• Aucun résultat trouvé

5. UNE CONTRIBUTION SPECIFIQUE A LA PROTECTION DE

5.3 Précarité / exclusion

5.3.1 Des interventions de la sécurité sociale

89. Nous avons vu que la pauvreté et l’exclusion ne font pas partie des neuf éventualités classiques de la sécurité sociale109. En revanche, elles entrent dans le champ d’application matériel d’une conception élargie pour faire face aux défis contemporains : c’est un apport de la Charte sociale européenne révisée de 1996110.

107 Idem, I, 5, 6, 8, 13.

108 Recommandation CM/Rec (2008) 10 du Comité des Ministres aux Etats membres relative à l’amélioration de l’accès à l’emploi des migrants et des personnes issues de l’immigration, du 10 juillet 2008.

109 Voir ci-dessus le N° 46.

110 Voir ci-dessus les Nos 47-48.

90. L’on peut se limiter à rappeler ici que les systèmes de sécurité sociale :

• Peuvent lutter indirectement contre la pauvreté et l’exclusion : les personnes convenablement protégées, notamment par des régimes d’assurance sociale, ont peu de risques d’être un jour pauvres. C’est d’ailleurs un élément important que les législateurs doivent garder à l’esprit quand ils procèdent à des réductions de prestations ;

• Peuvent intervenir directement contre la pauvreté et l’exclusion, par des prestations ciblées sur les plus défavorisés. La protection est alors octroyée sous conditions de ressources : les revenus et l’éventuelle fortune de l’intéressé, de sa famille, sont pris en compte ;

• En plus des interventions « monétaires » (octroi de prestations en espèces : indemnités journalières, pensions, prestations familiales), les systèmes de sécurité sociale apportent une protection sous forme de services : orientation, réinsertion professionnelle, accompagnement des personnes vivant avec une invalidité et des âgés. C’est une manière utile d’écarter l’exclusion.

5.3.2 Le Conseil de l’Europe face à l’extrême précarité

91. Au cours de cette étude, nous avons vu que le Conseil de l’Europe guide les Etats vers de meilleurs systèmes de sécurité sociale. La Charte sociale européenne révisée et le Code européen de sécurité sociale révisé représentent des normes supérieures : la protection ainsi garantie est d’un niveau appréciable.

92. A côté de cette grande orientation indispensable (cf. la fragilisation des familles et des emplois, l’allongement de la vie), le Conseil de l’Europe a été rattrapé par la pauvreté voire l’extrême pauvreté ! Singulièrement, la transition politique, économique et sociale de certains pays de l’est du Contient s’est révélée très difficile. L’Europe attire également des migrants du Monde entier, qui fuient les guerres, les troubles, la misère, les dictatures. A côté de l’élévation progressive des standards, de positionnements sur des questions nouvelles ou dont l’intensité s’accroît, il a fallu à Strasbourg revenir aux normes les plus basiques…111

93. Ainsi, en 2000, le Comité des Ministres a dû adresser aux Etats membres une Recommandation concernant les besoins des personnes vivant dans l’extrême précarité112. Les considérants de l’instrument résument la situation :

• Des situations de précarité extrême existent parfois à grande échelle, dans tous les Etats de la grande Europe113

111 Pierre-Yves GREBER : Le droit international de la sécurité sociale : des normes supérieures à la lutte contre la pauvreté. In : Temi scelti di diritto delle assicurazioni sociali. Commissione ticinese per la formazione permanente dei giuristi (CFPG, 38). Helbing & Lichtenhahn.

Basel/Genève/München 2006, pp. 39 sv.

;

112 Recommandation N° R (2000) 3 du Comité des Ministres aux Etats membres sur le droit à la satisfaction des besoins matériels élémentaires des personnes en situation d’extrême précarité, adoptée le 19 janvier 2000.

• Pour faire face, il faudrait pouvoir garantir aux intéressés des prestations élémentaires, pour des raisons de dignité ;

• Ceux-ci devraient pouvoir faire valoir un droit à cette protection.

94. Le Conseil de l’Europe recommande dès lors aux Etats membres :

• De reconnaitre, dans leur législation et dans leur pratique, un droit à une protection élémentaire à toute personne se trouvant en situation d’extrême précarité. Cette protection devrait comprendre au moins la nourriture, l’habillement, l’hébergement et les soins médicaux de base ;

• De rendre ce droit invocable directement devant les autorités et les tribunaux ;

• De reconnaitre ce droit aux nationaux et aux étrangers quel que soit leur statut ;

• De veiller à ce que l’information sur ce droit soit suffisante.

5.3.3 La pauvreté touche davantage les femmes

95. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté une Résolution 1558(2007) sur la féminisation de la pauvreté114. Elle attire l’attention des Etats sur les éléments suivants :

• La pauvreté touche davantage les femmes que les hommes et ce phénomène tend à s’accroitre ;

• Ceci peut notamment être dû : à des manques de qualifications professionnelles ; à un divorce ; à une sous-estimation et à un sous-paiement de la contribution des femmes au développement de la famille, de la société et de l’économie ; au fait que les emplois à salaire élevé sont généralement réservés aux hommes ;

• Les inégalités entre femmes et hommes sont un obstacle à la réduction de la pauvreté ;

• Le développement de l’emploi, sans discrimination, est une mesure efficace de lutte contre la pauvreté. Si nécessaire, des mesures positives en faveur des femmes doivent être prises. La fonction publique doit garantir une représentation équilibrée ;

• Il convient d’augmenter de façon significative les allocations pour la naissance et pour la garde des enfants ;

• Une attention particulière doit être portée à la santé : si celle-ci est précaire, cela peut être aussi bien une cause (réduction de la capacité de travail) qu’une conséquence (accès insuffisant aux soins et à des conditions de vie convenables) de la pauvreté ;

• La protection vieillesse/retraite est également essentielle pour la réduction de la pauvreté. Il faut permettre aux femmes d’accéder à des pensions suffisantes, p.

ex. en compensant les périodes de garde d’enfants et de soins aux personnes

113 Voir ci-dessus, au N° 1, le Tableau 1.

114 Assemblée parlementaire. Résolution 1558 (2007) : Féminisation de la pauvreté, adoptée le 26 juin 2007. Texte complété par la Recommandation 1800 (2007) : Féminisation de la pauvreté, également adoptée le 26 juin 2007.

âgées ou dépendantes. Il faut prévoir des pensions minimales pour les personnes qui n’ont pas ou que peu cotisé, tenir compte des carrières irrégulières et des travaux dits atypiques ;

• Au vu de ces éléments, il est nécessaire : d’étudier la féminisation de la pauvreté afin d’obtenir des indicateurs et des références communes ; de proposer des solutions concrètes pour inclure le genre dans les stratégies de réduction de la pauvreté.

Documents relatifs