• Aucun résultat trouvé

137 précédés ou suivis par des écoulements torrentiels (charriage), comme en témoignent des lentilles de

matériel à galets imbriqués à la base ou au sommet de certains dépôts.

Figure 3.18. Sédiments des coulées de débris : coupe naturelle dans la coulée inférieure du Rio Salamanca, en

amont de Cabaceiras. Photo : J.P. Peulvast, 2010.

C’est ce que confirme le fonctionnement hydrologique observé dans les chenaux emboîtés dans ces dépôts. Les blocs qui encombrent le fond de ces chenaux proviennent surtout du sapement des terrasses lors des brefs épisodes d’écoulement torrentiel qui caractérisent les cours d’eau actuels. La faible mobilisation longitudinale des plus gros d’entre eux (calibre métrique ou plurimétrique), observée par comparaison de photos à l’issue des crues éclair évoquées en début de chapitre, semble confirmer que les épisodes d’écoulement torrentiel, d’ailleurs peu fréquents, ne suffisent pas à expliquer la mise en place de la plus grande partie du matériel des langues de débris, pour lequel la mise en place brutale proposée plus haut paraît plus probable. Hors événements exceptionnels, les écoulements fluviatiles entraînent surtout les fines, que l’on retrouve sous forme d’épandages sableux dans les plaines alluviales et les basses terrasses à l’aval du terminus des coulées.

En fonction des épaisseurs observées, des volumes de l’ordre de 2,5 Mm3

peuvent être proposés pour les plus importants de ces dépôts (Granjeiro, Luanda-Lameiro, Salamanca) (Peulvast et al., 2011 ; tableau 3.1).

3.3.2.4. Interprétation : types de dynamiques impliquées

Les facteurs impliqués dans la mise en place de grandes coulées ne sont pas clairement identifiés puisqu’aucun événement de ce type n’a pu être reconnu à l’aide des sources disponibles, au cours des

138

temps historiques – c’est-à-dire depuis le XVIIIe siècle. Les zones-source sont les secteurs de l’escarpement à entonnoirs et éperons, mais aussi de grands glissements de terrain (Coruja, têtes du Rio Salamanca). Le matériel reprend d’anciens éboulis ou tabliers colluviaux constitués de débris de grès altérés et formés par chutes de blocs et petits glissements de terrain dans l’escarpement (voir 3.2.2). Il a pu être déstabilisé à l’occasion de fortes pluies ou d’autres conditions de saturation en eau après de longues périodes d’accumulation, sur des épaisseurs telles que la couverture forestière, si elle était présente, ne pouvait pas le retenir.

Les autres mouvements de masse identifiés correspondent à des processus profonds contrôlés par des facteurs structuraux et hydrogéologiques. Par exemple, le glissement de Carretão pourrait correspondre au glissement d’un panneau de plus de 200 m d’épaisseur ; il en est de même pour celui de Coruja (Fig. 3.10 B). Dans les deux cas, comme dans celui des autres glissements étudiés ici, les facteurs superficiels tels que le rôle de la végétation ne semblent pas être impliqués dans ces phénomènes, qu’ils soient catastrophiques (Carretão) ou beaucoup plus lents (Coruja et la plupart des autres glissements rotationnels). Cependant, plusieurs de ces glissements sont prolongés par des coulées de débris, où des contrôles plus superficiels tels que le guidage par les incisions antérieures peuvent avoir agi.

Les dépôts liés aux grands mouvements de masse bien identifiés ne forment qu’une part des sédiments colluviaux et alluviaux qui tapissent de grandes parties de la dépression du Cariri et du site de Crato (plus que de celui de Barbalha). La présence de dépôts similaires à ceux des coulées de débris les plus basses sur les lanières de glacis et dans de hautes terrasses montre que de tels processus se sont répétés à diverses reprises au cours de l’évidement de la dépression, du creusement des vallées et du recul de l’escarpement (Peulvast et Bétard, 2015).

3.3.3. Indications chronologiques

En dehors d’un témoignage fiable portant sur une activation du glissement de terrain de Coruja survenue en 1958 lors d’une saison des pluies particulièrement intense, avec l’enfouissement d’une source (Nascente João de Borba : Freitas, comm. orale, 2017), il n’existe aucun enregistrement historique connu de grands mouvements de masse dans la région étudiée. Seuls des éléments de chronologie relative peuvent être avancés. Il n’existe pas non plus, jusqu’à présent, de datations absolues de dépôts de glissements de terrain. Cependant, quelques langues et lobes de débris présentent des modelés de surface très accidentés compatibles avec une mise en place récente (quelques décennies ou siècles ?) : les coulées de Granjeiro (partie amont) et de Santa Rita (Fig. 3.17 A, B), les plus basses coulées du Rio Salamanca, celles de Luanda-Lameiro et de la marge est du lobe du Rio Saco (Fig. 3.19 A), ou encore le lobe de débris du glissement de Coruja (Fig. 3.19 B).

139

Figure 3.19. Modelés superficiels chaotiques pouvant indiquer des mouvements de terrain récents. A. la coulée

de Grangeiro, (Crato, quartier Baixo Granjeiro) en août 2008. La route est perpendiculaire à l’axe de la coulée de débris. B. Front du glissement de terrain de Coruja à Bebida Nova (Crato), août 2014. Photos: J.P. Peulvast.

Au contraire, la dissection conduisant à la préservation partielle de langues de débris sous forme de terrasses (Crato-Sossego, Fig. 3.20 A) ou même de couvertures de glacis (Mindoia, Fig. 1.9 B) suggère des âges plus anciens, bien que l’incision puisse être très rapide après un épisode d’obstruction, dans les dépôts meubles comme dans le substrat (grès tendres de la Formation Batateira). Il en est de même pour les glissements de terrain, où l’on observe des différences de préservation des modelés, dans les cicatrices de départ (tantôt concaves et lisses, comme à Farias ou Carretão (Fig. 3.13 A), tantôt ravinées comme à Belmonte : Fig. 3.20 B) comme sur les lobes de débris, chaotiques ou lissés.

Figure 3.20. Indices d’ancienneté de dépôts et formes de mouvements de masse. A. Quartier Sossego, Crato :

moyenne terrasse à blocs anguleux de grès Exu en rive droite du Rio Granjeiro. Noter la reprise colluviale partielle du matériel dans le rebord de la terrasse (à droite). B. Ravinements dans la cicatrice de glissement de Belmonte, Crato. Photos: J.P. Peulvast, 2014.

A B

140