparative de ces phases, en tenant compte (entre

autres) de leur pertinence écologique, de leur sensibilité, et des possibilités d’interférence causées

par des facteurs autres que les contaminants (par exemple, la granulométrie des sédiments, la

teneur en carbone organique, la présence d’organismes indigènes, l’utilisation de solvants lors de

l’extraction de composantes sédimentaires, etc.). Un sommaire des conclusions de cette étude, en

ce qui concerne ces trois sources d’incertitude, figure ci-après. Pour plus de détails, le lecteur

peut également se référer au Chapitre III.

Pertinence écologique. Les essais sur sédiments entiers employant des invertébrés benthiques qui

résident dans les sédiments à l’étude peuvent fournir l’information la plus réaliste sur les effets

toxicologiques sédimentaires. En revanche, parce qu’ils modifient la biodisponibilité des

contaminants présents et ne représentent pas une exposition réaliste in situ, les extraits organiques

de sédiments sont considérés comme étant ceux qui sont les moins pertinents du point de vue

écologique. La préparation d‘élutriats et de solides en suspension peut également modifier la

biodisponibilité des contaminants associés aux sédiments, bien que Burton et al. (1996) ont

démontré que des organismes pélagiques peuvent être de bons indicateurs de la toxicité des

sédiments entiers. L’étude de l’eau interstitielle semble être un substitut raisonnable à celle de

sédiments entiers (Giesy et Hoke, 1989; Ankley et al., 1991a,b; Carr et Chapman, 1995).

Sensibilité. La sensibilité d’une phase sédimentaire reflète son potentiel à minimiser les

incertitudes associées aux faux positifs (i.e., des échantillons non toxiques incorrectement

reconnus toxiques) et aux faux négatifs (i.e., des échantillons toxiques incorrectement reconnus

non toxiques). Les essais sur sédiments entiers réalisés avec des organismes benthiques

démontrent un niveau approprié de sensibilité, selon Ingersoll et al. (1997b), sans pour autant

dire que tous les essais conduits sur sédiments entiers soient les plus sensibles. Il semble y avoir

un degré élevé de certitude que les essais sur sédiments entiers fournissent une mesure prédictive

et exacte des effets toxicologiques des contaminants associés aux sédiments2. Les essais

employant l’eau interstitielle viennent, avec ceux entrepris sur sédiments entiers employant des

organismes pélagiques, en deuxième place en ce qui concerne la certitude associée à leur

sensibilité. Le plus faible niveau de certitude a été attribué à la sensibilité des extraits organiques,

des élutriats et des solides en suspension, puisque dans ces cas, les échantillons sont tellement

dénaturés que la toxicité mesurée peut s’avérer être un artéfact de la méthode de préparation (e.g.,

la toxicité pourrait résulter de la présence de solvants dans les échantillons).

Interférences. Les interférences sont associées aux facteurs biotiques et abiotiques qui peuvent

influencer les résultats de toxicité au-delà des effets directs causés par les contaminants. Toutes

les phases associées aux sédiments comportent un niveau « modéré à élevé » d’incertitude

associée aux interférences. Des facteurs tels que la granulométrie, le contenu en carbone

organique (CO), la salinité, et la présence (ou l’absence) de substances nutritives peuvent

potentiellement affecter les résultats des essais de toxicité entrepris sur des sédiments entiers avec

des organismes benthiques ou pélagiques (DeWitt et al., 1988; Ankley et al., 1994; Suedel et

Rodgers, 1994). A l’instar de la sensibilité, l’incertitude associée aux interférences dans les essais

avec extraits organiques, élutriats et solides en suspension est la plus élevée en raison des

artéfacts potentiels introduits lors de la préparation de ces phases d’exposition. Dans le cas des

essais employant l’eau interstitielle, le changement d’une unité ou plus de pH durant l’essai

pourrait affecter les résultats de façon significative. Un changement de pH pourrait altérer la

toxicité associés aux métaux, à l’azote et aux sulfures d’hydrogène (Ankley et Thomas, 1992;

Ankley et Schubauer-Berigan, 1991). De même, l’oxygénation de sédiments anoxiques joue un

rôle important dans la biodisponibilité des contaminants. Ainsi, lorsque des sédiments anoxiques

contenant du fer et/ou du manganèse sont exposés à l’air (par e.g., lors de leur extraction in situ),

la co-précipitation de métaux avec des oxydes de fer ou de manganèse peut résulter en une

diminution de leur potentiel toxique à l’égard des bioessais de laboratoire.