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LA CONTRIBUTION GENERALE DU CONSEIL DE L’EUROPE A LA

6.1 Des problèmes, des principes directeurs

97. L’on peut rappeler en quelques lignes la nécessité de la coordination et les principes sur lesquels elle se fonde116 :

• Deux types de problèmes rendent nécessaire la coordination : a) des inégalités de traitement peuvent frapper un étranger par rapport au national (p.ex. le premier n’a pas droit à l’exportation d’une prestation, alors que le second peut la recevoir hors du pays compétent) ; b) les situations qui excèdent le territoire et la compétence d’un Etat (p.ex. une personne effectue sa carrière professionnelle dans trois pays et prend sa retraite dans un quatrième). Il y a donc nécessité d’établir des liens entre des systèmes nationaux de sécurité sociale, tous différents, pour réaliser l’égalité et pour constituer des carrières par-dessus les frontières ;

• La coordination est fondée sur cinq principes directeurs : a) l’égalité de traitement (qui remédie donc au premier problème, celui des discriminations) ; b) la désignation d’un droit applicable (les systèmes nationaux ont des critères de rattachement qui peuvent différer : la désignation d’un système compétent évite les conflits de lois positifs comme négatifs) ; c) le maintien des droits en cours d’acquisition (si nécessaire, les institutions vont totaliser des périodes de cotisations, d’emploi, de résidence pour permettre l’ouverture du droit à une

115 Voir ci-dessus les Nos 46-48.

116 Bettina KAHIL-WOLFF / Pierre-Yves GREBER : Sécurité sociale : aspects de droit national, international et européen, pp. 191 sv., 297 sv.

prestation. Si celle-ci est à court terme, comme une prestation de maternité ou de chômage, un système sera compétent. Si la prestation est à long terme, une proratisation permettra de répartir la charge entre les Etats, p.ex pour une pension de retraite) ; d) le maintien des droits acquis (il permet le service des prestations hors de l’Etat compétent : les prestations en espèces, à court ou à long terme, sont ainsi exportées ; les soins de santé font l’objet d’une entraide administrative entre le système compétent et celui qui octroie les soins, avec règlement financier) ; e) la coopération administrative (entre les institutions de sécurité sociale des Etats liés par la coordination)117.

6.2 La contribution du Conseil de l’Europe au domaine de la coordination 98. Le Conseil de l’Europe a adopté des instruments de coordination, ouverts à la ratification.

Tableau 4 Les instruments du Conseil de l’Europe

• Accord intérimaire européen concernant les régimes de sécurité sociale relatifs à la vieillesse, à l’invalidité et aux survivants (1953).

• Accord intérimaire européen concernant la sécurité sociale à l’exclusion des régimes relatifs à la vieillesse, à l’invalidité et aux survivants (1953).

• Convention européenne d’assistance sociale et médicale (1953).

• Convention européenne de sécurité sociale et Accord complémentaire pour l’application de la convention (1972).118

99. Les quatre instruments appliquent le principe de l’égalité de traitement entre nationaux et étrangers. Cependant, sur la base d’une condition de réciprocité : les Etats doivent garantir un traitement égal aux non-nationaux si ceux-ci sont des ressortissants des Parties contractantes119 (ils sont libres à l’égard des citoyens des pays tiers). Et des réserves ou exceptions sont possibles à certaines conditions. On voit ainsi que l’égalité de traitement est conçue sous la forme d’un principe à géométrie variable.

100. Les Accords intérimaires, de façon limitée, et la Convention européenne de sécurité sociale sont également fondés sur les principes de la détermination de la législation applicable, du maintien des droits en cours d’acquisition, du maintien des droits acquis et de la coopération administrative. L’approche juridique diffère.

Les Accords intérimaires étendent à tous les ressortissants des Etats contractants le bénéfice des conventions bilatérales et multilatérales qui ont été ou qui pourront être conclues par lesdits Etats. La Convention européenne contient des dispositions applicables dès son entrée en vigueur et d’autres qui doivent faire l’objet d’accords bi-ou multilatéraux entre les Parties contractantes120

117 NAGEL/THALAMY : Le droit international de la sécurité sociale, pp. 51 sv.

. C’est pourquoi Guy PERRIN la

118 Aucun de ces instruments n’a été ratifié par la Suisse.

119 Soit les Etats qui ont ratifié l’instrument.

120 Charles VILLARS : La Convention européenne de sécurité sociale, p. ex. pp. 85 sv, 88 sv, 117 sv, 130 sv.

qualifie de convention-cadre (les dispositions fondamentales étant applicables) et de convention-modèle (d’autres dispositions bien que précises ne sont pas contraignantes mais servent de guide pour la conclusion d’accords complémentaires)121.

6.3 Compatibilité ou opposition avec les instruments de l’ONU, de l’OIT et de l’UE ?

101. Tous les instruments de coordination appliquent les mêmes principes, tels que rappelés ci-dessus. Bien sûr, l’intensité peut varier, certains sont plus approfondis (performants) que d’autres, mais il n’y a pas d’opposition entre eux122 au niveau de la conception.

102. Les Nations Unies ont adopté un instrument de coordination, la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (1990). L’Organisation internationale du Travail a, à son actif, une série d’instruments en la matière ; citons la Convention OIT N° 118 concernant l’égalité de traitement des nationaux et des non-nationaux en matière de sécurité sociale (1962) et la Convention OIT N° 157 concernant l’établissement d’un système international de conservation des droits en matière de sécurité sociale (1982)123. Sous réserve de règles précises124, il y a compatibilité avec ce que le Conseil de l’Europe a réalisé.

103. Mais, comme cela est généralement connu, c’est l’Union Européenne qui est leader dans le domaine de la coordination. Ici, elle a une compétence sociale forte, elle utilise la forme la plus développée du droit dérivé, soit le règlement (not. le R 1408/71, qui cède sa place au R 883/2004), la Cour de justice de l’UE dit le droit. Sur le Continent, dans l’espace UE/AELE/Suisse, c’est le droit de l’Union Européenne qui règle effectivement la coordination des systèmes de sécurité sociale, avec l’application la plus développée des principes directeurs évoqués.

6.4 Cinquième conclusion

104. Le Conseil de l’Europe apporte également une contribution à la coordination des systèmes de sécurité sociale. Ses instruments sont fondés sur les principes directeurs de cette orientation, notamment sur l’égalité de traitement entre nationaux et étrangers.

Mais dans ce domaine, le Conseil de l’Europe vit dans l’ombre de l’Union Européenne : celle-ci dispose en effet d’instruments beaucoup plus performants.

121 Guy PERRIN : Un nouvel instrument multilatéral pour la protection des travailleurs migrants. La Convention européenne de sécurité sociale. Revue belge de sécurité sociale 1973, N° 1, pp. 1sv.

122 Sous réserve des normes précises : p. ex. une fois admis le principe de la désignation d’un système compétent, les critères d’assujettissement peuvent varier. Concrètement, si p. ex. une personne exerce deux ou plusieurs activités simultanément, un instrument de coordination peut admettre deux ou plusieurs régimes simultanément compétents, alors qu’un autre imposera l’unicité de la législation applicable.

123 La Suisse n’a ratifié aucun de ces instruments.

124 Voir la note 122.

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