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128 Crato, un épais lobe de débris montre de fortes pentes frontales hérissées de blocs de grès, sur 1000 m

de largeur. Au moins deux masses ou écailles imbriquées ont glissé le long d’une paroi concave mise à nu sur 100 m de hauteur, prolongée ou dédoublée en surfaces de cisaillement concaves clairement visibles en marge sud du dépôt, ceci sur une longueur totale de 1200 m (Fig. 3.10 B ; tableau 3.1).

À Meio, 9 km à l’ouest de Barbalha, deux cicatrices de glissement adjacentes échancrent un segment NS de l’escarpement sur une largeur totale de 2,5 km. Tandis que la plus septentrionale ne domine qu’un court lobe aplati, la plus méridionale est partiellement occupée par un épais lobe de débris dans sa moitié nord. L’épaisseur de ce dépôt atteint 60 à 100 m au-dessus du plancher disséqué visible dans la moitié sud (Engenho do Meio). Une petite carrière localisée sur le côté ouest de la route Crato-Arajara à 680 m d’altitude montre que la partie la plus épaisse de ce lobe montueux, à 800 m de la corniche gréseuse, correspond à un énorme panneau basculé de grès Exu incliné à 30°SO, c’est-à-dire en partie vers l’escarpement, 80 m plus bas que l’altitude locale du contact entre les grès Exu et Arajara (Fig. 3.10 C). Tandis que la hauteur de la paroi rocheuse correspondante est d’environ 100 m, elle atteint 200 m au sud, ce qui suggère que les deux parties de la cicatrice de glissement se sont formées indépendamment ou qu’une part, peut-être moins cohérente, de la masse de débris a été soustraite à la partie sud d’un lobe unique, le long d’un cours d’eau alimenté par une source située au pied de l’escarpement. À 2 km plus au sud, au-delà d’un profond entonnoir dont le fond est occupé par le parc de loisirs Arajara, le glissement de Farias présente un épais lobe de dimensions similaires (tableau 3.1). Jonché de blocs énormes, il remplit partiellement la vallée qui prolonge une courte reculée et se termine par un haut front pentu au-dessus du village d’Arajara (Fig. 3.9). Un lobe de débris plus petit provenant de la même cicatrice se distingue sur son flanc sud, se terminant aussi par un front abrupt (Fig. 3.10 D).

Le long de la plupart des autres segments concaves de l’escarpement, de larges (1 à 2 km) systèmes coalescents de blocs basculés à contre-pente ou de lobes de débris ont été observés. Cela suggère que des panneaux larges et épais de la table gréseuse ont été déstabilisés en bloc dans le rebord du plateau le long de surfaces de rupture courbes et qu’ils se sont disloqués pendant la translation. De tels lobes épais ont été identifiés dans le secteur Boa Vista-Olho d’Água (ONO de Crato) et surtout dans le rentrant de Barbalha, en particulier entre Farias et Caldas-Santa Rita, où ils descendent jusqu’à des altitudes similaires ou plus basses (500 m) autour des affluents du Rio Salamanca, formant les têtes de langues allongées de dépôts riches en blocs. Ils forment un tablier presque continu de colluvions de la taille des sables à celle des blocs qui couvre partiellement les glacis et les replats structuraux développés dans la Formation Santana. Au SE de Barbalha, un panneau de longueur kilométrique s’est morcelé en plusieurs banquettes concaves étagées. Celui-ci combine probablement déplacement vertical et glissement en translation le long de failles listriques pouvant être raccordées à un cisaillement plat en profondeur et reflétant le recul d’ordre hectométrique ou pluri-hectométrique subi par le rebord du plateau lors des plus grands de ces glissements de terrain (Fig. 3.11 A).

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Figure 3.11. Glissements en translation dans l’escarpement NE de la Chapada do Araripe au S et au SE de

Barbalha, 2016. A. Sitio Flores (SE de Barbalha) : découpage du rebord de la Chapada en blocs étagés, déplacés le long de failles listriques probablement raccordées à un cisaillement plat en profondeur. B. Lagoinha (SW de Barbalha, bord SE de la route de Caldas) : faille listrique dans les grès de la Fm Batateiras, le long de laquelle la translation vers le NE (vers la gauche) du bloc abaissé a ouvert un vide comblé par les matériaux de la terrasse alluviale surincombante. Photos : J.P. Peulvast.

Dans tous les cas, les profils géologiques (fig. 3.12) indiquent que les mouvements se sont produits dans les niveaux mécaniquement faibles de la série sédimentaire (argiles, marnes et gypse des Membres Romualdo et Ipubi). Peut-être initiés par un cisaillement et une translation horizontale le long de ces niveaux, comme le suggère un glissement en translation observé dans la Formation Batateira au sud de Barbalha (Fig. 3.11 B), ils se sont combinés avec des glissements rotationnels suivant des surfaces de rupture concaves développées dans les grès surincombants. C’est aussi ce que montre l’observation fréquente de grands blocs de grès basculés à contre-pente (fig. 6B).

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Figure 3.12. Profils géologiques dans quelques grands glissements rotationnels de la region de Crato - Barbalha

et dans le dépôt de Sturzstrom de Carretão (localisation : voir noms dans la fig. 3.9). D’après Peulvast et al., 2011. 1, 2 : dépôts de glissements de terrain ; 3 : source ; 4 : grès (Fm Exu) ; 5 : grès argileux (Fm Arajara) ; 6 : argiles feuilletées, marnes (Mb Romualdo) ; 7: gypse (Fm Ipubi) ; 8: calcaire (Mb Crato) ; 9 : grès tendre (Fm Rio da Batateira).

3.3.2.2. Identification de modelés et dépôts de Sturzstrom

Au sud de Crato, la partie amont du grand glissement identifié au lieu-dit Carretão est aussi de type rotationnel, en contrebas d’une ample cicatrice concave longue de 1,5 km, haute de 180 m et dont la pente décroît de 30° à 25-20° vers le bas (Fig. 1.9 ; Fig. 3.9). La cicatrice domine une topographie chaotique où des collines de 60 à 80 m de hauteur, disséquées par 4 vallons profonds et étroits, déconnectés de la paroi, s’étendent sur 2 km de largeur, jusqu’à 540 m d’altitude (Fig. 3.9). Dans plusieurs coupes en marge de la route Crato-Arajara, des blocs de grès Exu altérés affleurent sur des épaisseurs de 2 à 4 m, mais des versants raides de 50 m de hauteur apparaissent également constitués de ce matériel à blocs qui compose probablement ces reliefs chaotiques composés de grands blocs basculés plus ou moins démantelés. On y observe par exemple un énorme panneau horizontal de grès sur une longueur de plus de 40 m le long de cette route, à 580 m d’altitude (Recanto).

Plus bas (Baixio das Palmeiras, Currais), un large tablier de débris s’est mis en place sur une topographie différenciée et a partiellement rempli les vallons affluents des Riachos Constantino et Fundo, où d’épaisses langues de blocaille sont descendues jusqu’à des fronts pentus comme celui

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dominant le quartier Vila Lobo, à 6 km de la cicatrice (Fig. 3.9). Plus à l’est, le lobe, bien identifiable par l’abondance des blocs visibles sur ses marges à la faveur de défrichements récents (Currais, flanc ouest du Riacho Fundo ; Fig. 3.13 A) s’est étalé jusqu’à 460 m d’altitude sur un large interfluve (Baixio das Palmeiras ; Fig. 3.13 B), remontant même localement un versant d’une quarantaine de mètres face à la cicatrice (sud de Currais). On y observe des blocs saillants de 4 à 8 m de longueur, ainsi que de multiples talus routiers montrant des blocs plus petits dans une abondante matrice sablo-argileuse.

Figure 3.13. Le tablier de débris aval du glissement de Carretão (Crato). A. Currais, août 2014 ; flanc de vallon

affluent du Riacho Constantino, jonché de blocs de grès Exu. B. Baixio das Palmeiras, septembre 2009 ; flanc de vallon affluent du Riacho Fundo. Les plus gros blocs atteignent 4 à 6 m de longueur. Localisation : voir Fig. 3.9. Photos : J.P. Peulvast.

L’extrémité aval du tablier et des langues qui le prolongent n’est pas clairement identifiée dans la topographie. Cependant, vers l’extrémité nord du long interfluve qui sépare les Riachos Constantino et Fundo (Muriti), à 440 m d’altitude et à 8 km de la cicatrice, des travaux d’aplanissement préalables à la construction d’édifices commerciaux sur le côté nord de la route Crato-Juazeiro do Norte ont mis au jour en 2011 une couverture de blocs et cailloux hétérométriques, sub-émoussés à anguleux, à matrice sableuse, épaisse de 1 à 3 m, au sein de laquelle étaient présents de gros blocs de grès Exu atteignant jusqu’à 4 à 6 m de longueur (Fig. 3.14).

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Figure 3.14. La nappe de cailloutis et les blocs de Muriti (Crato), coupe NS. Les éléments, y compris les blocs

métriques, proviennent tous du grès Exu, 2009. Photo : J.P. Peulvast.

Compte tenu de la position en bout de glacis, 40 à 50 m plus haut que le fond de la vallée du Rio da Batateira, l’origine de ces matériaux – maintenant peu visibles (talutage des coupes, concassage des blocs, construction de bâtiments commerciaux) – pourrait être l’escarpement situé au sud, où se trouve la cicatrice de glissement de Carretão. Bien que la continuité des dépôts n’ait pu être observée entre Currais et Muriti, sous les quartiers Barro Branco et Alto da Coruja du fait de la couverture végétale ou de l’urbanisation (accompagnée d’une destruction rapide des indices tels que la présence de gros blocs), la formation observée à Muriti pourrait représenter une des extrémités du tablier de débris divisé en plusieurs lobes (Vila Lobo, Currais, Muriti, Baixio das Palmeiras ; Fig. 3.9). L’hypothèse alternative, non vérifiée, serait qu’il représente un vestige de haute terrasse en marge sud de la vallée du Rio da Batateira. Là encore, aucune continuité ni aucune corrélation n’a pu être clairement établie avec d’autres vestiges de terrasse d’altitude relative similaire comme les petits témoins repérés à Muriti autour de la confluence du Riacho Constantino.

Selon ces observations, la topographie chaotique de l’amont correspondant à de grands blocs de grès basculés et celle du tablier de débris épandu à l’aval sur un relief différencié de glacis disséqués, ainsi que l’occurrence probable de mouvements ascendants à contrepente impliquant de hautes vitesses d’écoulement (Fort et Peulvast, 1995), suggèrent que l’ensemble peut correspondre à un dépôt d’avalanche de débris, ou Sturzstrom (Heim, 1932, in Angeli et al., 1996). Même sans l’hypothétique langue de Muriti, sa superficie estimée serait de 10 km2 au minimum, et l’épaisseur peut varier de quelques dizaines de mètres dans la zone amont de glissement à une dizaine de mètres dans les langues émissaires (Vila Lobo, Currais) ou peut-être à 1-3 m vers l’extrémité (Muriti). Le volume correspondant serait énorme, au minimum de l’ordre de 100 Mm3. Compte tenu de l’accroissement de

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